Les sources spéciales du droit dans l'entreprise : Les normes atypiques

Parmi les nombreuses sources professionnelles que sont les accords ou conventions collectives, il existe des sources d'un genre particulier que sont les normes atypiques.

Les normes atypiques, qui tendent à régir les rapports au sein de l’entreprise, peuvent être édictées (règlement intérieur, note de service, circulaire) et ainsi tendre à accorder au salarié des avantages supplémentaires.

Elle peuvent aussi naître de façon informelle par la pratique en entreprise.

La Cour de Cassation les qualifie d’usage d’entreprise ou d’engagement unilatéral de l’employeur.

la Cour de Cassation pose le principe que ces engagements unilatéraux ou ces usages ne font, par essence, pas partie d’un contrat qu’il soit individuel (contrat de travail) ou collectif (accords collectifs).

Il convient donc de mettre clairement en avant le fait que l'on ne peut leur appliquer ni le régime de la modification substantielle du contrat de travail, ni celui de la dénonciation des accords collectifs (la régularité de la dénonciation n’est pas conditionnée à l’obligation d’engager des négociations dans un délai déterminé sous peine d'une nullité de la dénonciation).

Ces sources sont à manier avec précaution : lors d'un transfert d'entreprise, ces sources pourront être remises en cause soit par le respect d'une procédure de dénonciation, soit par la signature d’un accord collectif portant sur le même objet.

Comment de telles sources prennent vie ? Comment y mettre un terme ? Quelles sont les rapports entre ces sources et les accords et conventions collectives ? C'est ainsi qu'il convient de se pencher sur cette source spéciale.

I) Formation et force obligatoire des normes atypiques

A) Les usages d'entreprises (UE) et engagements unilatéraux de l'employeur (EUE)

L'essor de la négociation collective n'as pas empêché la création de normes internes à l'entreprise que sont les normes atypiques : les usages d'entreprise et les engagements unilatéraux de l'employeur.

1) L'usage d’entreprise

C'est une source de droit créer spontanément : il n'existe pas d'accord, ni entre l'employeur et les syndicats représentatifs ou avec les représentants élus du personnel.

L'usage d’entreprise se distingue d'un comportement tolérant de l'employeur. Pour admettre qu'une pratique a donné naissance un usage d’entreprise, cette pratique doit revêtir 3 caractères :

  • Elles doivent être générales : elles doivent bénéficier à l'ensemble du personnel ou une catégorie, même si elle est minoritaire dans l'entreprise.
  • Elles doivent être constantes : l’usage doit être régulièrement périodique. Après, un petit nombre d'application suffisent.
  • Elles doivent être fixes : il faut donc que les règles d'octroi de l'avantage accordé ne varient pas.

2) Les engagements unilatéraux de l’employeur

Cette norme est née de la jurisprudence et désigne 2 catégories de normes :

  • Les normes résultant d'un accord conclu entre l'employeur et des représentants élus du personnel. Mais attention, ce n’est pas une convention ou accord collectif de travail et c'est le cas dans une entreprise ou il existe des délégués syndicaux. En effet, dans un tel cas, l'accord entre employeur et représentant élus n'aura pas valeur de convention collective mais sera un engagement unilatéral de ce dernier.
  • Lorsque l'employeur décide de prendre seul des mesures à l'égard de la collectivité du personnel. La Cour de cassation s'efforça de mettre en avant la faculté de l'employeur d'user d'un pouvoir normatif qui lui est propre, en dehors du cas ou un règlement intérieur est fondé. L'employeur via une telle norme pour la Cour de cassation, « s'engage » avec les salariés et ce, qu'importe le caractère variable de l'avantage accordé.

Ces deux normes atypiques que sont l'usage d’entreprise et l'engagement unilatéral de l’employeur ont un point commun : régir la condition des salariés. Par conséquent, les salariés peuvent se prévaloir des avantages issus d'une de ces deux normes. Il faut malgré tout préciser les rapports entre normes atypiques et convention collectives.

B) Les rapports entre les normes atypiques et la convention collective

Selon la Cour de cassation, un usage d’entreprise, comme un engagement unilatéral de l’employeur qui serait entré en vigueur postérieurement à une convention collective ne peuvent comporter des dispositions moins favorables aux salariés que celles issues de la convention collective.

Dans l'hypothèse distincte ou, une convention collective, ayant le même objet qu’un usage d’entreprise ou d’un engagement unilatéral de l’employeur, serait en vigueur postérieurement a ces deux normes, la Cour de cassation considère que cette convention a pour effet de mettre fin à l'usage ou l'engagement.

L'employeur peut ainsi ne plus appliquer ces normes sans avoir besoin de dénoncer une de ces normes. Le principe de faveur ne s’applique nullement, ces normes sont naturellement caduques. Cet effet se produit même si la convention collective contient des dispositions moins favorables aux salariés.

C) Les effets des normes atypiques

Au regard des salariés : Le contrat de travail ne peut contenir des stipulations moins favorables aux salariés que l'usage d’entreprise et l'engagement unilatéral de l’employeur. En revanche, des normes issus d'un usage ou d'un engagement ne saurait s'imposer à un salarié si son contrat de travail contient une stipulation moins favorable ou contraire.

Il faut aussi savoir que, indépendamment de toute référence au contrat de travail, la Cour de cassation écarte l'opposabilité d'une norme atypique aux salariés quand cette norme fait peser une obligation nouvelle sur les salariés.

Au cours d'un transfert d'entreprise : la Cour de cassation, le 23 Septembre et le 16 Décembre 1992 a établi qu'un usage ou en engagement qui était en vigueur dans l'entreprise transféré est opposable au nouvel employeur qui accueille les salariés transférés.

Par conséquent, si le nouvel employeur entend mettre fin à l'usage ou l'engagement, il devra mettre en place une procédure de dénonciation. Il est donc possible qu’une norme atypique s’applique a côté de celle d'une convention collective, déjà en vigueur dans l’entreprise accueillant les salariés en cas de transfert. Une dénonciation de l’usage ou de l’engagement est possible.

Il n y’a aucune loi pour qui fonde cela. La Cour de cassation perçoit les usages d’entreprise et les engagements unilatéraux de l’employeur comme des éléments de l'entreprise. Donc, dès le moment ou un transfert d'entreprise se produit, les éléments liés à l'entreprise transféré doivent aussi être transféré.

II) La dénonciation par l'employeur des normes atypiques

A) Les conditions de la dénonciation

Il faut savoir que, ni un usage d’entreprise, ni un engagement unilatéral de l’employeur ne sont soumis aux règles de dénonciation des conventions collectives.

En revanche, la jurisprudence s'inspire de ses règles pour modeler le régime.

Premièrement, la dénonciation n'est pas soumise à un délai de préavis de 3 mois. La Cour de cassation en revanche fait en sorte que l'employeur souhaitant dénoncer une norme atypique se doit d’observer un délai de préavis suffisant, apprécier souverainement par les juges du fond. Ainsi, il y’aura une négociation sur les divers points de l’usage ou de l’engagement.

Aussi, la Cour de cassation exige que la dénonciation d'une norme atypique ait été notifié, aussi bien aux institutions représentatives du personnel qu'aux salariés pris individuellement.

A propos des salariés pris individuellement, la Cour de cassation, le 13 Octobre 2010, à propos de la dénonciation d'un usage d’entreprise, dit que cette dernière doit être notifiée individuellement a tous les salariés « susceptible de bénéficier » de l'avantage issu de cette norme atypique. Ici, l'avantage en question découlait d'une prime d'ancienneté. Donc, l'employeur devait notifiée la dénonciation aux salariés entrant dans les conditions d'ancienneté d'obtention de la prime, mais aussi aux salariés qui pourrait être susceptible de bénéficier de cet avantage dans les années à venir.

Il faut aussi savoir que, cette dénonciation n'a pas à être motivée, mais ne doit pas être basé sur un motif illicite, sinon la dénonciation sera entachée de nullité : dénoncer un usage d’entreprise pour faire échec à l'exercice normal du droit du grève constitue un motif illicite de dénonciation (13 Février 1996).

B) Les incidences de la dénonciation

1) En cas de dénonciation irrégulière

La dénonciation d'une norme atypique qui ne respecterait pas les conditions précédemment dites est illicite. Les salariés auront donc le droit de réclamer l'avantage née de la norme atypique jusqu'à que l'employeur dénonce la norme atypique, ou bien jusqu'à la conclusion d'un accord d'entreprise ayant le même objet que la norme atypique.

Si le salarié refuse la suppression d'un avantage d'une norme atypique qui a été dénoncer irrégulièrement, et qu'il est licencié, le licenciement sera sans cause réelle et sérieuse.

2) En cas de dénonciation régulière

La Cour de cassation a opéré un tournant via l'arrêt Deschamps du 25 Février 1988.

Cet arrêt nous informe que la dénonciation de la norme atypique est opposable à tous les salariés concernés.

Une décision du 13 Février 1996 parachève tout cela. La Cour de cassation affirme aujourd'hui, sans ambiguïté, que l'avantage issu d'une norme atypique n'est pas incorporé au contrat de travail et que la dénonciation de la norme atypique n'emporte aucunes modifications de ces contrats.

Cette solution traduit d'un éclat particulier un mouvement jurisprudentiel d'unification des effets attachés aux normes collectifs, qu'il s'agisse d'un accord collectif, d’une convention collective ou une norme atypique. Le principe de non incorporation au contrat de travail des avantages issu d'une convention collective est étendu aux avantages issus des normes atypiques.

Par conséquent, le salarié ne peut faire valoir si on dénonce une de ses normes que son contrat fait l’objet d’une modification : il sera licencié pour faute en cas de refus.

Cependant, il existe deux circonstances ou la dénonciation ne créera pas une non incorporation de ces normes aux contrats de travail.

La première circonstance vient de l'arrêt du 20 Octobre 1998, dit arrêt Courselle. Au sein d’une entreprise, la rémunération des salariés était fixée uniquement par un usage d'entreprise. Il n’existait aucun contrat de travail, ni convention collective. Dans un tel cas, la dénonciation de l’usage ou d’un engagement ne permet pas, par la suite, à l'employeur de fixer unilatéralement le salaire.

Aux yeux de la Cour de cassation, le salaire doit découler d'un accord contractuel entre l'employeur et le salarié, accord contractuel a défaut duquel il appartiendra aux juges de se prononcer. Il faut savoir qu’une telle solution ne remet pas en cause la non incorporation des normes atypiques aux contrats de travail

La Cour de cassation est ainsi guidée par la nécessité de priver l'employeur du pouvoir d’imposer un salaire inférieur au précédent, alors que le précédent ne venait que d'un usage d'entreprise.

Dans l'hypothèse donc ou, un élément de la rémunération résulterait d'un usage d’entreprise ou d’un engagement unilatéral de l’employeur, la dénonciation de la norme atypique emportera la disparition de l'avantage. En effet, aux yeux de la Cour de cassation, on reviendrait au principe de non incorporation des normes atypiques aux contrats de travail

La deuxième circonstance porte sur le cas où les avantages issus des normes atypiques auraient été contractualisé en raison de la volonté des parties au contrat de travail

Comment détecter l'intention des parties au contrat de contractualiser les avantages d'une norme atypique ? Premièrement, la Cour de cassation considère que la remise à un salarié, lors de son embauche, d'un document mentionnant les engagements unilatéraux de l'employeur dans l'entreprise ou les usages d’entreprise en vigueur n’a pas pour effet de contractualiser les normes atypiques.

Ensuite, la contractualisation n'est pas vraiment acquise lorsque le contrat de travail ne fait qu’une allusion à la norme atypique. En effet, l'allusion peut s'interpréter comme une simple information et non la volonté de contractualiser.

En revanche, la contractualisation apparaît probable quand un tel avantage précis provenant d'une norme atypique est repris dans une clause expresse du contrat de travail, ou bien est ajouté au contrat de travail. La contractualisation paraît ici claire et acquise.

De manière plus surprenante, la Cour de cassation, le 5 Octobre 1999, considère que l'on peut contractualiser une norme atypique dans l'hypothèse où une note de l'employeur sollicitait l'accord ou le refus des salariés lorsqu’il envisageait la suppression d'un avantage issu d'un engagement unilatéral. La Cour de cassation estima que, la sollicitation de l'employeur confirmait la contractualisation de l'engagement. En effet, il ne solliciterait pas par hasard les salariés et, en soi, il reconnait qu'il ne pouvait y toucher sans accord des salariés.

Malgré tout, la Cour de cassation a remis cela en cause le 16 Novembre 2005 : la sollicitation des salariés pour connaître de leur réaction si l’employeur venait à dénoncer une norme atypique n'entraine pas un changement de la nature de la norme atypique et donc, n'est pas contractualiser. Elle ne sera pas incorporée au contrat de travail.

Une question est soulevée à propos de la dénonciation des normes atypique, mais aussi de toutes les normes collectives : Peut-on admettre que la cessation des effets d'une norme collective emporte sur la situation des salariés des conséquences différentes que celles qui se produisent lors de la modification de leur contrat de travail ? Quand, pour une personne, un avantage vient d'une norme atypique dont le salarié ignorait la nature, la perte de l'avantage détruit l'avantage dont il bénéficiait. Il ne pourra pas refuser la suppression. Au contraire, s’il vient d'une autre source, il pourrait s'y opposer !

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