L’enquête RH info : analyse et perspectives

Infographie en fin d'article

RH info a réalisé auprès ses lecteurs une enquête sur « les nouveaux modes de travail » ; 717 d’entre eux ont répondu à nos 8 questions. Nous vous proposons d’en partager les résultats et de tirer quelques leçons clés qui nous apparaissent fort instructives.

Nous savons déjà, par observation empirique ou par des études sectorielles, par expérience ou par expertise prospective – dont RH info s’est souvent fait l’écho –, que :

  • les évolutions sociétales que nous sommes en train de vivre bouleversent profondément la conception dominante du travail, telle que les deux siècles passés l’avaient progressivement instituée ;
  • la révolution digitale et l’affranchissement de l’espace et du temps qui lui est conséquente font naître de nouveaux rapports entre les êtres humains au travail ;
  • les métiers vont se renouveler en forte proportion ;
  • l’emploi va se restructurer pour correspondre aux besoins systémiques des entreprises et à la croissance de l’automatisation à tous niveaux ;
  • la QVT devient la qualité de vie « DANS » le travail, désormais principal levier d’engagement ;
  • c’est véritablement un nouveau contrat social qui est en train d’émerger, plus symétrique, plus horizontal, plus participatif.

Cependant, il est intéressant de rendre plus factuelles ces tendances que nous pressentons ou observons partiellement.

- Pour 85,9 % des 717 répondants, les modes de travail sont « en train d’évoluer fondamentalement », et seuls 5,7 % sont d’un avis strictement contraire. La conscience de l’importance de ce qui est en train de se passer dans le monde du travail – et plus largement dans la société – semble donc acquise et affirmée par une forte majorité.

- Lorsqu’on leur demande en quoi consiste cette évolution, 89,1 % expriment qu’elle est une « évolution des modes de collaboration et d’organisation ». Le renouvellement des métiers ne retient l’attention que de 5,6 % des répondants et la restructuration de l’emploi 5,3 %. C’est dire à quel point les répondants mettent l’accent sur l’aspect organisationnel et relationnel des changements en cours, et beaucoup moins sur les aspects techniques et la force de l’expertise. Ceci est d’ailleurs en phase avec notre dernière enquête sur la formation, qui avait montré que pour près de 3 salariés sur 4 l’agilité comportementale et la capacité d’adaptation prenaient désormais le pas sur l’expertise métier.

- La nature de l’évolution du travail ressentie n’est sans doute pas étrangère au fait que pour 57,9 % des répondants, l’automatisation des tâches « présente plutôt des opportunités » que des risques. Il reste que si une petite minorité pense que cela ne va changer grand-chose (4,6 %), 37,5 % estiment tout de même que l’automatisation « présente des risques et est inquiétante ». Il faut dire aussi que le sujet a été largement débattu dans la presse et sur les réseaux… et pas toujours avec des projections cohérentes et des constats sereins. Disons que cet optimisme de la majorité manifeste un état d’esprit plutôt positif.

- Pour faire face à ces évolutions encourues du travail, des modes de collaboration et d’organisation, d’automatisation des tâches répétitives, 54,9 % des répondants affirment qu’il va falloir faire preuve « d’innovation et de créativité », et 37,8 % plébiscitent « la proximité et la solidarité ». Est-ce à dire qu’il faudra fortement travailler à l’intelligence et à la qualité des complémentarités des rôles – y compris de ceux à inventer –, là où seuls 7,5 % pensent encore que la subordination de « l’exécutant appliqué » peut constituer une solution ?

- Il va falloir que certaines entreprises le comprennent vite, car 48,5 % des répondants estiment que la subordination y est plus importante que « l’autonomie et la responsabilité ». Il faut néanmoins souligner un signal très positif au global : ils sont 51,5 % à estimer le contraire et à valoriser une vraie logique contractuelle, ce qui est de nature à booster la confiance et l’engagement !

- En effet, de même que le sens du travail évolue, le sens de l’engagement n’est plus le même qu’avant, ce qui explique peut-être les taux très faibles « d’engagement » relatés par nombre d’études sur le marché. Il ne s’agit peut-être plus de cet investissement maximal – et parfois aveugle ou naïf – dans une entreprise où la « carrière » est primordiale… au profit d’une mobilisation profonde et cohérente pour un travail qu’ils aiment, dans une équipe où ils se sentent reconnus : pour près de 3 répondants sur 4, le « choix de vie » (45,2 %) et le « rôle tenu » (29 %) sont désormais plus importants que le métier exercé dans l’entreprise. Là encore, cela fait écho à notre dernière enquête sur la formation, où 75,5 % répondants affirmaient que la finalité de la formation était pour eux « l’amélioration de leur employabilité globale », et non pas l’acquisition de compétences actuelles nécessaires dans le poste occupé (9,4 %) ou une certification permettant une évolution hiérarchique ou statutaire (7,9 %).

- De fait, ils sont 47,8 % à travailler « avec tout l’écosystème externe de leur entreprise », pendant que 32,1 % « utilisent volontiers les réseaux à titre personnel dans leur travail ». Ce qui montre à quel point les communautés de travail dépassent aujourd’hui les frontières de l’entreprise.

- Enfin, signe des temps qu’on le veuille ou non, 77,6 % des répondants plébiscitent le télétravail, même si 38,5 % d’entre eux déclarent « qu’ils ne peuvent pas le pratiquer mais qu’ils voudraient bien ». Certes, 20,6 % pensent « qu’il y a des risques sous-estimés » et 1,8 % ne veulent pas en entendre parler. Cela montre à la fois à quel point le sujet devient incontournable… et à quel point il faut le traiter avec professionnalisme.

Conclusion et mise en perspective

L’apparition de nouveaux modes de travail n’est pas liée à la volonté des entreprises, mais à des tendances fortes, sociétales, technologiques, matérielles. Et rien ne peut empêcher leur avènement : les entreprises n’ont plus le pouvoir d’influencer ces tendances et de les modifier. Elles doivent donc s’adapter en faisant preuve d’agilité et de professionnalisme : les nouveaux modes d’organisation et de collaboration ne s’improvisent en effet pas davantage que les organisations néo-tayloriennes et pyramidales qui subsistent encore dans nombre d’entre-elles ! Il ne s’agit sans doute pas tant de « libération »… que d’une révolution copernicienne : si les résultats de notre enquête font apparaître une chose en toile de fond, c’est que le travail est désormais fait pour l’homme, et plus l’homme pour le travail. Le centre de gravité s’est inversé. Cela change à la fois le sens, le mode, l’organisation, l’exercice du travail et le sens même de « l’engagement ». A cette aune, les évolutions des métiers, des emplois, des formes de contrats, deviennent effectivement secondaires : oui, les métiers et les formes d’emplois évolueront fortement, mais ils devront être dans le sens de l’Homme et plus de la seule financiarisation de l’économie. Ainsi, contrairement à ce qui se dit et s’écrit ici ou là, le DRH pourrait bien devenir le stratège clé de l’entreprise de demain – pour peu qu’il entende bien ce message –, parce que c’est lui qui détient le levier de ce capital humain… qui ne cesse de réclamer plus d’humanité. Dans le monde technologique et digital qui s’annonce, il faut comprendre que le travail devient plus que jamais une valeur d’humanité. Les robots ne « travaillent » pas ; seuls les êtres humains travaillent. Libérer leur pouvoir d’initiative devient crucial : l’empowerment plutôt que l’engagement ! L’empowerment consiste en ce que tous les acteurs de l’entreprise sachent et puissent œuvrer pour que la collaboration, la force du collectif, confère à chacun un pouvoir d’initiative, une capacité d’action et de développement de ses potentiels. Ce pouvoir « individuel » est fondé sur le triptyque confiance – autonomie – responsabilité. Ce pouvoir, dans sa nature, se déploie donc au service du collectif ; du développement d’une communauté autour d’un bien commun.

Ne nous y trompons pas : ce qui se joue dans l’évolution actuelle des modes de travail… c’est « nous » !

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