Combiner éthique et management : un pari utopique ?

J’ai eu le plaisir d’organiser et animer le 6 février dernier pour l’Association Française du Management Equitable® une conférence-débat sur le thème « Ethique & Management : le manager au cœur du dilemme ». Cet événement faisait suite à des travaux menés au sein de La Maison du Management, clôturés par la publication d’un mémento « Manager l’éthique », destiné à sensibiliser les managers aux différentes composantes de la culture d’éthique dont ils ont la responsabilité. Ce premier article s’attache à cerner le contexte de l’éthique en entreprise et les attributs du « manager éthique ». Dans un deuxième article à venir, nous traiterons des crises et dilemmes éthiques.


1ère partie : Les enjeux du management éthique

Aucun dirigeant ou manager ne peut rester indifférent aux problématiques d’éthique qui s’invitent de façon croissante dans l’actualité des entreprises. Mais exercer avec discernement, équité et sérénité ses responsabilités managériales d’éthique relève la plupart du temps d’une véritable gageure.

Sujet encore largement tabou, l’éthique en entreprise est au mieux pour certains un sujet relevant du monde des « Bisounours », au pire une bombe à retardement dont l’entreprise a parfois beaucoup de mal à se remettre.

L’éthique, un enjeu incontournable aujourd’hui en entreprise

L’obligation qui impose de façon croissante aux entreprises de se saisir des questions d’éthique résulte en premier lieu des évolutions de la loi.

En France, le volet anti-corruption de la loi Sapin 2 contraint désormais les entreprises de plus de 500 salariés et réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros à mettre en place des mesures de prévention du risque : code de bonne conduite, dispositif d’alerte interne, cartographie des risques, dispositifs de contrôle interne, d’évaluation et de formation.

La loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères place les grandes entreprises multinationales face à leurs responsabilités en matière de respect des droits humains dans leurs activités à l’étranger, y compris celles de leurs partenaires commerciaux (sous-traitants et fournisseurs).

La cyber sécurité est devenue un sujet brûlant d’actualité. A partir de mai 2018, le nouveau règlement européen (RGPD) conçu pour protéger les libertés fondamentales, parer aux cyber-attaques et restaurer la confiance minée par des pratiques commerciales discutables, imposera aux entreprises de se plier à de nouvelles obligations en matière de protection des données personnelles.

Mais aujourd’hui, afficher une conformité réglementaire n’est plus suffisant. Les régulateurs demandent une gouvernance de l’éthique, des processus clairs et une volonté de pédagogie vérifiable.

Il s’agit désormais de développer une véritable culture de l’éthique, s’appuyant sur un socle de valeurs fortes, avec un dispositif éthique à la hauteur des enjeux, le support actif des instances de gouvernance et la reconnaissance de la performance attachée à l’éthique.

L’éthique en entreprise vise tout à la fois les comportements individuels des salariés, qui relèvent de leur construction intime intérieure propre, et le comportement de l’entreprise elle-même en tant que personne morale dans sa stratégie et sa conduite des affaires au quotidien.

- Certains comportements sont susceptibles d’avoir une incidence juridique directe : les pratiques fiscales, la corruption et le blanchiment de fonds, les conflits d’intérêt, les relations avec les fournisseurs, la protection de l’environnement, ou encore la lutte contre la discrimination.

- D’autres relèvent d’exigences d’ordre humain et social comme le respect de la personne humaine, le respect des différences, l’équilibre « vie privée-vie professionnelle ».

- D’autres encore reflètent les attentes de la société civile : le respect des consommateurs, la satisfaction du client, ou encore l’engagement actif dans la vie locale en tant qu’entreprise citoyenne.

Prévention des risques, maîtrise de l’image et performance

L’éthique relève avant tout aujourd’hui de préoccupations de prévention des risques.

Un grand nombre de crises auxquelles sont confrontées les organisations trouvent leur origine dans le non respect de principes d’éthique. A l’heure des réseaux sociaux et de l’immédiateté de la propagation de l’information, un accident éthique peut en quelques heures, en tout point du monde, compromettre l’image et la réputation d’une entreprise et sérieusement entraver sa dynamique de croissance et sa performance.

A défaut de pouvoir démontrer de façon tangible que les pratiques éthiques de l’entreprise créent de la performance, on constate qu’elles s’avèrent la plupart du temps « payantes ». Ou tout au moins, le coût de leur absence apparaît comme une évidence lorsque l’on pense, par exemple, à la crise de confiance qui secoue les constructeurs automobiles touchés par le « diesel gate »…

La pérennité des entreprises, leur prospérité et leur développement sur la durée passent par la sauvegarde de leur réputation et le respect d’un certain nombre de règles éthiques.

Intégrer de façon proactive l’éthique dans le modèle d’affaire de l’entreprise c’est instaurer un climat de respect et de confiance entre l’entreprise et ses parties prenantes (salariés, clients, fournisseurs, actionnaires). Une démarche qui relève de la responsabilité sociétale de l’entreprise.

Dans ce contexte, l’éthique ne peut plus être considérée comme une mode pour le management. Elle a toute sa place dans le management et en devient une composante indispensable. Un bon manager est aussi un manager éthique.

Quelles en sont les caractéristiques ?

Portrait robot du manager éthique

1. Le manager éthique est exemplaire.

Il incarne les valeurs et porte l’exemplarité à deux niveaux : la sienne et celle de son équipe. Il prend de la hauteur pour être inspiré et inspirer ses collaborateurs. Il sait aussi questionner sa propre exemplarité.

2. Le manager éthique crée de la confiance.

Il instaure un climat de sécurité psychologique, de respect et de bienveillance qui libère la parole. Il sait écouter et mettre les personnes en position de s’exprimer. Equitable, il autorise le droit à l’erreur.

3. Le manager éthique est indépendant.

Ses valeurs personnelles sont fortes, il les affiche avec conviction et ses pratiques au quotidien en découlent.

4. Le manager éthique est courageux.

Responsable de ses actes, il est également responsable de ceux de ses collaborateurs et est concerné par ceux de son entourage. De son courage dépend sa capacité à s’indigner et dénoncer.

5. Le manager éthique est pragmatique.

Il s’implique dans la veille, le traitement des alertes et la résolution de problèmes. Sur le terrain, il entraîne ses collaborateurs à se poser les bonnes questions et trouver les réponses adéquates aux situations délicates auxquelles ils sont confrontés.

6. Le manager éthique est connecté.

Attentif aux remontées du terrain, il évangélise et diffuse les enseignements des problématiques concrètes vécues. Il sait entretenir la relation avec ses pairs et avec les référents indispensables (responsable de l’éthique, DRH…).

Mais les principes vertueux qui guident le manager éthique peuvent être mis à rude épreuve lorsqu’il est confronté à une crise éthique ou à un dilemme éthique qui entre en conflit avec ses valeurs personnelles.

- Quelle posture adopter face aux manquements aux règles d’éthique de l’entreprise ?

- Comment aborder un dilemme éthique ?

- Comment manager sans trahir ses valeurs et son éthique personnelle ?

C’est ce que nous verrons prochainement.

Tags: Bonnes pratiques