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Le nouveau régime juridique de la promesse d’embauche

La Cour de cassation, le 21 Septembre 2017 (Chambre sociale n°16-20103 et n°16-20104) a chamboulé la règle selon laquelle une promesse d’embauche, qui précise certains éléments, valait contrat de travail. La jurisprudence s’est adaptée à la réforme du droit des contrats du 10 février 2016 (ordonnance nº 2016-131 du 10 février 2016).

En effet, on ne parle désormais plus de promesse d’embauche, mais on distingue une offre de contrat de travail et une promesse unilatérale de contrat de travail. Ces deux notions diffèrent et créer des conséquences différentes lorsque l’employeur y renonce.

I) Les affaires

La Cour de cassation devait régler deux affaires : des joueurs professionnels de rugby avaient reçu une offre de contrat de travail d’un club de rugby qui prévoyait l’emploi proposé, la rémunération, la date d’entrée en fonction et la mise à disposition d’un logement. Le club avait décidé de se rétracter avant que les joueurs aient manifesté leur consentement en retournant l’offre signée.

Au regard de la jurisprudence qui dominait, ils ont soutenu que « ces promesses d’embauches valaient contrat de travail », les joueurs ont obtenu gain de cause devant la cour d’appel de Montpellier pour rupture abusive du contrat de travail. La Cour d’appel leur a accordé des dommages et intérêts

Depuis plusieurs années et, à titre d’exemple, la décision de la chambre sociale du 4 décembre 2010 (n°08-42951), la Cour de cassation considérait que l’écrit qui précise l’emploi proposé et la date de début d’activité constituait une promesse d’embauche valant contrat de travail et que la rétractation de la société s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Une promesse d’embauche valait contrat de travail dès qu’elle était suffisamment précise à propos de l’emploi et la date d’entrée en fonction.

En revanche, lorsque la promesse ne mentionne ni l’emploi, ni la rémunération, ni la date d’embauche, ni le temps de travail, c’est une simple offre d’emploi qui n’engage pas l’employeur (Cass. Soc. 12 Juillet 2006 n°79-47938).

Les conséquences étaient les suivantes :

L’employeur ne pouvait pas retirer la promesse d’embauche faite au candidat alors qu’il ne l’avait pas encore acceptée.

On réduisait ainsi les possibilités de négociation précontractuelles car, un employeur trop précis et qui s’avançait trop, risquait de se voir opposer la conclusion d’un contrat de travail et donc, le subir.

Le problème porte sur la manifestation du consentement du salarié qui n’est pas prise en compte, la Cour s’attachant uniquement au contenu de l’acte émanant de l’employeur.

II) Le revirement de jurisprudence : différence entre une offre de contrat de travail et une promesse unilatérale de travail

Dans les deux arrêts du 21 septembre 2017, la chambre sociale de la Cour de cassation a décidé de revenir sur sa jurisprudence en appliquant par anticipation la réforme du droit des obligations, même si l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 n’était pas en vigueur au moment des faits de l’espèce (elle l’est depuis le 1er octobre 2016).

La jurisprudence jusqu’alors considérait qu’une promesse d’embauche valait contrat de travail et engageait en tous cas l’employeur. Tout cela vient de changer.

La chambre sociale a en effet considéré que « l’évolution du droit des obligations résultant de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 conduisait à apprécier différemment, dans les relations de travail, la portée des offres et promesses de contrat de travail ».

Au visa de l’article 1134 du Code civil alors en vigueur et de l’article L. 1221-1 du Code du travail, la Haute juridiction distingue donc désormais l’offre et la promesse unilatérale de contrat de travail.

La Cour de cassation s’est donc attachée à la définition faite en droit civil des contrats de l’offre de contrat (articles 1114 à 1116 du Code civil) et de la promesse unilatérale de contrat (article 1124 du Code civil) qui établit la distinction.

1) L’offre de contrat de travail

L’offre de contrat de travail peut toujours être retirée avant acceptation mais peut donner lieu à des dommages et intérêts. Les arrêts du 21 Septembre 2017 sont explicites sur ce sujet en précisant que « l’écrit de l’employeur précisant l’emploi proposé et la date d’entrée en fonction constitue une offre de contrat de travail ; que la rétractation de cette offre par son auteur, avant son acceptation par son destinataire, empêche la conclusion du contrat de travail projeté ».

L’employeur décide, dans un tel cas, de proposer au candidat qu’il souhaite recruter :

  • Un engagement précisant l’emploi,
  • La rémunération,
  • La date d’entrée en fonction.

Dans cet acte, l’employeur exprime donc sa volonté d’être lié au salarié s’il venait à accepter l’offre.

Afin d’éviter un tel cas de figure, l’offre de contrat de travail doit donc préciser que l’employeur ne souhaite pas être lié au candidat que si ce dernier accepte la proposition. Il convient donc de stipuler dans un délai de réflexion dans l’offre.

La jurisprudence permet dorénavant à ce qu’une offre de contrat de travail puisse être rétractée.

En effet, lorsqu’une offre de contrat de travail est rédigée, l’employeur pourra alors se rétracter librement :

  • Tant que celle-ci n’est pas parvenue à son destinataire,
  • Ou n’a pas été acceptée par ce dernier.

Malgré tout, la rétractation de l’offre avant l’expiration du délai fixé ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable, fait obstacle à la conclusion du contrat de travail mais engagera la responsabilité extracontractuelle de l’employeur. Il devra donc réparer le dommage causé au destinataire de l’offre.

L’employeur, s’il rédige une offre de contrat de travail pourra revenir sur cette offre tant que le candidat à l’embauche n’a pas manifesté son accord. Il ne devra rien.

En revanche si le candidat estime et démontre avoir subi un préjudice suite au désistement de l’employeur, ce dernier sera condamné au paiement de dommages et intérêts.

2) La promesse unilatérale de contrat de travail

La promesse unilatérale de contrat de travail quant à elle, si elle est révoquée avant le consentement, elle n’empêche pas la formation du contrat. Les arrêts du 21 Septembre 2017 sont éloquents sur ce sujet, précisant que « la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ; que la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat de travail promis ».

La promesse unilatérale de contrat est donc un contrat par lequel on accorde au candidat retenu le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail. L’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés mais il ne manque plus que le consentement du bénéficiaire.

Dorénavant, l’employeur ne peut se rétracter lorsqu’il fait une promesse unilatérale de contrat. Cette promesse a, dès à présent, la valeur d’un contrat de travail.

Par conséquent, si l’employeur a unilatéralement promis un contrat de travail au candidat, la révocation de cette promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour exprimer sa volonté de conclure ou non un contrat de travail n’empêche pas la formation dudit contrat.

L’employeur ne peut, en présence d’une promesse unilatérale d’embauche, se rétracter.

L’employeur qui décide malgré tout de ne plus embaucher le candidat risque de subir un contentieux dont les conséquences ne sont pas à prendre à la légère. Il doit normalement respecter la procédure de licenciement et invoquer un motif légitime de rupture.

Dans le cas contraire, il pourra être condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il devra alors :

  • Les indemnités de préavis,
  • Des dommages-intérêts si le contrat promis est un CDI,
  • Le paiement des salaires jusqu’au terme du contrat si le contrat promis est un CDD.

III) Une distinction particulière

La jurisprudence s’est donc adaptée à la réforme du droit des contrats. Dès maintenant, ce n’est plus le contenu de l’écrit qui fait la distinction entre offre et promesse mais l’intention de l’employeur de s’engager ou non.

La distinction est subtile : le critère déterminant pour la qualification de l’acte sera l’expression de la volonté de l’auteur, son degré d’engagement dans la conclusion du contrat. L’employeur sera alors plus libre dans les négociations précontractuelles. Il faudra démontrer son intention de conclure un contrat de travail.

Donc, si l’employeur venait juste à faire une proposition qu’il peut librement retirer et donc, se rétracter, il s’agit d’une simple offre. Le candidat rejeté peut alors solliciter des dommages et intérêts s’il justifie avoir subi un préjudice en raison de la rétractation de l’employeur.

En revanche, si l’employeur s’est réellement engagé, en accordant un droit d’option à celui qui bénéficie de la promesse, sa rétractation, au cours du délai d’option, n’empêchera pas la formation d’un contrat de travail promis. La rupture conduira alors à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

On est à même de penser que la jurisprudence relative à la promesse d’embauche puisse perdurer lors de la rupture d’une promesse unilatérale de contrat de travail.

En effet, les conséquences juridiques qui pèsent sur l’employeur, s’il se retracte, sont les mêmes que celles qui se produisent lors de la rupture d’une promesse d’embauche (indemnités de préavis, dommages-intérêts, licenciement abusif sans cause réelle et sérieuse…).

Donc, si un candidat accepte une promesse d’embauche et s’engage à l’égard de son futur employeur et, qu’il décide finalement de ne pas prendre son poste au dernier moment, l’employeur pourra alors agir contre ce dernier. Le salarié devra alors verser des dommages-intérêts, et, selon les circonstances de faits, une indemnité compensatrice de préavis (Cour de cassation. 29 mars 1995 n°91-44.288 et 15 décembre 2010 n°08-42951).

La jurisprudence relative à la promesse d’embauche devrait s’appliquer à celle portant sur la promesse unilatérale de contrat.

La distinction entre ses deux notions risque d’être difficile à appréhender. Il faudra attendre de nouveaux contentieux afin de mieux cerner l’application de ces nouvelles définitions

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