Dans certaines entreprises, de plus en plus rares, la DRH n’agit qu’à travers le prisme de la gestion au quotidien des processus RH. Dans d’autres, plus nombreuses, ce qui tient lieu de « stratégie RH » a été défini de manière pragmatique, au fil de l’eau, en fonction des besoins des parties prenantes. Dans le plan stratégique, ce volet RH vient finalement s’ajouter aux autres.

Faut-il s’étonner que dans ces organisations, les RH soient considérées comme une « fonction support » ? Elles sont vécues comme garantes de la paix sociale et du bon fonctionnement de l’entreprise, sans plus. Dans d’autres organisations, la DRH va beaucoup plus loin.

Affirmons-le clairement : la transformation du travail, avec la bascule qui s’accélère du « travail d’exécution » au « travail du savoir », positionne le facteur humain comme le premier levier potentiel de création de valeur. Sous réserve d’une démarche structurée et organisée de production d’un plan stratégique RH à partir de ce qui est requis par la stratégie business, dans toute sa diversité.

Les 3 étapes de la démarche

Même quand l’entreprise, ses dirigeants ou même son DRH seulement sont convaincus du besoin, la difficulté réside dans le « comment ». Réaliser cet exercice suppose certes de maîtriser des compétences en stratégie et d’autres en RH, mais aussi un savoir-faire spécifique pour articuler les deux dimensions.

Lorsque j’accompagne des DG ou des DRH dans la construction de leur plan stratégique RH, comme dans la dernière période pour Intermarché, Labeyrie, Oney, Babolat, Aésio, Matmut ou Maroquinerie Thomas, nous menons ce projet en trois étapes.

La première consiste à traduire la stratégie de l’entreprise en cible RH pour répondre à une question : quelle proposition de valeur collaborateur devons-nous mettre en place pour servir la mise en œuvre de la stratégie de l’entreprise ? Cette approche suppose d’analyser cette stratégie. Dans le meilleur des cas, celle-ci a été formalisée, dans d’autres elle est implicite et notre questionnement permet de la comprendre. Notre intervention conduit même parfois à la faire émerger quand elle n’a pas été pensée.

Ce sont quatre questions qui doivent être traitées :

• Quelle est la proposition de valeur client de l’entreprise ? Exprimé autrement : quels sont ses facteurs de différenciation sur ses marchés par rapport à ses concurrents ?

• Quel est son business model, la mise en équation qui permet à sa proposition de valeur client d’être viable économiquement ?

• Quels sont les axes stratégiques, les priorités de développement à plusieurs années ?

• Et en arrière-plan, quelles sont les transformations culturelles qui doivent être menées pour déployer cette stratégie ?

Une fois ces éléments recueillis ou formalisés, il va s’agir d’identifier les dimensions RH qui pourraient apporter la plus grande contribution à la stratégie. Investir massivement sur le développement des compétences a ainsi constitué pour Egis le moyen de renforcer un positionnement qualité différenciant pour ses clients. Développer autonomie et responsabilité était indispensable à Orangina pour faire preuve avec ses clients de la grande distribution de l’agilité et de la vitesse qui font la différence avec les concurrents que sont Coca et Pepsico. À l’issue de cette étape, l’entreprise disposera d’une proposition de valeur collaborateur cible alignée sur la stratégie.

La deuxième étape consiste à réaliser un état des lieux. Rien d’original, sans doute. Sauf que cette analyse est menée au regard de la cible définie lors de la première étape, donc au filtre de ce qui servira la stratégie. Où en est l’entreprise sur les axes RH à travers lesquels elle doit alimenter le déploiement du projet stratégique ? Quels sont les atouts humains (caractéristiques culturelles, expertises spécifiques) sur lesquels elle pourra s’appuyer pour atteindre la cible ? Mais aussi quels sont les dimensions RH où ses insuffisances peuvent devenir bloquantes ?

C’est l’analyse des écarts entre la cible définie durant l’étape 1 et la situation actuelle analysée en étape 2 qui permettra de définir les axes stratégiques RH. Restera ensuite à les traduire en projets, à leur associer un calendrier, puis à valoriser les moyens requis et le retour sur investissement attendu pour disposer de la feuille de route complétant ce plan stratégique RH.

Les 5 conditions de réussite

L’expérience des chantiers de ce type nous a permis d’identifier 5 conditions de réussite :

1. La qualité du travail de déclinaison de la stratégie avec la cible RH, réalisé en étape 1, est structurante pour l’ensemble de la démarche et conditionne pour plusieurs années la valeur ajoutée qui sera apportée par la DRH à l’entreprise. Or il s’agit d’un exercice complexe, parfois réalisé de manière peu rigoureuse.

2. L’implication étroite des dirigeants dans la démarche, le DG comme les autres membres de l’équipe de direction, est indispensable pour deux raisons. D’une part elle permet d’enrichir les inputs stratégiques recueillis et leur analyse. D’autre part elle renforce leur perception du facteur humain comme un levier stratégique et donc leur implication dans la mise en œuvre du plan stratégique RH.

3. Un certain nombre d’acteurs devront être mobilisés pour mettre en œuvre la feuille de route RH : l’équipe RH bien sûr, mais aussi des opérationnels. Les associer sous différentes formes au travail d’analyse et de de conception permettra de construire dès l’amont l’adhésion à la démarche et au contenu, son appropriation et donc l’engagement ultérieur dans la matérialisation des axes stratégiques RH.

4. Une fois le plan stratégique RH finalisé, il va être indispensable d’aligner l’organisation RH sur son contenu et ses priorités : principes organisationnels, structure, moyens, compétences, processus et outils.

5. La mise en œuvre enfin devra être réalisée et animée en veillant à systématiquement revenir avec les différents acteurs sur les « pourquoi » identifiés dans la stratégie des axes et des projets déployés.

Il est temps pour la fonction RH de se saisir pleinement des approches qui permettent de maximiser la valeur ajoutée que peut apporter le levier humain au développement de l’entreprise. Au regard des transformations de l’environnement de l’entreprise et des crises qui se succèdent, les DRH peuvent avec une telle approche prendre la main sur l’avenir de leur organisation.

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