Le sujet du dialogue social est en ce moment sous les feux de l’actualité. D’une part, parce qu’il est un des enjeux des ordonnances Macron/Penicaud ; d’autre part parce que beaucoup, mais beaucoup de monde vit – comme disait le regretté Coluche – dans un monde où chacun se croit “autorisé” à pérorer sur le sujet.

Cela fait des années que je chemine avec mon ami Jean-Nicolas Moreau de RES EURO CONSEILS pour expliquer aux étudiants et aux professionnels tout ce que l’on peut faire d’intelligent pour les femmes et les hommes et pour leur entreprise avec un dialogue social de qualité. Il n’est donc pas envisageable aujourd’hui pour moi d’écrire autre chose ; et vu le nombre impressionnant d’intervenants qui se sont engouffrés, sans rien inventer d’autre, dans les concepts et outils que Jean-Nicolas professe depuis plus de 20 ans, je me dis que nous sommes plus que pertinents.

Alors que vais-je bien pouvoir vous dire de plus que les polémistes, journalistes, politiques, chroniqueurs et syndicalistes qui se sont déchainés dès les premières ébauches de la réforme ?

En fait, j’ai un véritable problème : j’entends les tenants du « ça marche pas si mal » nous brandir les quelques dizaines de milliers d’accords signés chaque année pour attester de ce que la vie sociale de nos entreprises, de nos branches professionnelles est tonique et qu’elle n’a besoin de rien ! Hé bien ! Je suis désolé : je ne partage pas cet avis. Pour y avoir participé, pour en avoir animé, il est assez facile de comprendre qu’au niveau des branches, c’est un jeu de poker menteur qui permet à chacun de préserver – voire de se créer – des avantages concurrentiels ; et chacun s’évertue à avancer masqué ! On en déduit assez évidemment ce qui peut en résulter quant à la nature des textes signés…

Et que dire au niveau de l’entreprise ? Entre les prisonniers des dogmes d’un autre âge ; les squatters qui ne défendent que leur bout de gras ; les employeurs qui expédient les sujets en étant convaincus que c’est du temps perdu et – passez-moi l’expression mais je l’ai entendue – qui se félicite de conclure un « torche balle » de deux ou trois pages ; les illuminés qui portent des textes ronflants et creux…

Oh ! Vous allez dire : « il exagère, tout de même ! Il y a de beaux textes, et de véritables avancées sociales ». Oui, il y en a ! Mais la réalité est plus prosaïque :

  • Des cas dictés par de véritables difficultés où il faut se retrousser les manches et mener un vrai travail paritaire – expression apparait peu dans notre langage et nos pratiques – de sauvegarde… au moins des apparences ;
  • Des cas d’entreprises qui ont de larges moyens et qui peuvent encore se permettre de donner – pour ne pas dire acheter– beaucoup ;
  • Des cas plus authentiques parfois, menés par des partenaires convaincus que le temps passé à traiter les sujets sociaux est indissociable pour développer une économie prospère.

J’en passe, et des moins nobles ! Quoi qu’il en soit il y a beaucoup moins de résultats probants au final que le chiffres d’accords affichés au final ; et soit dit en passant, des désaccords sont parfois plus sérieux que des accords bidons.

Mais que nous manque-t-il alors ? Dans son rapport, Jean Denis Combrexelle – que j’estime pour sa connaissance approfondie du milieu de l’entreprise et ses convictions sociales – avait parlé de déficit de culture du dialogue social en France. Allons-nous nous progresser sur ce point ? J’ai lu que les ordonnances devaient faire évoluer la situation …. Ce serait la meilleure des choses, à conditions qu’elles en fasse un sujet de fond, et non comme si souvent jusqu’ici un simple artifice fonctionnel. Mais les discussions engagées… me laissent penser que je n’ai pas tort d’avoir peur.

Il s’agirait en fait d’instaurer et de promouvoir une véritable culture : une envie réelle de voir des syndicats prospérer pour être des interlocuteurs pertinents de la vie de l’entreprise. Une envie de voir des entrepreneurs être convaincus de ne plus perdre du temps à développer un dialogue empreint de la « chose sociale et professionnelle ». Un dialogue social et professionnel culturel. Nous en avons tant besoin ! Car c’est à cette seule condition qu’on sortira de la quasi impasse dans laquelle on se trouve ; dans cet indéfini affrontement frontal, certes porté par une histoire qu’il n’est pas question d’ignorer, mais souvent stérile pour produire quelque chose d’utile.

Mon propos n’est de fustiger personne : nous sommes tous – employeurs, syndicats – prisonniers d’un système. Mais je suis convaincu qu’il nous faut travailler ensemble à nous en sortir ; qu’il y a des compétences et des bonnes volontés qui y croient encore ; c’est nécessaire pour l’avenir. Et à court terme, cela nous aidera sans doute à trouver de façon collective et donc intelligente tous les ressorts d’applications de textes auxquels personne n’a pensé avec les solutions adaptées, au lieu d’attendre toujours de nouveaux décrets ou circulaires magiques. Voilà un beau sujet, n’est-ce pas Madame La Ministre ? Sauf qu’il s’agit de culture sociétale et là… je sais que c’est compliqué et long !

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