Saison 2 – Episode 4 : Apports d’un SIRH dans une PME, facteurs de résistance à la transformation digitale RH et apports de la méthode agile à la gestion des ressources humaines.

Cet article a été co-écrit avec Danielle Bianca (*), Léa Dargent (**) et Mathilde Mauracheea (***). Nous remercions également les collègues qui ont encadré les mémoires : Pierre-Antoine Chardel, Gérard Dubey et Carmen Gordon Nogales.
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Dans la continuité des « Breaking news » de l’année dernière, RHinfo permet cette année encore de mettre en avant les analyses de jeunes professionnels RH du master 2 « Management Digital des Ressources Humaines – Spécialisation : gestion de crise » de Institut Mines-Télécom Business School. Ces analyses ont été réalisées dans le cadre de leur mémoire de fin d’études autours d’une problématique posée. Une analyse de ce qui a déjà été écrit sur leur sujet et la conduite d’une mini-enquête de terrain (environ six entretiens effectués en moyenne dans une même organisation ou plusieurs organisations) ont été menées autours de cette problématique. Cet épisode 4 de la saison 2 porte sur les apports d’un SIRH dans une PME, les facteurs de résistance à la transformation digitale RH et les apports de la méthode agile à la gestion des ressources humaines. L’analyse a été conduite sur la période allant de septembre 2020 à fin juin 2021.

Le présent article comporte trois parties :

  • La première partie présente les résultats du travail de Danielle Bianca sur les apports d’un SIRH dans la gestion des processus RH au sein d’une PME (1),
  • La deuxième partie présente les résultats du travail de Mathilde Mauracheea sur les facteurs de résistance à la transformation digitale RH (2),
  • Et la troisième partie présente les résultats du travail de Léa Dargent sur les apports de l’approche agile à la gestion des Ressources Humaines (3).
  1. Les apports d’un SIRH dans la gestion des processus RH au sein d’une PME

Danielle Bianca s’est intéressée aux apports d’un SIRH dans la gestion des processus RH au sein d’une PME. Pour mener à bien son enquête terrain, elle a conduit six entretiens auprès de consultants SIRH et de professionnels RH internes à une même PME et utilisateurs de SIRH. Un questionnaire quantitatif a également été établi et a reçu 20 réponses d’utilisateurs de SIRH au sein d’autres PME.

Son analyse a permis de démontrer qu’un SIRH :

  • Permet un gain de temps et de productivité dans la gestion des processus RH (A),
  • Permet une visibilité sur l’avancement des processus RH (B),
  • Contribue à une meilleure organisation du travail à distance (C).
  1. Sur ce premier point, son enquête terrain montre que l’efficacité permise par un SIRH est un réel avantage au sein d’une PME. Le gain principal est celui du temps gagné au niveau de la saisie et du traitement des données. Cela permet aux professionnels RH de se libérer des contraintes administratives et de se focaliser sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. En outre, la fiabilité des données recueillies (et traitées) permet d’offrir une meilleure qualité de service.
  2. Sur ce deuxième point, son enquête montre qu’un SIRH au sein d’une PME permet une visibilité sur l’état d’avancement des différentes tâches liées aux différents processus RH. En outre, cette meilleure visibilité sur la réalisation des activités RH, et leurs impacts au sein de l’entreprise, contribue à prendre de meilleures décisions stratégiques.
  3. La crise sanitaire a amené à revoir les modes d’organisation du travail et de management des équipes. Le distanciel s’est imposé. Les outils de communication, et notamment de visioconférence, ont bien évidemment constitué les bases de cette nouvelle organisation . Cette situation inédite a également nécessité la gestion à distance de processus RH, tant au niveau de la gestion du temps et des activités (GTA) qu’au niveau de l’intégration (onboarding) des nouveaux recrutés. Dans ce contexte, la dématérialisation a continué à acquérir ses lettres de noblesse.

Danielle Bianca s’est également intéressée à la question de la sécurisation des données. L’ensemble des processus RH amène en effet à collecter et gérer de nombreuses données personnelles liées aux collaborateurs. Ce traitement est nécessaire dès le processus de recrutement. La digitalisation des processus RH permet de recenser et rassembler aisément ces différentes données. Elle permet également de recueillir le consentement des collaborateurs quant à leur utilisation et d’en gérer l’anonymisation. Comme d’autres sources de données dans l’entreprise, cette dernière n’est pas à l’abri d’un piratage. D’un côté la gestion des données personnelles est garantie, de l’autre la sécurité ne l’est pas à 100%.

  1. Les facteurs de résistance à la transformation digitale RH

Les chiffres du baromètre 2021 réalisé par Deloitte et CrossKnowledge montrent qu’une majorité des entreprises n’a pas encore achevé sa transformation digitale RH. En effet, seulement 6% des entreprises interrogées estiment l’avoir complétées. 37% estiment en avoir effectué la moitié et 53% une petite partie. Sur la base de ce constat Mathilde Mauracheea s’est interessée aux facteurs de résistance à la transformation digitale RH (TDRH).

Pour ce faire, elle a investigué cinq pistes :

A. La déshumanisation perçue des processus comme facteur de résistance à la TDRH (A),

B. La sécurité des données privées comme facteur de résistance à la TDRH (B),

C. Le manque de compétences comme facteur de résistance à la TDRH (C),

D. Le manque de mobilisation du management comme facteur de résistance à la TDRH (D),

E. L'inadaptation des outils/systèmes numériques comme facteur de résistance à la TDRH (E).

Sur ces cinq pistes, une seule a été totalement validée par son enquête terrain, celle du manque de compétences comme facteur de résistance à la TDRH. La piste d’une déshumanisation perçue des processus comme facteur de résistance à la TDRH a été complètement invalidée. Les autres pistes ont été partiellement validées. Pour investiguer les pistes évoquées précédemment, une étude terrain a été conduite. Sept entretiens qualitatifs ont été menés et un questionnaire quantitatif a reçu cinquante-cinq réponses. Ce sont ces résultats qui sont présentés dans la suite de cette partie.

(A) Le manque de contact humain et la déshumanisation sont peu ressentis. 51,3% des personnes interrogées ressentent quelque changement ou une perte de qualité. Le numérique a même permis de « rapprocher la fonction RH des opérationnels alors qu’il y avait un fossé énorme » d’après une consultante RH. L’évolution de la transformation numérique du management des ressources humaines a toutefois challengé la communication entre les collaborateurs (les relations sont devenues difficiles pour 45% et faciles pour 45% environ). Les collaborateurs n’échangent plus aussi facilement si leur relation de travail ne le demande pas. Ils vont moins s’ouvrir ou être spontanés dans leurs paroles. La communication entre les collaborateurs et leur manager a elle aussi été challengée et ressentie différemment par les collaborateurs et les managers. 45% des managers estiment que les relations avec les équipes sont difficiles. Les équipes n’ont pas ressenti de perte de qualité de leur côté. De plus, le numérique et les nouveaux modes de travail ont permis aux équipes RH de développer progressivement de nouvelles solutions pour créer un lien humain d’une « nouvelle nature » autour de la culture d’entreprise et de l’expérience collaborateur notamment.

(B) La protection et la sécurité des données privées des collaborateurs et des candidats sont de plus en plus pris en compte par les entreprises (pour 74,4% d'entre elles). C’est une problématique première pour les équipes RH (« comment nous allons gérer et protéger les données » d’après un professionnel SIRH). Tandis que les équipes RH estiment maîtriser cette question (pas du tout ou peu un facteur de résistance pour 66%), cela reste pour une petite majorité des collaborateurs un facteur de résistance (56,36% des opérationnels).

(C) La transformation numérique du management des ressources humaines a fait évoluer les métiers et a fait émerger le besoin d’acquérir de nouvelles compétences. Bien que les entreprises mettent en place des dispositifs d’apprentissage (formations, documentations, tutoriels, accompagnement(s) personnalisé(s), …), et que les collaborateurs y participent (les trois quarts des équipes RH estiment avoir été accompagnées), 37,5% des collaborateurs ayant eu recours à ces dispositifs ne se sentent pas accompagnés en général. Cela remet en question la pertinence de ces dispositifs. De plus, les collaborateurs vont se tourner vers l’apprentissage informel à travers le numérique ou l’intelligence collective pour 45% des répondants dont pour 60% d’entre eux en complément des dispositifs énoncés précédemment.

(D) Le débat sur le rôle des managers dans le portage de la transformation numérique du management des ressources humaines reste après l’enquête. En effet, tandis que pour la direction des ressources humaines et les salariés (n’ayant aucune fonction de management) les managers ont un rôle à jouer, les cadres managers sont plus mitigés (45% pensent qu’ils n’ont pas ou peu d’influence). Les réponses du questionnaire quantitatif ont permis d’émettre l’hypothèse qu’un possible lien existait entre le degré de portage du projet, l’implication perçue ou l’accompagnement dans la montée en compétences.

(E) Une large offre de solutions numériques peut perdre les dirigeants qui n’ont pas toutes les connaissances et compétences nécessaires, pour faire un choix notamment car chaque métier a des besoins différents. Malgré cela, la majorité des répondants (85,57%) estime avoir trouvé des outils correspondant à leurs besoins. Mais alors qu’une multiplicité d’outils peut être utilisée par l’entreprise, avoir un seul outil pour différentes populations n’est pas aussi simple à mettre en œuvre. De plus, l’ergonomie des outils est un élément très important à prendre en compte car si les équipes RH sont dans l’obligation de les utiliser, les collaborateurs, n’en ayant aucune, peuvent les rejeter (« là je n’y vais même plus, je fais un rejet du nouvel outil » selon un collaborateur n’ayant aucune fonction de manager).

  1. Les apports de l’approche agile à la gestion des ressources humaines

Pour terminer cet article, nous allons nous intéresser aux résultats du travail conduit par Léa Dargent sur les apports de l’approche agile à la gestion des ressources humaines. Comme l’indique le titre de l’article de Cappelli et Anna Tavis dans Harvard Business Review (2018) : “HR Goes Agile, agile isn’t for tech anymore”.

Pour mener à bien son enquête Léa Dargent a interrogé sept professionnels RH et managers d’une entreprise de taille PME dans le secteur des services. Cette entreprise présente la particularité d’essayer de mettre en œuvre les principes de l’agilité, notamment dans la gestion de ses processus RH. De manière plus précise, elle s’est intéressée aux apports de l’agilité à la GRH sur trois processus principaux : le recrutement (A) ainsi que le suivi de carrière et le soutien aux salariés (B).

Pour rappel, le terme « agile » est apparu dans les années 90 pour la première fois dans le rapport de Nagel de l’Institut Iacocca en 1992. Né dans un contexte économique marqué par des changements permanents et une concurrence féroce, il fait référence à la nécessité d’une mutation rapide des industries grâce aux outils informatiques. Parallèlement, le concept d’agilité grandit dans le secteur informatique. En 2001, 17 experts ont rédigé un Manifeste pour repenser les méthodes traditionnelles du développement de logiciels qui étaient devenues obsolètes. Dans ce document, les développeurs ont proposé quatre valeurs à privilégier. Ce manifeste n’a pas pour optique de préconiser exactement les actions à effectuer, mais d’envisager une nouvelle façon de collaborer pour répondre aux attentes du client. Ces quatre valeurs sont les suivantes :

  • Les individus et leurs interactions plus que les processus et les outils,
  • Un logiciel fonctionnel plus qu’une documentation exhaustive,
  • La collaboration avec le client plus que la négociation contractuelle,
  • L’adaptation au changement plus que l’exécution d’un plan.
  1. Quels apports des principes de l’agilité au recrutement ?

Dans une entreprise agile, l’attention portée aux soft skills d’un candidat est très importante. En effet, ces softs skills favorisent la qualité de la relation. Une fois ceux-ci maîtrisés, les hard skills seront appris. Pour certains métiers, il n’est pas requis que la personne ait déjà eu de l'expérience. Ce qui est important, c’est que le candidat ait un esprit d’adaptation au changement. Pour cela, les collaborateurs travaillant sur le recrutement utilisent des outils d’analyse comportementale tels que le Prédictive Index ou encore la Process Communication pour comprendre la personnalité d’un candidat. Lors du processus de recrutement, la fonction RH analyse d’abord le profil du candidat, son parcours, ses valeurs, ses motivations puis identifie un type de poste qui y correspondrait le mieux. Cette rencontre profil/poste permet d’assurer la pérennité du candidat une fois embauché. Le slogan appliqué est “D’abord qui, ensuite quoi”. Il n’est plus question de la bonne personne sur le bon poste, mais du bon poste pour la bonne personne.

De plus, les principes de l’agillité s’observe dans la formulation des offres d’emploi sur les jobboards. L’entreprise ne cherche plus “un admin réseau” mais un “nouveau collaborateur”. Les arguments mis en place pour séduire le candidat sont aussi différents. Selon un professionnel RH interrogé, il y a quelques années, les arguments étaient en faveur de la stabilité. Aujourd’hui, il est question de vendre le travail en projet, l’état d’esprit startup. Dans le métier de recrutement, il y a un vrai travail sur les verbatims associés.

Les équipes de recrutement s’intéresse également au principe d’amélioration continue. Les équipes se questionnent en permanence quant à leur manière de recruter et la manière de s’adapter au marché. Rien n’est établi de manière définitive.

Cette agilité, et adaptation au candidat, se retrouve également dans les entretiens d’embauches. Un professionnel RH confie : « Tout le monde n'est pas à l'aise avec la technique d'entretien questions/réponses un peu classique donc c'est pour ça qu'on a essayé de gamifier les entretiens avec le jeu des leviers de motivation, avec le fait de dessiner son parcours. »

  1. Quels apports des principes de l’agilité au suivi des carrières et au soutien des collaborateurs ?

L’analyse de Léa Dargent permet de relever que quand les approches agiles sont devenues le moteur des activités principales de cette entreprise, les Ressources Humaines n’ont pas eu le choix que de s’adapter et d’arrêter de planifier un an à l’avance le début et la fin d’un projet. Dans une pratique agile, on retrouve les réunions quotidiennes (stand up), la mise en œuvre d’objectif trimestriel, le partage des objectifs au cours des sprints, les rétrospectives. Ces éléments constituent autant de rituels qui permettent d’améliorer le climat de confiance au sein d’une équipe.

L’onboarding a été repensé avec pour mot d’ordre : l’anticipation. Dans une entreprise agile, l’approche est de réfléchir en termes de compétences plutôt que d’emplois. Le service formation, par le biais de nombreux outils, individualise ce processus RH afin de faire monter en compétences les collaborateurs de l’entreprise, et ce dès leur arrivée, avec notamment une multitude de modules de micro learning.

Au niveau du développement des compétences, et au-delà de l’onboarding, une pluralité de dispositifs d’apprentissage est au service des collaborateurs : de l’e-learning, de la classe virtuelle, du présentiel, de l’alternance ou parfois des combinaisons de ces modes pédagogiques en fonction des sujets. Des communautés d’apprenants ont aussi été mises en place. Véritables leviers de développement, ces communautés métiers permettent de développer des expertises, de les valoriser et de s’entraider. Une responsable formation nous a expliqué que l’agilité a permis de replacer l'utilisateur au cœur des processus.

Enfin en termes de rémunération, les valeurs de transparence et d'équité dictent cette fonction. L'organisation agile doit oser mettre en place une rémunération plus transparente et davantage liée aux résultats collectifs.
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(*) Danielle BIANCA est diplômée du master 2 "Management Digital des Ressources Humaines - Spécialisation : gestion de crise", promotion 2020-2021 de Institut Mines-Telecom Business School. De décembre 2020 à septembre 2021, elle a effectué son apprentissage au sein de l'entreprise Videojet Technologies, en qualité d'apprentie RH généraliste. Elle évolue actuellement au sein de l'entreprise Gestamp - Sofedit où elle occupe un poste de Gestionnaire Opérationnelle des Ressources Humaines.

(**) Léa DARGENT est diplômée du master 2 "Management Digital des Ressources Humaines - Spécialisation : gestion de crise", promotion 2020-2021 de Institut Mines-Telecom Business School. Durant une année, de septembre 2020 à septembre 2021, elle a effectué son apprentissage au sein de l'entreprise EXTIA, en qualité de chargée de développement RH. Elle a ensuite été embauchée chez TALAN Consulting en tant que Consultante en conduite du changement.

(***) Mathilde MAURACHEEA est diplômée du master 2 "Management Digital des Ressources Humaines - Spécialisation : gestion de crise", promotion 2020-2021 de Institut Mines-Telecom Business School. Durant deux ans, de septembre 2019 à septembre 2021, elle a effectué son apprentissage au sein de l'institut d'études Ipsos France, en qualité d'apprentie Talent Acquisition Executive. Désirant développer ses connaissances et compétences sur d'autres fonctions, elle est aujourd'hui à la recherche d'une opportunité dans les Ressources Humaines.

Tags: SIRH Digital Méthode agile