Chacun de nous, un jour ou l'autre, a recours à la formation dans le cadre professionnel.

Par envie ou par nécessité, par choix personnel ou par obligation. Parce que les RH de l'entreprise nous l'ont imposé ou parce que notre hiérarchie nous l'a demandé, nous sommes allés suivre une formation.

Il est curieux de constater à quel point, cette démarche, qui fait partie depuis des décennies des pratiques courantes dans la vie des entreprises, est vécue différemment d'un individu à l'autre, d'un séminaire à l'autre.

Bien sûr, la manière dont est présentée la démarche compte beaucoup dans l'implication qu'on mettra dans l'adhésion à une formation.

Quand on est formateur (ce qui est, notamment, mon cas!) on est très habitué à entendre, lors du premier tour de table rituel au cours duquel chacun se présente et fait notamment part de ses attentes, des velléités très variées.

Vos attentes ?

Certains n'hésitent pas et avouent très franchement qu'ils ne sont pas très contents d'être là. On leur a mis la pression, on ne leur a pas demandé leur avis. Alors, le formateur n'a qu'à bien se tenir... D'autres estiment également qu'ils n'ont pas choisi le thème de la formation, ni même le calendrier. Et de rajouter que « ça tombe particulièrement mal », compte tenu de tout ce qu'ils ont à gérer au bureau au même moment...

D'autres encore ont le sentiment que cette formation, ils l'ont déjà suivie... Un stage, un séminaire qui traitait à peu près des mêmes thèmes, avec le sentiment qu'on va peut-être perdre son temps, parce qu'on sait déjà tout ça...

Ce moment, où chacun exprime ce qu'il ressent au démarrage de la prestation est particulièrement important. Il ne doit pas être négligé même si parfois parce qu'on sait que le timing est serré, on a tendance à en faire une simple formalité. Que disent tous ces professionnels au travers de leurs réserves vis-à-vis de leur présence dans la salle ? Ils (elles) nous disent tout simplement ne pas avoir été écouté(e)s au préalable. D'où la nécessité pour le formateur d'y remédier, même si ce n'est pas forcément agréable d'entendre des personnes présentes mécontentes avant même que le programme n'ait commencé !

Je sais déjà...

Mais un formateur digne de ce nom doit aussi être conscient d'un paramètre fondamental : un adulte arrive quasiment toujours en formation avec le sentiment qu'il sait déjà. C'est la particularité de l'apprentissage auprès d'un public adulte. Un enfant sait pertinemment qu'il a beaucoup à apprendre. Il sait que l'enseignant est dépositaire d'un savoir et qu'il est là pour le lui inculquer, un terme fort qu'on pourrait traduire par le fait d'imprimer durablement des éléments de connaissance dans l'esprit de quelqu'un par le biais de la répétition. Ce pourrait être finalement la définition de la pédagogie.

Peut-on faire de la pédagogie avec des adultes ? Ma réponse est non ! D'ailleurs, pédagogie signifie étymologiquement « conduire (du grec gogia) l'enfant » (du grec paidos). Dans la Grèce antique, dans les familles aristocratiques, un serviteur est chargé de conduire l'enfant à l'école. Ce serviteur, qui, il faut bien le reconnaître n'est autre qu'un esclave, va au cours des siècles gagner un rôle de plus en plus important pour devenir le pédagogue moderne qu'on connait, soit l'enseignant.

Faire de la pédagogie, c'est donc bel et bien s'adresser à des enfants... Allez donc considérer dans une salle de formation des adultes comme des enfants... Vous verrez vite le résultat !

En l'occurence, si beaucoup de professionnel(le)s rechignent à retourner en formation, c'est souvent précisément parce qu'ils ont vécu de mauvaises expériences... Ils retiennent de ces formations inintéressantes, qu'elles étaient trop « scolaires », trop théoriques, trop loin de leur préoccupations professionnelles, pas assez applicables dans leur quotidien... Ce ne sont pas des problématiques que se pose un enfant. Un adulte, si.

Pour être sûr de réconcilier l'adulte avec la formation, il faut lui proposer non pas de la pédagogie mais de « l'andragogie », autrement dit l'art d'enseigner aux adultes.

Cela signifie très clairement une autre approche. Et surtout de respecter quelques règles simples :

1) Montrer à l'adulte qu'il ne sait pas (ou qu'il ne sait pas faire)

L'adulte pense tout savoir. Il faut, notamment par des activités heuristiques, lui faire découvrir qu'il ne sait pas. Une fois qu'il a conscience qu'il ne sait pas, son esprit va s'ouvrir et il va avoir envie d'apprendre.

2) Motiver l'adulte. L'envie d'apprendre.

Un adulte n'adhère à une formation que s'il est motivé. Et comme évoqué précédemment, puisqu'il n'arrive pas dans la salle forcément convaincu, c'est au formateur, par sa technique, par sa personnalité, par l'originalité de son programme de le « convertir », de le motiver.

3) Offrir à l'adulte des séquences pratiques

L'adulte est en attente d'exercices concrets. Il est sensible à des activités pragmatiques.

La théorie le lasse rapidement. Des activités concrètes et variées sont nécessaires pour maintenir sa motivation et son envie d'apprendre.

4) Re-situer l'adulte dans son contexte professionnel

Même si l'adulte est le premier à dire (parfois !) que la Formation a le mérite de constituer une bouffée d'air dans son quotidien professionnel, il cherche constamment à trouver des liens entre ce qui se passe en salle et dans sa réalité de tous les jours. Pour l'adulte, une bonne formation est souvent une formation dont les apprentissages sont immédiatement transférables dans son quotidien professionnel.

5) Fournir à l'adulte du confort et une ambiance

C'est le premier élément auquel l'adulte est sensible. Le cadre de la formation.

Mettez des enfants assis parterre en tailleur ! Cela ne les empêchera pas d'apprendre. Les adultes, en revanche, sont beaucoup plus exigeants. Ils sont sensibles à l'aménagement de la salle, à l'espace dont ils disposent, à la lumière, et même à la présence de bouteilles d'eau !

Ils ont envie d'une ambiance agréable voire décontractée. Bref, de ne pas se sentir... à l'école !

6) S'adresser à l'adulte mais aussi au groupe

La dynamique des groupes est essentielle en formation. Lorsque le formateur s'exprime, il s'adresse à la fois à l'ensemble du groupe et à chacun. Toute la subtilité réside dans la personnalisation des échanges ; chaque adulte a envie d'être pris en considération à part entière. Et pourtant, le formateur passe le plus clair de son temps à parler à tous d'une seule voix. D'où la nécessité d'alterner des messages généraux et des commentaires plus individuels afin de satisfaire à la fois l'individu et le groupe.

On comprend aisément, après ces quelques lignes et ces quelques principes, qu'une formation ne répondant pas aux spécificités liées au mode d'apprentissage des adultes puisse déplaire à ces derniers et pourquoi ils auront d'autant plus de mal à aborder les suivantes...

Il faut l'avouer. Nous en avons tous et toutes connu des formations où rien ne semble adapter à notre situation, des formations où l'on regarde sa montre, où l'on est tenté, malgré la consigne, de regarder son portable pour fuir un moment présent qui ne parvient pas à nous concerner...

Heureusement, tous le formateurs ne s'improvisent pas animateurs de formation ! Certains ont bien compris que s'ils veulent obtenir à terme des stagiaires enrichis et satisfaits (et des évaluations positives!) il ne leur faudra pas se contenter d'être des « enseignants », aussi sympathiques soient-ils, mais des professionnels de la Formation connaissant parfaitement les mécanismes d'apprentissage de l'adulte et bien sûr les techniques de gestion des groupe.

Continuer à professionnaliser les formateurs est fondamental, si l'on ne veut pas que le trop entendu « j'veux pas aller à l'école » de l'enfant ne se convertisse à l'âge adulte en « j'veux pas aller en formation » !