NDLR : En cette fin de période estivale, nous remettons en ligne quelques un des articles les plus lus sur RH info.
Extraits du journal intime d’un DRH
Salutations à vous, amis DRH !
J'ai rencontré Annie dans un Congrès RH à Montréal.
Pour être plus précis, j'ai fait sa connaissance au restaurant où nous dînions un soir, après les conférences de la journée. Annie est serveuse dans un restaurant de Montréal.
Quand on est DRH, que c'est une vraie passion et que les gens sont importants pour nous, on n'est pas DRH qu'au travail, ou plutôt il n'y a pas que les salariés de notre entreprise qui sont dignes d'intérêt. C'est un peu comme une maladie du lien social, une pathologie du contact humain : on ne peut pas s'empêcher de parler avec les personnes qu'on rencontre. Et, à Montréal, dans ce restaurant, je n'ai pas pu m'empêcher de lui faire la causette.
Tout d'abord, c'est toujours un peu classique, ce sont les questions du genre « Ça va ? Ce métier n'est pas trop fatigant ? ». Et la conversation s'engage...
— Non, ça va. Je suis habituée, vous savez.
— Ah bon. Ça fait longtemps que vous faites ce métier ?
— Longtemps ? Ça dépend ce que vous appelez longtemps. Je suis encore jeune. Disons que cela fait 3 années.
— 3 années, c'est pas mal...
Je vois que Annie a envie de discuter un peu. Elle prend un peu de temps.
— Oui, mais vous savez, je n'ai pas toujours fait ce métier. J'ai essayé autre chose. Un emploi dans le secrétariat. Mais, ça ne m'a pas vraiment plu. Alors, je suis revenue.
— Et, qu'est-ce qui ne vous a pas plu dans ce travail ?
— L'absence de contact avec les gens. Vous savez, dans un bureau, on est un peu isolée, finalement. On a son travail, son ordinateur, ses mails... Et voilà. Je crois que c'est à ce moment-là que j'ai vraiment compris que j'aimais ce travail de serveuse.
— Vous avez envie de me dire ce qui vous plait dans ce travail ? Pour moi, ça a surtout l'air fatiguant. Toujours debout à galoper pour apporter à manger aux clients.
— Mais, ce que vous dites prouve que vous ne voyez pas tout. Ce n'est pas que ça !
Annie m'intrigue. Elle a l'air vraiment animée d'une forte énergie, illuminée par une flamme interne : la passion du métier.
— S'il vous plait, Annie, ne me faites pas languir. C'est quoi, ce que je ne vois pas.
Annie me regarde un peu en souriant. Elle a envie de se faire prier. Mais, en même temps, elle a envie de me dire ce qui l'anime.
— Les gens !
— Quoi, les gens ?
— Ben, les gens. Les personnes qui viennent prendre leur repas ici. Il y en a de tous les types. Il y a des personnes qui, comme vous, viennent entre amis et qui rigolent beaucoup. Il y a des amoureux qui passent peut-être plus de temps à se regarder dans les yeux qu'à manger. Et puis, il y a les autres.
— Les autres ?
— Oui, ceux qui viennent seuls. Ceux qui semblent avoir le poids du monde sur leurs épaules, ceux qui ont des yeux gonflés, avec des paupières lourdes et gonflées. Ils ont une démarche pesante. Ils s'assoient sans rien dire, regardent la carte sans intérêt et commandent d'une voix triste, si triste.
Annie me regarde dans les yeux. Je sens que ce qu'elle est en train de me dire est très important.
— Je suis là, pour ces gens-là. Je les remarque dès qu'ils rentrent dans le restaurant. Je m'occupe d'eux. Doucement. Tranquillement. Sans les brusquer et seulement si je sens qu'ils le veulent. Je leur parle. Je prends un peu de temps pour leur parler. Depuis le moment où je prends la commande. À chaque fois que je leur apporte un plat. Et, au moment du départ, certains sont mieux. Ils peuvent avoir un sourire, certes petit, mais un sourire quand même. Et, c’est que j’aime dans mon métier : pouvoir donner un petit quelque chose à des personnes pour qu’elles aillent mieux.
En rentrant à l’hôtel, je me dis que, finalement, Annie a trouvé un sens à son métier. C’est ce sens qui l’anime et lui donne motivation et façon de faire.
Ces propos me font réfléchir et me poser cette question si importante : « À quoi sert le travail ? » et même, plus précisément, « pour nous des DRH, à quoi nous sert ce travail ? ». Je ressors mon journal intime.
En le feuilletant, je me souviens des nombreuses personnes ou collègues que j’ai croisés durant ma carrière. Je me souviens également de ce qui les motivait et de ce qui, pour eux, faisait sens au travail. Ceci me semble d’autant plus important à regarder que notre métier des Ressources Humaines n’est pas un métier anodin. Et vous le savez !
Il y avait, par exemple, rencontré il y a fort longtemps, ce cadre de la RH, surnommé le Poulpe. Ce surnom provenait de la grande capacité de l’intéressé à prendre part à tout dossier, à se rendre indispensable, à recueillir toutes les informations et les distiller en retour avec parcimonie. Chers lecteurs, vous connaissez sûrement des « Poulpes » dans vos organisations. Pour eux, le travail ne sert qu’à avoir du pouvoir et à l’utiliser pour leurs propres bénéfices. Pour augmenter leur influence dans l’entreprise, leur ascendant sur les gens.
Vous avez sûrement également connu des grandes prêtresses adoratrices du Code du travail. Dans mon journal intime, j’ai retrouvé le récit de cette jeune femme, cadre de notre métier, qui ne voyait son travail que comme la mise en œuvre de la réglementation. Dans sa pratique et sa vision des Ressources Humaines, elle ne se concentrait que sur le côté juridique et peut-être en avait elle oublié le côté humain. Son métier servait à appliquer et faire appliquer la loi. Elle le faisait bien. Avec toute la rigueur et la raideur nécessaires.
Il y a également celles et ceux, et je pense que c’est là, quasiment, une maladie endémique de notre fonction, il y a donc ceux qui sont dans le bla-bla, dans le concept. Qui ne sont que dans le verbal, dans la réflexion, dans la théorie. Absolument aucune action. Pour eux, les Ressources Humaines ne servent qu’à philosopher, au sens le plus conceptuel du terme. Ces personnes ne font que réfléchir à l’essence des choses de la vie, à construire des politiques absolues ou des pratiques absolument parfaites. Et, sans l’atteinte de cette perfection, elles restent dans le bla-bla… Ce sont les NOM, les No-Action-Men.
En continuant de feuilleter mon journal, je retrouve enfin l’histoire de cette dame pour qui le métier RH était vraiment et constamment tourné vers les autres. Alors, oui, bien sûr, elle respectait le Code du travail, oui, elle savait jouer avec les rouages des organisations pour réaliser ses missions. Mais, pour elle, et elle me l’avait dit clairement et sans ambages, son travail était une vocation et lui permettait de donner, à son niveau, du mieux vivre aux salariés de son entreprise. C’est sûrement cela qui la faisait venir le matin au travail avec des étoiles dans les yeux et un sourire sur le visage.
Alors, j’ai envie de vous poser une petite question, à vous, chers amis. Qu’est-ce qui vous anime au quotidien, dans l’exercice de votre métier ? Je pourrais même être plus large en vous demandant à quoi vous sert votre métier.
Comme je sais bien qu’on ne peut pas faire ce métier sans l’amour des gens, je ne suis pas inquiet de ce que vous pourriez répondre. En vous souhaitant un exercice de notre métier empli d’humanité, je vous salue, amis DRH. À bientôt. D’ici là, portez-vous bien !
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