Le lien est régulièrement établi dans la communication des entreprises entre diversité au sens large, sur l’ensemble des critères, et performance. Pour autant, ce lien relève souvent du credo : il est affiché sans être démontré. Comment dépasser la seule affirmation et détailler les mécanismes potentiellement à l’œuvre pour faire de la diversité un levier de performance ?

Le constat

Le lien entre le degré de diversité d’une organisation et sa performance renvoie à une logique de bon sens, appuyée par des constats empiriques. Pour valider ce lien, de multiples recherches universitaires ont été menées, notamment aux Etats-Unis. Par ailleurs, des études ont été réalisées pour tenter de démontrer cet impact, voire de le mesurer.

Dans une étude portant sur plus de 500 entreprises et intitulée « Does Diversity Pay? Race, Gender and the Business Case for Diversity », Cedric Herring, chercheur à l’université de Chicago, a ainsi établi l’impact de la diversité d’origine d’une part, de la mixité d’autre part, sur plusieurs indicateurs économiques : le chiffre d’affaire, le nombre de clients et le résultat.

Selon une étude réalisée par Goodwill Management pour IMS-Entreprendre pour la Cité à partir de quatre grandes entreprises (AXA, L’Oréal, Orange et Vinci), la diversité, dès lors qu’elle est bien managée, augmenterait la rentabilité de 5 à 15%, selon les types d’activité. Grâce à un focus sur les équipes de production, cette même étude met en évidence que les équipes les plus diverses sont les plus performantes. L’analyse d’un indicateur de performance et des chiffres de ces unités de production montre que les plus performantes sont celles qui ont le taux d’emploi de travailleurs handicapés le plus élevé, un encadrement de proximité fortement féminisé et un fort emploi de salariés seniors. A l’inverse, l’unité de production la moins performante est celle ayant le moins de diversité sur l’ensemble de ces critères.

McKinsey mène depuis 2007 des travaux sur le lien entre mixité et performance, qui ont donné lieu à la publication d’un rapport annuel, Women Matter. Analysant la situation de 300 entreprises, le dernier rapport en date souligne que les entreprises qui ont la plus forte mixité dans leurs comités de direction sont aussi celles qui ont la performance financière la plus élevée.

L’ensemble de ces recherches et de ces études mettent en évidence un lien entre diversité et performance. Mais quelle est la nature de ce lien ? Quels sont ses mécanismes ?

Les impacts commerciaux

Une étude publiée par le Boston Consulting Group en juin 2011, « Hard-Wiring Diversity into Your Business », affirme la nécessité de développer la diversité comme réponse à une diversification de la clientèle en micro-segments caractérisés par des valeurs, des comportements et des priorités spécifiques. Un corps social reflétant la composition démographique de la clientèle permet une compréhension détaillée de ses caractéristiques.

Les impacts commerciaux de la diversité sont de plusieurs natures : les entreprises doivent tout d’abord s’adapter par nature à leur environnement pour assurer leur survie et améliorer leur situation, et la diversité de leurs collaborateurs est une réponse à la diversité de cet environnement sous son aspect commercial.

Par ailleurs, l’enjeu de la qualité de service est devenu primordial dans la relation avec le client et peut constituer un facteur de différenciation de l’entreprise. La proximité entre les clients et les populations de l’entreprise qui sont en contact avec eux, leur « ressemblance » pourrait-on dire, devient alors un atout essentiel.

Enfin, la diversification croissante de la clientèle impose à l’entreprise de mieux identifier les besoins et les attentes dans toute leur diversité. Répondre aux attentes spécifiques de certains segments du marché nécessite de développer des stratégies marketing reposant sur la diversité des clientèles visées, ce qui est plus aisé si le corps social de l’entreprise est lui-même divers.

Les impacts Ressources Humaines

« Lutter contre les discriminations en entreprise n’est pas affaire de compassion, mais d’intérêt bien compris ! La génération du « baby boom » partant à la retraite, la France va connaître un déficit de main d’œuvre. Ce serait contre-productif de nous priver des réserves considérables de dynamisme, de compétences et de créativité qui existent chez nous, sous prétexte que ces personnes seraient différentes. » expliquait Claude Bébéar en 2004.

Les effets du choc démographique sont désormais mieux appréhendés. Les métiers et les secteurs les plus impactés hier, aujourd’hui et demain sont connus. Certes, la crise a considérablement réduit pendant toute une période l’impact de ces évolutions démographiques. Il n’en reste pas moins que dans les prochaines années, l’entreprise devra faire face à des pénuries de main d’œuvre ciblées, conséquences à la fois du « papy boom » et du « baby gap », avec les classes d’âge creuses arrivant sur le marché du travail dans les dix prochaines années.

Des pénuries de compétences peuvent handicaper fortement la performance de l’entreprise, sauf à redéfinir en les élargissant les viviers dans lesquels elle puise.

Le choix d’ouvrir le recrutement et les évolutions possibles en interne à des populations qui ne faisaient pas partie jusque là du « cœur de cible » de l’entreprise constitue une réponse à ces pénuries futures.

Le deuxième impact Ressources Humaines d’une politique de diversité porte sur la détection et de gestion des talents. Celles-ci restent encore dans de nombreuses entreprises restreintes par des caractéristiques de formation initiale, d’âge ou de genre, notamment. Mettre en œuvre une politique de diversité en la matière permet d’identifier et de développer des potentiels qui, à défaut, se seraient heurtés à un des plafonds de verre, avec le gâchis que représente pour l’entreprise la sous-utilisation de ces talents.

Enfin, de nombreuses entreprises témoignent du fait qu’une politique de diversité communiquée, expliquée et effectivement mise en œuvre est un facteur d’engagement des collaborateurs. Il ne s’agit pas seulement là de l’engagement des salariés qui auraient pu être victimes de discrimination, mais de celui de l’ensemble du corps social dont toutes les enquêtes montrent la sensibilité à la notion d’équité. Impact sur l’engagement donc, alors que de nombreuses études ont mis en évidence le lien de causalité entre engagement et performance.

Le mécanisme principal

Le mécanisme par lequel la diversité a potentiellement l’impact le plus fort sur la performance économique de l’entreprise est lié à l’enrichissement de la décision.

Reprenons la notion d’identité culturelle au sens large. Plus les identités culturelles des membres d’une équipe sont hétérogènes, puis il y a entre eux altérité cognitive et informationnelle, mais aussi relationnelle avec l’accès à d’autres réseaux.

Analysons maintenant une situation de prise de décision au sein d’une équipe. Qu’il s’agisse d’une équipe de direction, d’une équipe projet ou plus largement de toute équipe de travail. Peu importe que cette décision doive être prise formellement ou de façon informelle. L’approche de cette décision par chacun des membres de cette équipe sera le résultat du croisement des informations objectives mises à la disposition de tous, mais aussi des perceptions subjectives de chacun à travers son identité culturelle. Quant au contenu et à la qualité de la décision, ils dépendront de ces deux facteurs, mais aussi de la qualité des interactions entre les membres de cette équipe.

Si et seulement si cette dernière dimension est optimisée, la diversité permettra :

  • De mettre à disposition du collectif des informations non-redondantes.
  • De mobiliser des référentiels culturels inhabituels car portés par des personnes n’appartenant pas au groupe dominant.
  • De donner au collectif accès à des expériences et compétences nouvelles.
  • D’enrichir les processus d’analyse des problèmes et d’aborder de façon novatrice les enjeux à traiter.
  • De considérer des alternatives non évidentes.

Toutes ouvertures qui seront particulièrement utiles pour faire face à des situations nouvelles, ou pour aborder de façon inédite des situations récurrentes traitées auparavant de façon insatisfaisante.

L’hétérogénéité des identités culturelles peut donc générer une amélioration de la qualité de la décision prise, avec les conséquences de cette amélioration sur la performance de l’entreprise. La différence individuelle et la diversité qui en découle sont alors appréhendées comme des opportunités d’apprentissage et d’enrichissement collectifs, l’un et l’autre générateurs de performance.

En permettant la confrontation d’identités culturelles hétérogènes, la diversité devient pour le collectif source de créativité et d’innovation. Elle lui permet de « penser en dehors du cadre », notamment en considérant des alternatives non-évidentes. Différents travaux ont d’ailleurs souligné que l’innovation passait souvent par les profils dits « déviants ».

Ce mécanisme de contribution de la diversité à la performance explique que certaines entreprises aient élargi leur approche de la diversité à d’autres critères, comme celui de la formation initiale des candidats qu’elles recrutent. Si la diversité impacte la performance via l’hétérogénéité des identités culturelles, pourquoi la réduire à une démarche anti-discriminations et ne pas travailler en addition sur d’autres critères que ceux qui sont illégitimes ?

« Si tu diffères de moi… loin de me léser, tu m’enrichis. » écrivait Antoine de Saint-Exupéry dans Citadelle. Traiter la diversité comme un levier de performance permet à l’entreprise de développer un avantage concurrentiel. Sur ses marchés, ce sont alors en quelque sorte les différences… qui font la différence.

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