En ce mois d'août, rafraichissons-nous un peu la mémoire avec ce texte initialement publié le 01/01/2016


Promouvoir autonomie et responsabilité

Toute organisation doit composer au mieux avec les mutations de son environnement, qu’elles soient de nature économique, sociétale ou technologiques. Ainsi L’entreprise est aujourd’hui confrontée à des transformations majeures de son champ concurrentiel. Ce qui lui impose adaptabilité, réactivité, orientation client et focalisation sur l’extérieur. Elle doit donc favoriser l’élaboration et la mise en œuvre par tous de réponses adaptées à la « vraie » vie, libérer l’initiative et la créativité de chacun.

Sachant qu’avec le développement du travail du savoir, ce sont les savoir-faire, talents et initiatives qui deviennent la première source d’avantage concurrentiel. Il est donc impératif que ceux-ci puissent pleinement s’exprimer et ne soient pas limités par les modes de fonctionnement de l’entreprise.

Notons enfin que jamais dans l’histoire, l’aspiration des individus à se réaliser n’a été aussi largement partagée qu’aujourd’hui.

L’autonomie en tant que principe d’organisation

Ces éléments soulignent le décalage entre les réalités émergeant de nos sociétés contemporaines et une norme organisationnelle construite pour faire face aux enjeux d’hier. Ce dont il s’agit, c’est d’inventer un management des hommes et des organisations dans lequel les collaborateurs seront affranchis de ce qui entrave leur activité au quotidien, en déplaçant l’autorité et le pouvoir là où se trouvent l’information et la connaissance, et en positionnant la prise de décision là où elle devra être mise en œuvre.

L’autonomie est alors abordée comme le principe organisationnel qui permettra d’assurer la meilleure performance, en déplaçant au plus près du client le pouvoir de décision.

L’enjeu humain premier réside donc bien dans l’autonomie de la personne et du collectif de travail, leurs marges de manœuvre effectives, la possibilité de faire preuve d’intelligence des situations et l’organisation libre de leur activité pour mettre en œuvre le projet collectif, le tout dans un environnement de confiance.

La réponse « entreprise libérée »

« L’entreprise libérée » vise à capitaliser sur les connaissances et les capacités de tous ses collaborateurs en donnant libre cours à leur esprit d’initiative et à leur créativité, ainsi qu’en facilitant les comportements proactifs. Pour cela, elle élimine tous les mécanismes de contrôle, affranchit les collaborateurs des contraintes qui les paralysent et ne cherche jamais à imposer de réponses.

En première approche, cette démarche semble répondre au besoin, même si elle part de déterminants individuels et non des enjeux business. Elle présente néanmoins deux limites. Si libérer est simple, développer la responsabilité qui va avec l’est moins. Cette responsabilité se construit et doit être accompagnée. À défaut, un système structuré de maltraitance organisationnelle se mettra en place, avec des individus dépourvus face aux injonctions de l’entreprise. Cette montée en responsabilité passe notamment par une montée en compétences de chaque collaborateur.

Par ailleurs, si l’initiative de chacun est libérée et que l’organisation n’est plus régulée par des processus et par les managers, comment vont se passer les articulations entre les collaborateurs ? Le corps social d’une entreprise, ce n’est pas seulement une collection d’individus, mais un ensemble de relations organisées et d’ajustements entre les individus et entre les groupes. Faute de modalités de régulation, des hiérarchies effectives mais officieuses se créent, des structures d’allégeance se mettent en place, les jeux politiques internes prennent le dessus.

Libérer la responsabilité

La liberté est une affaire trop sérieuse pour croire qu’il suffit de la décréter pour réussir cette mutation profonde. La responsabilité qui va avec l’autonomie doit avoir été comprise (enjeu d’information), acceptée (enjeu d’adhésion), maîtrisée (enjeu de compétence) et encouragée (enjeu d’incitation).

En amont, l’entreprise pourra réaliser un audit de ses modes de fonctionnement effectifs, tel que celui mené récemment par l’Agefiph : quelles sont les situations auxquelles vous, collaborateurs, êtes confrontés ? Quelles sont vos réponses ? Quelles sont celles que vous aimeriez y apporter ?

Les managers ont un rôle crucial dans cette transformation, tandis que certains tenants de l’entreprise libérée entendent les supprimer. Pour ne prendre que quelques exemples dans des référentiels de management élaborés récemment, le manager d’Europcar « responsabilise ses collaborateurs dans la prise de décision. » Celui de Cyrillus-Vertbaudet « encourage l’initiative et la prise de risque. » Chez Eurovia, il « valorise et reconnaît les comportements entrepreneuriaux de ses collaborateurs. »

Une des voies que peut ensuite adopter l’entreprise pour enclencher cette dynamique consiste à mettre en place et à animer des ateliers autour d’une question : « Face à telle situation, si vous aviez toute marge de manœuvre, comment vous-y prendriez-vous ? », en laissant les collaborateurs construire 100% des réponses.

Au cœur de cette montée en responsabilité, le dispositif de montée en compétence des collaborateurs est essentiel. De même, des modalités de coordination et de régulation devront avoir été formalisées avec les intéressés : diffusion et partage de l’information, processus de décision, traitement des désaccords voire des conflits.

C’est ainsi qu’il sera possible de construire le management des hommes et des organisations requis par l’entreprise en ce début du XXIe siècle.


Pour aller plus loin, consulter le livre de Gilles Verrier et Nicolas Bougeois : Faut-il libérer l'entreprise ? Ed. Dunod