Dans le monde qui émerge, avec une entreprise qui de fait est soumise à des bouleversements sans précédent, un dirigeant n’a plus vraiment sa place : celui qui est d’abord un gestionnaire, aligné au cordeau sur les objectifs court terme qui lui sont assignés et mettant en œuvre une forme d’autorité et des postures hiérarchiques « à l’ancienne ». Certes, le dirigeant doit gérer l’entreprise. Le suivi régulier de la mise en œuvre des orientations décidées, les résultats obtenus, les actions correctives à engager font partie de son activité.

Mais au vu des enjeux auxquels l’entreprise doit faire face, sa valeur ajoutée se situe désormais sur d’autres terrains. Il doit être en premier lieu un homme de la stratégie, de la culture, de l’organisation et de la transformation.

Stratégie, culture, organisation et transformation

Tout l’invite aujourd’hui en effet à réinvestir le terrain de la stratégie, au vu des transformations que subissent de nombreux secteurs : leur champ concurrentiel se reconfigure radicalement. Redéfinir la proposition de valeur de l’entreprise pour ses clients, garantir que le business model qui en découle tient la route économiquement, formaliser des axes de développement prioritaires. Ces responsabilités prennent tout leur sens dans la période de l’histoire économique que nous traversons.

Mais les débats en cours sur l’entreprise libérée et plus largement ceux sur les nouveaux modèles organisationnels et managériaux constituent autant d’appels à s’emparer également des leviers de l’organisation et de la culture. De nombreux dirigeants minimisent ces thèmes, avec une propension très forte en France à considérer que « l’intendance suivra », alors que c’est après avoir fait évoluer la culture et avoir aligné l’organisation sur ces transformations culturelles que les équipes pourront se mettre en mouvement.

Les responsabilités premières d’un dirigeant d’entreprise aujourd’hui consistent bien donc à poser un cadre stratégique constitué des éléments incontournables et à le partager, avec ses « pourquoi ». À promouvoir la transformation du management des hommes et des organisations de son entité, de l’accompagner, d’en animer le sens, en faisant preuve de pédagogie et en donnant envie.

Posture et attitudes

Il s’agira également pour lui de développer une posture cohérente avec cette mutation, en veillant à son exemplarité et en renonçant à certains attributs du pouvoir ainsi qu’à ce qui symbolise une conception très datée de la relation hiérarchique. Il y a certes des différences dans les rôles exercés, mais aucune supériorité de tel ou tel individu sur les autres.

Pour tous en interne, ce positionnement du dirigeant, ses terrains d’intervention comme la valeur d’exemple de sa posture et de ses comportements, constitueront une preuve tangible qu’une transformation effective est engagée. Il projettera par ailleurs une image innovante de l’entreprise à l’extérieur.

Analyser où en est l’entreprise sur ce terrain est délicat : il est difficile de libérer une parole vraie sur le sujet chez les collaborateurs, tant les logiques de pouvoir sont ancrées et l’esprit critique « à la française » bien présent. D’autant qu’en général l’action effective du dirigeant a une visibilité limitée pour le corps social. C’est un accompagnement heure par heure du dirigeant dans ses activités habituelles qui permettra à la fois d’analyser son activité et d’identifier la forme que prennent les signes de pouvoir. Ce type de projet peut aussi être mené à partir des actionnaires. C’est en formalisant les rôles, responsabilités et attitudes des actionnaires du groupe Roquette, et en construisant un « référentiel des compétences de l’actionnaire familial », qu’il a été possible de définir ce qu’étaient les attentes vis-à-vis des dirigeants opérationnels.

Ce travail sur le positionnement et l’équilibre des responsabilités du dirigeant peut être initié par les représentants des actionnaires, par un groupe pour ce qui est de la direction d’une de ses entités, ou par le dirigeant lui-même. Il s’agira alors de lancer ce projet, de ne pas hésiter à communiquer et à l’expliquer, avec une posture basse, en utilisant la force du symbole : l’annonce du renoncement à certains attributs du pouvoir a toujours un fort impact. Le dirigeant pourra ensuite être accompagné pour investir ces nouveaux terrains de responsabilité, animer une démarche de transformation du management des hommes et des organisations, ainsi que transformer ses postures.

Sur le terrain des attitudes, chacun à sa façon, les premiers dirigeants des groupes Daher, Biometal-Fila ou Vygon sont par exemple impressionnants dans leur capacité à mettre en œuvre une posture basse, faite d’humilité, d’écoute et de vrai respect de leurs interlocuteurs internes et externes.

Tags: Leadership,Innovations