Ecouter : Etre attentif à, tenir compte de ce que quelqu’un dit, exprime, désire. Entendre : écouter avec attention, percevoir par l’esprit, comprendre, saisir …

Michel referme le Petit Larousse qu’il garde près de lui dans son bureau ; ce soir, quelques épisodes récents de la vie de l’entreprise s’imposent à lui.

Episode 1. C’est une réunion. Une des nombreuses réunions auxquelles Michel, en sa qualité de DRH assiste ; il y en a tellement sur son emploi du temps, qu’il ne sait d’ailleurs même plus quel est l’objet de celle-là. Et à en croire ce à quoi il assiste, il n’est pas convaincu qu’il y aura un véritable objectif atteint, encore une fois. Sur le mur, des PowerPoint défilent ; chaque personne qui les présente parle, mécaniquement, de sa place assise. Et que font les autres : un petit nombre semble attentif, les autres sont concentrés sur leurs mobiles et leurs claviers d ‘ordinateurs et traitent des sms, des mails, pour « gagner du temps »…. Mais, se dit Michel, qui écoute qui ? Qui accorde à l’autre une attention complète, concentrée de façon à comprendre, voire même à co-construire des solutions dans une vraie dynamique d’équipe. Maigre bilan.

Episode 2. C’est une autre réunion du Comité de Direction de l’Entreprise, cette fois-ci; un chargé de mission y présente un point d’avancement du projet d’Entreprise « En avant, tous ensemble ». Ce projet, voulu par la Direction générale, a été bâti pour donner du souffle à une entreprise fatiguée par cette fichue crise économique, et à son personnel qui a un besoin impératif de sens. Beaucoup de moyens investis, des consultants, des brainstorming, l’édition d’une très belle plaquette pour communiquer à l’ensemble du personnel ; des réunions avec le management pour présenter le projet. Et ce jour-là, grâce à un logiciel de génie, des KPIs tous azimuts pour marquer les avancements. Oui mais voilà, Michel est perplexe ; le projet est ignoré par les syndicats, le personnel ne comprend pas tous les textes de la plaquette, trop lourds trop compliqués, trop « technos » ; et surtout, il dit ne pas avoir pu s’exprimer à ce sujet. Bien sûr, il y a eu des assemblées, quelques-unes dans les services, mais quelle écoute de chacun au-delà des longs monologues ? Difficile dans ces conditions de créer l’adhésion et l’engagement. Maigre bilan à ce jour.

Episode 3. Michel débat avec un collègue Gilles qui lui explique que son temps de manager fait une place importante au terrain. C’est très bien, se dit Michel, et il creuse un peu. « Mais que fais-tu sur le terrain ? » « Je passe des messages, je fixe des objectifs, j’audite les situations, j’optimise l’efficacité de chacune de mes interventions ». Michel renchérit. Et tu prends le temps d’écouter ? « Oui, oui, je sais ce qu’il se passe sur le terrain répond Gilles. Michel reste dubitatif : il a senti l’engagement de Gilles, son côté commando efficace, et sa volonté de convaincre du bien-fondé de ses décisions pour les faire appliquer, sans plus attendre, parce que son temps est compté….mais le temps de l’écoute….Etre sur le terrain c’est bien, mais au fait c’est quoi y être réellement ? Maigre bilan pour l’heure.

Episode 4. Michel a engagé sa négociation annuelle des rémunérations avec ses syndicats ; il sait où il veut aller, quel est son objectif. Et il sait aussi qu’il doit faire en sorte d’obtenir un accord. Alors, pour bien faire, il a pré rédigé la trame de ce qui va être négocié. S’est-il rendu compte que ce faisant, il minimisait ses chances de parvenir à bonne fin ? S’est-il posé la question de savoir si les partenaires sociaux souhaitaient être écoutés, parce qu’ils portaient la voix du personnel qu’il représentait ? Pas forcément. Lors d’une pause, en faisant son bilan, face à l’attitude tendue des débats, Michel réalise qu’il agit comme Gilles. Il veut convaincre, tellement convaincre qu’il a oublié d’écouter. Et si écouter lui permettait de parvenir au résultat recherché même autrement, mais avec un travail de dialogue social sincère et pas un simulacre. Michel ne veut pas d’un maigre bilan.

La luminosité de cette belle journée de printemps décline dans le bureau de Michel, il est tard. En quittant le bureau, en cette période troublée d’élections, où les mécontentements forts se sont exprimés, parfois avec une extrême violence, Michel ne peut s’empêcher de penser que si on prenait la peine de mieux s’écouter vraiment, peut être alors que ça irait mieux, que l’on éviterait beaucoup d’erreurs, que l’on génèrerait moins de frustrations, moins d’exclusions….et il se promet lui, le DRH qui aime tant la force du lien qui crée « l’affectio societatis » de l’entreprise, d’y consacrer un peu de temps ; à commencer par en reparler très vite à son Comité de Direction… il n’est pas trop tard. Et il repense à ce titre fort d’un ouvrage magnifique qu’il vient de terminer. Il faut « réparer les vivants ».

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