Articuler développement et performance du collaborateur

Tout semble avoir été dit sur le développement d’un collaborateur, de même que sur la performance individuelle. Pour autant, l’hétérogénéité dans la qualité des pratiques met en évidence la nécessité de s’interroger.

Les questions à se poser sur le développement du collaborateur

Quels types de compétences cibler ? Savoirs, savoir-faire, savoir-être : tous sont développables. Avec, en arrière-plan, un enjeu majeur pour l’entreprise : la part des moyens de formation qu’elle affecte au développement des compétences stratégiques et/ou critiques pour son avenir.

Quelle anticipation des compétences nécessaires dans le futur ? Allons plus loin que l’enjeu sur les compétences critiques : il s’agit pour l’entreprise d’affecter une part significative de son budget de formation au développement des compétences dont elle aura besoin à 3 ans. Un exercice de GPEC centré sur l’avenir de l’entreprise plus que sur les relations avec les partenaires sociaux permet d’identifier ces compétences.

Quelles échéances dans le développement des compétences ? L’entreprise va certes développer les compétences nécessaires dans le poste. Mais se préoccupe-t-elle aussi de développer le collaborateur sur les compétences dont il aura besoin dans ses postes futurs, pour préparer ces évolutions ?

Quelle évaluation des compétences ? De par la nature même de ses responsabilités, le manager est impérativement le premier acteur de l’évaluation des compétences de chacun de ses collaborateurs. Cette évaluation peut être objectivée, en s’appuyant sur les faits et les observations en situation. Des dispositifs complémentaires peuvent être mis en place : auto-évaluation, assessments, évaluation fonctionnelle, etc.

Quelles modalités de développement des compétences ? Des entreprises sortent de « l’autoroute formation » et diversifient ces modalités. Peuvent être travaillés l’accompagnement par le manager, les autres accompagnements individuels, les mises en situation, le co-développement, etc.

Quel(s) responsable(s) du capital compétences du collaborateur ? L’entreprise a confié un collaborateur à un manager. Ce « capital humain » a de la valeur. C’est de la responsabilité du manager que d’accroître cette valeur. C’est à lui de faire en sorte que le collaborateur se développe sur les axes identifiés. Il a là-dessus une obligation de résultat.

Quels parcours professionnels ? Répondre à cette question suppose de définir le processus effectivement mis en œuvre, avec quelles responsabilités pour quels contributeurs. Sachant que pour enrichir son approche, l’entreprise doit s’affranchir de la seule logique des parcours verticaux et construire d’autres opportunités.

Quelle préparation de ces parcours ? Une fois un projet professionnel validé par l’entreprise, c’est sa responsabilité que de préparer le collaborateur. Le manager va mettre en place ce qui va permettre au collaborateur de se préparer.

Quelle identification et quelle gestion des « populations rares » ? Potentiels ou talents, experts, high performers. L’entreprise est confrontée à un besoin : définir les « critères de différenciation » qui lui permettront d’identifier qui faire évoluer en priorité. C’est sur cette base qu’elle pourra définir les populations qui ont une valeur plus particulière pour elle. Elle devra ensuite mettre en place une gestion spécifique.

Les questions à se poser sur la performance individuelle

Quelle articulation entre performance de l’entreprise et performance individuelle ? La convergence des objectifs individuels vers des objectifs globaux est indispensable. Les démarches de cascading s’inscrivent dans cette logique, même si leur dimension « mécaniste » a montré leurs limites.

Quelle culture de la performance ? Selon les organisations, la recherche de performance est plus ou moins ancrée dans la culture. Certaines entreprises cherchent à renforcer cette culture de la performance chez leurs collaborateurs. La réussite d’une telle transformation suppose beaucoup de pédagogie, des précautions, une approche participative et… de la travailler dans la durée.

Performance individuelle ou performance d’équipe ? L’animation de la performance individuelle répond à la fois à une nécessité pour l’entreprise (efficacité) et à une attente des collaborateurs (reconnaissance). Pour autant, elle peut générer des biais en handicapant les coopérations.

Quelle différenciation, avec quels critères et quelle équité ? Ces critères de différenciation de la performance entre les collaborateurs sont à définir. Puis se pose l’enjeu de l’objectivation de la démarche, avec en arrière-plan une aspiration à l’équité très forte aujourd’hui dans l’entreprise.

Animer la performance sur la tenue du poste ou sur les objectifs annuels ? Les entreprises animent la performance soit sur les missions permanentes, soit sur les objectifs annuels, soit sur un mix. Le bon équilibre entre les deux dimensions dépend notamment du niveau hiérarchique de l’intéressé.

Performance métier, économique, managériale, globale ? Historiquement, seules la performance métier et la performance économique étaient animées et rémunérées. Mais de plus en plus d’entreprises animent et mesurent la performance managériale, voire la performance RSE

Quel rôle pour le manager ? Outre le collaborateur, premier acteur de sa performance, le manager est l’acteur clé puisque c’est cet acte de management de la performance qui constitue le fondement même de sa légitimité de manager.

Management par la pression ou management par l’engagement ? L’enjeu performance peut en effet conduire à des pratiques déviantes de management par la pression, efficaces sur le court terme, inefficaces sur le moyen terme et destructrices pour l’individu.

Comment combiner exigence et bienveillance ? Dans certaines entreprises, il n’y a que deux modèles de managers : celui qui manage par la pression et celui qui renonce. D’autres entreprises travaillent à combiner exigence (donc courage managérial) et bienveillance.

Quel enjeu au quotidien ? L’animation de la performance ne peut se limiter à un rendez-vous annuel. Au quotidien, le manager doit se positionner comme une ressource au service de son collaborateur, en adaptant son animation de la performance au degré d’autonomie de celui-ci.

Quelle place pour l’entretien annuel ? Si l’animation de la performance en continu est qualitative, l’entretien annuel n’est que la formalisation du dialogue. À défaut, il peut se transformer en bras-de-fer, en séance de négociation ou rester sur des non-dits.

Quelle mesure, avec quels indicateurs ? La mesure doit être objectivée en s’appuyant sur des faits. La définition préalable d’indicateurs chiffrés peut y aider.

Quelle synthèse ? Le collaborateur doit pouvoir avoir une évaluation claire et sans ambiguïté de sa performance globale. Faut-il une lettre ou un chiffre ? C’est d’abord la qualité de la pratique managériale qui donne la pertinence.

Performance et développement individuels : quelle articulation ?

Une certaine confusion existe parfois dans les notions utilisées. Prenons le temps de l’entretien annuel, où pourront être traités, pêle-mêle : appréciation, compétences, comportements, critères, développement, équité, évaluation, expertise, indicateurs, métier, objectifs, parcours, performance, poids du poste, potentiel, progrès, résultats, talent, tenue du poste, etc. Comment être surpris que certains managers et collaborateurs s’y perdent ?

Nous avons abordé ci-dessus ce qui renvoie à chacun des deux processus en jeu. Tentons maintenant de voir comment les deux s’articulent. L’enjeu du processus de gestion de la performance individuelle est de contribuer à ce que le collaborateur délivre des résultats en ligne avec les attentes de l’entreprise, en croisant compétences et engagement. L’enjeu du processus de développement individuel est de développer les compétences qui permettront au collaborateur d’être aux rendez-vous qu’il a avec l’entreprise dans son activité actuelle et dans son activité future.

Pour être plus concret sur l’articulation entre ces deux enjeux, le développement des compétences est une des conditions de la performance, à court terme, mais aussi à moyen terme. Tandis que L’analyse de la performance fournit les informations nécessaires sur les compétences à développer. D’une certaine manière, l’enjeu Performance renvoie au « match » joué, avec son score final. Tandis que l’enjeu Développement renvoie à l’ « entrainement », pour être prêt le jour du match.

C’est là qu’émerge la difficulté, dans la posture qu’adopte le manager avec son collaborateur. Dans l’échange sur les enjeux de développement, le manager se doit d’être dans une posture d’accompagnement, de « coach » dirions-nous si le terme n’était utilisé à toutes les sauces. La nature du dialogue qu’il établit est par nature équilibrée. Dans l’échange qu’ils ont sur la performance du collaborateur, le dialogue doit bien sûr également prévaloir. Pour autant, tout ne se co-décide pas. Si le manager est en position d’animateur, il a parfois aussi à adopter celle du « juge ».

Ces deux positions, celle du coach et celle du juge, peuvent difficilement être combinées dans un même temps. L’exercice, par exemple, qui consisterait lors d’un même entretien à recadrer un collaborateur dont la performance est insuffisante et à travailler de concert avec lui les actions de développement à mettre en œuvre au quotidien est infaisable.

Le processus de gestion de la performance et celui de développement du collaborateur renvoient à deux logiques différentes. Ces deux logiques ne sont pas indépendantes, elles sont étroitement articulées. Pour autant, les fondre, comme le font de nombreuses entreprises en traitant l’ensemble des sujets dans un même entretien conduit de fait très souvent à une pratique de faible qualité.

Le minimum consiste à expliciter auprès des managers chacune des deux logiques, puis à les outiller de manière à ce qu’elles soient traitées distinctement, avec une partie de l’entretien annuel dédiée à la performance, l’autre au développement. Certaines entreprises, comme L’Oréal, IBM ou Décathlon, vont plus loin, en organisant chaque année de façon distincte, à des moments différents, un entretien de performance et un entretien de développement. Le seul argument parfois entendu dans l’entreprise pour contrer cette organisation renvoie au temps de mobilisation du manager que nécessitent deux entretiens. Est-ce vraiment abuser que de considérer que les enjeux valent bien ces deux temps dans l’année ?