Nous sommes de plus en plus connectés : connectés via de nombreuses applications, connectés à des milliers de personnes en même temps, et connectés à toute heure du jour et de la nuit.

Cette hyper-connexion apporte de nombreux progrès comme la possibilité de conserver des liens de proximité à distance ou de commander des biens et service en restant chez soi. Le smartphone a également banni l'ennui des files d'attente, mais il entraîne parfois des dérives dans, son usage : de la simple impolitesse de l'utilisation du smartphone durant un repas à l'organisation d'actes terroristes en passant par des troubles addictifs.

Le monde du travail connaît aussi des dérives dans l'utilisation abusive des outils connectés. Un manager, mais également un client, pourrait s'attendre à une forte réactivité d'un collaborateur qui aurait la possibilité de travailler de chez lui. Engagé dans son travail ou contraint par la pression de son manager ou de son client, le collaborateur pourrait alors travailler abusivement pendant ses vacances, le week-end ou la nuit.

Moins de connexion, plus de satisfaction

Le professeur Leslie Perlow de la Harvard Business School), ethnologue spécialiste du "bien-être" au travail démontre une corrélation entre la satisfaction des collaborateurs et la déconnexion de leur téléphone portable professionnel en dehors des heures de travail dans son livre "Sleeping with your Smartphone". Dans cette étude, le groupe ayant coupé leur smartphone professionnel, par rapport au groupe qui l'a conservé connecté montre un taux de satisfaction ressentie concernant leur équilibre vie privé - vie pro de +6% et une satisfaction au travail de +23%.

Cette satisfaction génère une motivation supplémentaire : le premier groupe déclare une intention de rester dans l'entreprise de 18 % supérieure au deuxième groupe.

Les entreprises auraient donc intérêt à imposer une déconnexion à leurs collaborateurs.

Certaines entreprises ont expérimenté des mesures incitant leurs employés à se déconnecter comme certaines implantations de Volkswagen en Allemagne qui organise une coupure automatique des smartphones professionnels en dehors des horaires de travail.

Droit à la déconnexion

C'est d'ailleurs ce que préconise le droit à la déconnexion prévu par le récent article 55 de la loi travail : il impose que chaque entreprise organise annuellement une discussion entre employeur et employés sur « l’utilisation des outils numériques [...] en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congés » des collaborateurs.

En réalité, cette loi n'apporte pas un avantage significatif dans le droit du travail puisque la jurisprudence montre déjà que les juges sanctionnent les entreprises qui obligent leurs salariés à se connecter à leur messagerie professionnelle durant leur temps libre sans contrepartie financière.

Au contraire, ses détracteurs pensent que l'obligation de discuter de l'utilisation des outils connectés en dehors des heures de travail va inciter à définir des pratiques qui peuvent devenir légales car concertées.

La frontière entre obligation et engagement peut être difficile à définir

La loi travail ne démontre donc pas une avancée significative pour le bien-être des collaborateurs, mais permet d'ouvrir le dialogue sur cette problématique. Par ailleurs, elle sous-entend l'utilisation des outils connectés dans le monde professionnel comme un potentiel danger pour les salariés. Mais ces outils peuvent également offrir une liberté très appréciée par certains employés :

  • La liberté de travailler dans le lieu de son choix : en nomade dans les différentes implantations de l'entreprise, chez un client, dans sa voiture ou en télétravail de chez soi.
  • La liberté de travailler dans la période horaire de son choix : le soir afin de rattraper une absence durant les heures de travail pour aller faire une course ou chercher son enfant malade, ou le week-end afin de pouvoir finir plus tôt le vendredi soir.
  • La liberté de s'engager en pleine volonté dans un travail particulier : un dossier particulièrement exigeant nécessitant de travailler au-delà des heures ouvrées, ou une demande urgente d'un client à satisfaire. Tout comme l'entrepreneur peut ne pas compter ses heures de travail, le salarié peut s'engager également volontairement dans un dépassement de son temps de travail par satisfaction de la tâche accomplie ou en récompense d'un bonus financier.

Comme l'affirmait Gustave Le Bon : « La liberté n'est, le plus souvent, pour l'homme que la faculté de choisir sa servitude » !

Cette liberté pourrait être entravée par certaines mesures excessives prises dans le cadre des accords suite à la loi travail : blocage des messageries électroniques professionnelles le week-end ou à partir d'une certaine heure le soir par exemple.

Tout est une question d'équilibre !

Alors comme dans beaucoup de comportement humain, le bien-être de chacun passe par l'équilibre. Manger trop de chocolat peut être nocif pour sa santé en entraînant de l'obésité. Toutefois, manger du chocolat de manière équilibrée est non seulement un plaisir savoureux, mais apporte également des nutriments bénéfiques pour l'organisme.

Pouvoir jouir d'une certaine liberté grâce à des outils connectés est l'un des progrès permis par la digitalisation croissante de nos entreprises. Le télétravail est certainement le meilleur exemple d'une pratique de travail gagnante – gagnante : bénéfique pour le salarié qui profite d'un cadre de travail agréable et économise son temps de trajet, bénéfique pour l'entreprise qui profite de salariés plus productifs (en moyenne + 25%).

Pouvoir bien entendu conserver un équilibre vie privée – vie professionnelle, mais également profiter de moments non connectés au boulot pour pouvoir prendre du recul est indispensable à son efficacité et son équilibre global. En poursuivant la comparaison avec le télétravail, son écueil principal n'est pas, contrairement à la pensée populaire, que le salarié puisse se considérer en vacances, mais à l'opposé que le salarié soit tenté de travailler trop ne sachant pas s'arrêter, ne faisant pas la distinction entre vie privée et professionnelle, souhaitant montrer que, même de chez lui, il délivre un travail conséquent.

C'est donc bien à chacun de réguler son utilisation des outils connectés et savoir dire non à la pression excessive de son environnement afin de conserver sa juste liberté primordiale pour son bien-être.

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