Développer la posture de RRH : un grand coup de pied dans la formation pour « comprendre »

Apprendre, pratiquer, comprendre la posture de GRH

Organiser, optimiser, développer, gérer les conditions de l’émergence de comportements favorables à l’organisation, posséder une approche à la fois technicienne et relationnelle, analytique et pragmatique, équitable et garante de la règle, excitant panorama de compétences à posséder pour le Responsables des Ressources Humaines (RRH), responsabilité ô combien cruciale à endosser pour le responsable des formations en gestion des ressources humaines (GRH). Car de ces quatre grands domaines de compétences, qui ne constituent qu’une petite partie de l’étendu des compétences et savoirs que le RRH doit maîtriser pour entrer dans sa fonction, y travailler, et l’incarner, un, deux, voire trois peuvent être compris en sortie de formation, mais aucun totalement maîtrisé.

Voici d’ailleurs bien un verbe délicat à manier quand nous parlons de formation à la GRH, par essence, fonction non maîtrisable car s’intéressant aux hommes. L’exercice de la GRH ne se maîtrise pas, il s’apprend, il se pratique, et surtout, il se comprend, pour faire des décisions RH un réel bénéfice pour les individus et la performance d’une organisation. La GRH doit se comprendre, c’est-à-dire que chaque RRH doit être en mesure de peser ses décisions en fonction des contingences, de son intelligence situationnelle, de sa connaissance théorique du problème soulevé, des hommes impactés, mais également des conséquences de ses décisions à court, moyen et long termes, et de les assumer. Cette compréhension repose sur des capacités accrues d’analyse de données qualitatives et quantitatives, de plus en plus massives, sur des capacités de projection selon une approche multi-niveaux. Cette compréhension suppose enfin une grande connaissance de soi, une grande confiance en soi, pour agir avec neutralité, sans apposer d’interférence personnelle dans ses décisions, et dans leurs explicitations lors des rencontres avec les collaborateurs.

Comprendre la posture : éthique, justice, pouvoir, leadership bienveillant

La fonction RH impacte et demeure influencée par le management, les individus, la stratégie de l’organisation, les contingences et la culture organisationnelle. La fonction est importante, car statutaire, mais sans posture, elle n’est rien. Car le RRH, dans un premier cercle de posture, doit posséder une présence (un leadership), écrire et préserver la règle, agir (avec) et garantir l’équité, la justice, l’éthique et se mettre à l’écoute des collaborateurs. Dans un second cercle, le RRH doit agir avec bienveillance, veiller au partage du pouvoir, et participer au développement du capital humain. Ces deux cercles sont l’essence même de la posture de n’importe quel groupe d’individus souhaitant œuvrer ensemble vers l’atteinte d’un objectif commun, depuis plusieurs millénaires. A l’inverse d’une certaine critique des autres, qui, pour d’aucun, représentent l’enfer, le RRH, doit faire abstraction d’une vision manichéenne des individus et incarner cette posture complexe, avec toutes les imperfections de l’homme qu’il demeure.

Cette incarnation au quotidien vise la compréhension de notions disputées, discutées, critiquées depuis les premières traces de l’écriture, comme l’éthique, la justice, le rapport à la règle ou le pouvoir. Sans faire du RRH l’héritier du Banquet (385 av JC), celui-ci gère des questions d’une responsabilité abyssale pour ne pas être comprises, au sens de se rendre compte de l’importance des choses et les saisir. Chaque année, des questions d’éthique sont soulevées, touchant aux questions de discrimination ou d’harcèlement par exemple. Chaque jour, la notion de justice ressort ébranlée devant la complexité de sa mise en œuvre. Chaque heure, le leadership bienveillant demeure un combat plus difficile à mener devant des comportements déviants. Le RRH doit donc incarner des notions pluriséculaires, dans un environnement orienté vers la performance, dont la mise sur le devant de la scène de la question numérique ajoute une autre complexité à la posture. Et il est si peu formé à cela.

Des formations actuelles inadaptées ?

Quand les premiers directeurs de Fabriques possédaient un socle éducatif baigné par les humanités, l’apprentissage des notions d’éthique, de justice, de bienveillance ou de pouvoir arrive aujourd’hui en fin de parcours de cycles de formation ultra spécialisés en GRH. Proposant moins un apprentissage en tant que tel - il s’agit plus d’une découverte rapide de ces notions – les formations en GRH s’attachent à développer la technicité des impétrants et légèrement leur sens critique, quasi exclusivement à travers la réalisation d’un mémoire. Cet apprentissage est important et nécessaire, mais il oublie le besoin de compréhension de la posture et ses notions associées. Comment mener une stratégie de gestion des talents ou une transformation numérique sans être alerte sur les questions d’éthique ou de justice ? Comment développer une négociation sans comprendre les enjeux de pouvoir, de rapport à la règle ou de bienveillance ?

Les formations en GRH développent les savoirs des individus, qui reconnaissent souvent, ainsi que leurs responsables, une incapacité à se sentir pleinement capables de tenir un rôle de RRH sans un soutien managérial bien présent en sortie d’études. Qu’il s’agisse des formations initiales, en alternance ou continues, il demeure crucial, à l’heure où les individus questionnent chaque jour un peu plus le sens de leurs actions vis-à-vis des différentes cibles organisationnelles et d’eux-mêmes, d’associer le bloc « comprendre » aux côtés des piliers actuels des formations en GRH que sont les « savoirs » et « l’expérience ».

Former les RRH : blended learning, critique, analyse

Trois pistes enchâssées pourraient être suivies au sein des formations en GRH. Premièrement, nous proposons d’adapter les parcours de formation à la GRH en focalisant les trois premières années (L1 à L3) sur l’apprentissage des savoirs fondamentaux, sur la maîtrise des pratiques et techniques de base de la GRH et sur le test répété sur le terrain de ces apprentissages. Les deux dernières années (M1 et M2) seraient ainsi dédiées au développement des capacités critiques et compréhensives des étudiants, par la réalisation d’un mémoire questionnant un problème de GRH, mais également par la rencontre approfondie avec les notions associées aux deux cercles de la posture RH.

Deuxièmement, nous proposons d’adapter les outils et les modes d’apprentissage au sein des formations en GRH, par une (meilleure) utilisation des formations mixtes (blended learning) afin de libérer le formateur de diffuser majoritairement du savoir, au profit d’une diffusion et d’une mise en application de ses (et ces) savoirs avec les étudiants, dans une certaine logique maïeuticienne qui n’a rien de révolutionnaire. Pour aider à développer la compréhension de la posture de RRH, la lecture et la discussion d’ouvrages de premier ordre, leur commentaire et la transposition des problèmes soulevés à des questions organisationnelles permettrait de creuser ces notions.

Enfin, nous proposons de revoir la notion de temporalité associée aux modules d’enseignement, notamment dans les deux dernières années d’études, pour laisser l’opportunité aux étudiants d’expérimenter des débats, des disputes, sur les notions associées à la posture de RRH. Donner plus de temps aux étudiants d’être dans l’action, de se tromper, d’essayer, de remettre en cause, dans l’environnement protégé de la formation, impliquera de revoir les démarches pédagogiques de chacun, mais permettra à tous de se questionner, pour se perdre quelque peu, afin de retrouver plus fort, et donc plus fort pour la performance des organisations.

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