De nombreuses études s’intéressent aux baby boomers, voire aux ‘papy boomers’ ; peu d’études sont consacrées aux femmes baby boomers à cette nouvelle étape de leur vie. Les femmes baby boomers notamment sont deux fois plus nombreuses que les hommes à continuer de travailler jusqu’à 65-66 ans. Cette forte présence des femmes baby boomers sur le marché du travail, ajoutée à la charge qu’elles assument par ailleurs, tant au regard des jeunes que des aînés n’est pas sans incidence sur l’organisation du travail. Ainsi, selon la DGEFP, 54 % des accords de branche relatifs à l’emploi des salariés âgés intègrent en fin de carrière, des mesures sur l’aménagement du temps. Vu leur nombre, tout service RH est concerné d’une façon ou d’une autre par cette thématique...


Pour la 1ère fois dans l’histoire, une génération entière de femmes arrive à la retraite.

Pour mémoire, selon l'INED les baby boomers sont la génération issue de l'augmentation de la natalité après 1945, laquelle a duré en France jusqu'au milieu des années 70 ! Les baby boomers les plus âgés sont partis à la retraite en 2005, à 60 ans[1]. L’auteur, Michèle LARCHEZ, elle-même baby boomer vient de publier aux Editions L’harmattan un ouvrage intitulé « Femmes baby boomers : l’autre regard sur la retraite ». Récente titulaire d’un master Politiques du vieillissement et silver économie, (Sciences Po Paris), qu’elle a précisément suivi pour préparer sa retraite, elle a choisi de porter son attention sur cette période de la vie encore nommée - indûment selon elle - « retraite », à laquelle accèdent désormais massivement les femmes baby boomers.

Cette génération est inédite, et en dépit de son engagement massif et nouveau dans un cursus professionnel, continue malgré ce dernier, d’assumer le rôle central informel qui a été traditionnellement dévolu aux femmes au sein de la sphère familiale, autour de la notion de solidarité. Les conditions matérielles et sociales qui l’accompagnent ont, il est vrai, évolué considérablement au cours de la dernière moitié du XXe siècle. Or, peu d’études - quelques-unes au Québec - voire aucune en France au moment où est rédigé cet ouvrage - ne semblent s’intéresser spécifiquement à l’incidence du regard féminin sur cette nouvelle étape, même si des articles, partiels et quelques évènements dédiés tendent à se multiplier récemment. Le sujet est évoqué de façon sporadique, accessoire, ici et là dans quelques études. Ainsi à titre d’exemple, une journée thématique à destination des assureurs et banquiers organisée par Axielles le 21 juin dernier à Paris avait pour intitulé « Les femmes, un enjeu de développement pour l’assurance et les services financiers » et abordait la problématique des clientes baby boomers dans l’une de ses tables rondes. Une thématique ici émergente dans le milieu des banques et assurances notamment.

« Le vieillissement est d’abord et avant tout une question de femmes »

Le rapport de la mission interministérielle sur l’adaptation de la société au vieillissement constate : « Le vieillissement est d’abord et avant tout une question de femmes. Ce sont elles qui aident le plus. Ce sont elles qui vieillissent le plus. Et pourtant, la question de la vieillesse s’invite peu dans les débats féministes »[2]. On pourrait, sans nul doute, ajouter que la question s’invite peu par ailleurs, dans les sujets d’études sociologiques, voire d’études marketing sur les femmes de cette génération vieillissante, pourtant objectivement différente des précédentes et en mesure d’influencer le cours des choses. Un certain nombre d’entre elles paraissent d’ailleurs, être plus à l’aise que les hommes à cette nouvelle étape de la vie. Elles ont de fait, investi d’autres champs que celui de leur activité professionnelle, ce qui rend la rupture sociale que constitue la retraite, moins stigmatisante.

Majoritairement autonomes sur le plan économique, solidaires, les femmes baby boomers pleinement inscrites dans leur temps, constituent un public d’influence par leur choix de consommation et de société ; elles sont actrices à part entière de la société digitale. Elles jouent un rôle majeur dans cette économie informelle, dont elles sont les véritables piliers, tant auprès des moins jeunes que des plus jeunes. Elles sont, par ailleurs, bénévoles engagées notamment dans le social et le culturel, y compris dans le monde politique. Elles assument un double rôle tout à la fois à titre personnel notamment, en tant que consommatrices, et en tant que ‘tiers de confiance’ en particulier pour leurs propres parents. Selon le Rapport Moignard[3], les aidants familiaux sont bien souvent des femmes. Dans 75% des cas d’aide à un parent, l’aidant est une fille. Les femmes représentent ainsi 66 % des aidants familiaux.

Deux fois plus nombreuses que les hommes à continuer de travailler jusqu’à 65-66 ans

Les femmes baby boomers sont par ailleurs, deux fois plus nombreuses que les hommes à continuer de travailler jusqu’à 65-66 ans, en particulier pour compenser une carrière encore parfois incomplète[4]. Elles sont donc actives plus longtemps, tout en étant mères, grand-mères[5] et/ou aidantes. Autant d’éléments qui influent inévitablement sur leur parcours.

Mme Sylvie Brunet, vice-présidente de la Délégation aux droits des femmes du CESE et par ailleurs vice-présidente de l’Association nationale des DRH[6], note les difficultés qui découlent de la hausse du taux d’activité des 55-64 ans, pour des grands-mères en emploi en particulier, pour continuer à aider les enfants actifs. Certaines branches et entreprises ont mis en œuvre des actions en matière d’aménagement de temps et de conciliation. Tel est le cas de Rhodia par exemple et son accord sur le « congé grand parental ». Le fait que de plus en plus d’entreprises prennent des mesures d’aménagement de fin de carrière pour faciliter cette solidarité intergénérationnelle confirme que ceci n’est pas un fait anecdotique.


Le mot « retraite » en décalage total avec la vraie vie des seniors

(Cf. extrait ci-après)

« A en juger par l’état de santé global des Français qui partent massivement à la retraite, la multiplicité et la diversité des projets de beaucoup d’entre eux, le mot réservé par la langue française pour désigner cette période de la vie semble plus que jamais inadapté.

Pour les militaires, « battre en retraite » revient à fuir devant l’adversaire, abandonner la position… Au sens religieux, une retraite conduit à se retirer du monde pour un temps de recueil et de réflexion… On dit également « retraiter quelque chose » au sens de « recycler » un objet destiné à la benne.[…]

L’urgence à forger un autre mot !

Seuls les Espagnols qui nomment leurs retraités « jubilados » semblent inscrire le retraité dans la vie et non en retrait de la vie. Ce mot évoque le mot « jubiler » en français. La « jubilada » est forte de son expérience et de sa nouvelle liberté.

En France, […] les agents de certaines grandes entreprises françaises se voient pour leur part, affublés du terme d’« inactifs » ; ce qui fait sourire, voire horripile, tant le mot est en décalage avec la vie des « retraités » d’aujourd’hui ! »


Un aidant de l’entourage (sur quatre), en charge d’au moins une personne âgée, déclare avoir déjà pris des congés pour assurer ce rôle. Or, les femmes représentent 66 % des aidants familiaux. Ce rôle d’aidant de l’entourage a également suscité ici et là, des aménagements de la vie professionnelle (horaires, lieu de travail, changement de fonction…). A titre d’illustration, Novartis Pharma a ainsi mis en place « le congé de proximologie » qui permet la conversion du treizième mois en un congé payé fractionnable, auquel s’ajoutent onze jours d’absence supplémentaires par semestre.

Seules, divorcées[7], veuves, pour une part non négligeable, les femmes de la génération du baby boom consomment, ont bien sûr, des besoins spécifiques, à titre personnel, mais sont aussi consommatrices, prescriptrices pour ceux qu’elles accompagnent en tant que mères de jeunes adultes étudiants, qu’épouses de maris souvent plus âgés, que grand-mères et en tant que filles de retraités âgés, voire très âgés (également des femmes ‘seules’ par ailleurs). Elles sont ainsi susceptibles de générer des services particuliers et donc des emplois.

Les femmes de la génération du baby boom : un public avec lequel il faudra compter davantage

Les femmes de la génération du baby boom, ne font ainsi que confirmer sans grande surprise, leur trajectoire de défricheuses. Le propos de cet ouvrage est précisément de tenter de mesurer quelle est l’incidence de ce nouveau ‘regard sur l’âge’ sur la silver économie[8].

Si le vieillissement de la société est désormais un fait intégré dans les logiques politiques et économiques, le rôle particulier joué par les femmes de la génération du baby boom dans l’évolution du paysage sociétal semble peu ou très inégalement perçu.

Il y avait urgence à en témoigner.


Pour en savoir plus : « les femmes baby boomers : l’autre regard sur la retraite » - Editions L’Harmattan – décembre 2017 Paris – 119 pages


[1] Les plus jeunes auront 60 ans vers le milieu des années 30

[2] 2013 - présidée par Luc Broussy, président de France Silver Eco et de CNR Santé

[3] Op. cit. p. 21

[4] DGCS – SDFE, Vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes : Thème 3, Inégalités professionnelles, chiffres-clés- édition 2014 - Mars 2014.

[5] 30 % des 55-59 ans sont à la fois « actifs » et « grands-parents »

[6] Rapport Moignard.

[7] Plus de 19 000 seniors divorcent par ailleurs, chaque année en France. Le nombre de divorces des plus de 60 ans a doublé depuis 1985, selon l’INED. Dans 63 % des cas, ce sont les femmes qui demandent le divorce, ce quel que soit l’âge[7].

[8] Pour mémoire, « la Silver économie est l’économie dédiée à l’avancée en âge de nos sociétés. […]La Silver économie n’est pas un « marché » mais une ‘économie’ transversale qui trouve des déclinaisons dans de nombreux marchés » - Cf. http://www.silvereco.fr/silver-economy.

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