Ecartons toute ambiguïté : l’entreprise se doit en premier lieu de garantir sa rentabilité. Avec le cycle actuel de stagnation, voire de recul de l’activité de certaines organisations, cet impératif passe par la réduction des coûts. La mission première du DRH consiste alors à mettre en œuvre les optimisations et les réorganisations en traitant le quotidien avec une démarche qui se doit d’être pragmatique.

Mais au-delà d’un certain seuil, l’optimisation des dépenses de l’entreprise aboutit à obérer ses capacités futures. Les DRH le savent bien, qui en période de crise travaillent aussi à préserver les compétences clés et à maintenir certains investissements RH pour ne pas insulter l’avenir, ne pas handicaper la performance future de l’entreprise sous prétexte d’assurer sa performance immédiate.

D’autant que la crise, ce « cycle court » de quelques années, se juxtapose à un « cycle long ». Pour prendre une image : le printemps pourri que nous avons eu l’année dernière, avec des températures plus basses que les normales saisonnières (cycle court), n’enlève rien à la réalité du réchauffement climatique (cycle long). En RH, le cycle long est la conséquence de trois phénomènes :

  • Le premier résulte d’un constat : l’entreprise a peu ou prou épuisé ces dernières décennies la recherche de facteurs de différenciation sur ses marchés (investissement massif dans les équipements, économies d’échelle, etc.) Et seul reste à explorer le facteur humain comme avantage concurrentiel avec des marges de progrès significatives.
  • Le deuxième réside dans la transformation du travail. Hier dominait un travail d’exécution qui se devait d’être conforme à la norme établie par l’entreprise. Aujourd’hui se développe le travail du savoir dans lequel l’intelligence des situations et l’initiative sont déterminantes. La qualité du facteur humain a donc désormais un tout autre impact sur l’activité.
  • Le troisième phénomène renvoie aux enjeux démographiques qui font qu’inexorablement, l’entreprise avance vers une situation de pénuries en compétences, ciblées mais radicales. Si les conséquences du papy-boom sont bien connues, celles du baby-gap, avec l’arrivée de tranches d’âge creuses dans l’enseignement supérieur, sont encore largement sous-estimées.

Ce cycle long dans lequel sont engagées les organisations, masqué par le cycle court de la crise, a une conséquence : les entreprises qui sauront travailler leurs RH de manière à alimenter la croissance future prendront demain l’ascendant sur leurs marchés par rapport à leurs concurrents. Et c’est dès aujourd’hui que cet avantage compétitif se construit.

Si dans la durée, l’enjeu premier est bien celui du développement de l’entreprise, comment le DRH peut-il contribuer à cet impératif de croissance, en parallèle des missions qu’il assure aujourd’hui pour faire face à une situation de crise ? Comment peut-il aller au-delà de la seule préservation des capacités de l’entreprise et créer de la valeur en alimentant le cycle long ? Comment la politique RH et plus précisément les initiatives, les projets menés par la DRH contribuent-ils à nourrir ce développement futur de l’entreprise ?

L’enjeu est d’aligner les RH avec la stratégie de croissance future de l’entreprise. Quand cette stratégie existe. A défaut, l’entreprise est un peu comme ce sportif qui s’entrainerait et suivrait un régime sans savoir quelle course il va devoir courir. Le préalable pour le DRH est donc bien de recueillir des éléments sur les facteurs de différenciation de l’entreprise sur ses marchés, sur le business model qui formalise la logique économique à l’œuvre et sur les priorités de développement moyen terme de son organisation.

Pour apporter ensuite cette contribution à la croissance, le DRH peut ensuite travailler plus particulièrement dans cinq directions :

  • Identifier et traiter ce qui dans la culture de l’entreprise d’une part, son organisation d’autre part doit être transformé pour créer un terrain favorable à la reprise ou à l’accélération du développement. Ces transformations seront ensuite menées avec les intéressés, en partageant les déterminants stratégiques.
  • Faire en sorte que l’entreprise dispose des compétences spécifiques dont elle aura besoin pour alimenter sa croissance. Les actions menées en matière de formation notamment doivent être réorientées pour partie vers cet objectif, en réduisant la part de celles qui renvoient à d’autres logiques.
  • Revisiter son approche de gestion de la performance, pour que les objectifs individuels et collectifs et leur animation soient cohérents avec le nouveau monde dans lequel entre l’entreprise. C’est ainsi que de nombreuses entreprises travaillent aujourd’hui à réintroduire une dimension collective dans l’animation de cette performance, au vu des coopérations nécessaires pour faire face aux enjeux futurs.
  • Approcher l’enjeu de l’engagement des collaborateurs comme central, puisqu’à la source de leur performance et devant être redynamisé pour générer la croissance. Dans nombre d’entreprises, la logique dans laquelle l’épanouissement au travail est source d’engagement des collaborateurs, lui-même à l’origine de la performance est loin d’avoir pris le pas sur celle héritée du taylorisme, dans laquelle la performance est obtenue par la pression.
  • Et plus spécifiquement, aider l’entreprise le moment venu à formaliser les éléments de sens (projet collectif, raison d’être, ambition, etc.) qui permettront de créer une nouvelle dynamique, en veillant à ce que la méthode retenue pour produire ces contenus soit elle-même source d’adhésion.

Pour tout cela, un préalable s’impose au DRH : comprendre et connaître l’activité opérationnelle de l’entreprise. Ses métiers bien sûr, mais aussi le modèle économique qui sous-tend cette activité et la réalité de ses marchés. Quant au fait que le DG soit demandeur de cette approche, soyons réalistes : dans certaines entreprises, le DRH risque d’attendre longtemps. Il doit alors oser entrer dans une logique de rang supérieur, en se rappelant qu’il est au service de l’entreprise et de ses parties prenantes avant d’être à celui de son seul patron.

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