Attirer, mobiliser et retenir les meilleurs talents, une question de survie
Si vous voulez que votre entreprise perdure et se démarque dans le contexte économique actuel, elle doit pouvoir compter sur les meilleurs talents[1]. Pour ce faire, vous devez prendre conscience de la métamorphose du marché du travail. Puis, il est impératif d’évaluer et de réorienter votre stratégie de gestion des ressources humaines en conséquence.
La mondialisation des marchés ajoutée aux accords de libre-échange entre de plus en plus de pays et aux développements technologiques fulgurants, comme le commerce électronique, font que pour toute entreprise assurer sa survie est devenue une priorité de plus en plus pressante et constante. Cela passe par sa capacité à s’adapter (traduire les changements dans l’environnement en stratégie d’action), à innover (développer de nouvelles opportunités et des solutions inédites) et à performer (minimiser les coûts et maximiser la satisfaction de sa clientèle). C’est donc dire qu’essentiellement cela repose sur les talents qu’elle peut aligner. Plus que jamais, elle doit être en mesure de les attirer, d’assurer leur engagement[2] et, surtout, de les retenir.
Un marché du travail nettement favorable aux talents milléniaux
Les caractéristiques du marché du travail ont radicalement changé au cours de la dernière décennie. Premièrement, le taux d’emploi dans la plupart des économies développées a atteint des sommets inégalés depuis la crise économique de 2008. On frise souvent le plein-emploi, ce qui créer une rareté générale de main-d’œuvre dans bien des secteurs d’activité. D’après les prévisions, cela ne devrait pas changer au cours des prochaines années.
Deuxièmement, nous sommes maintenant dans l’économie du savoir, la GIG economy. L’omniprésence des nouvelles technologies fait que les emplois continuent à changer profondément. En fait, beaucoup de métiers sont automatisés et remplacés par d’autres, exigeants plus de compétences spécifiques et de créativité. Cela ajoute au rapport de force favorisant les talents dans le marché du travail.
Troisièmement, la mobilité de la main-d’œuvre, surtout spécialisée, n’a jamais été aussi grande, s’étendant même à l’internationale. En effet, avec les accords économiques et commerciaux entre un nombre grandissant de pays, les diplômes et qualifications sont maintenant souvent automatiquement reconnus et les emplois accessibles d’un pays à l’autre. Qu’il suffise de citer comme exemple l’Union Européenne ou l’ALÉNA en Amérique. Par conséquent, la concurrence pour attirer et retenir les meilleurs talents s’est elle aussi mondialisée.
Quatrièmement, les baby-boomers qui constituaient l’essentiel de la main-d’œuvre, surtout chez les gestionnaires, quittent maintenant pour la retraite. Aux États-Unis, on avance le chiffre de 10 000 par jour. Cela crée une pression à la hausse sans précédent sur la demande de talents.
Cinquièmement, la population active se recompose avec des milléniaux, enfants des baby-boomers nés dans les années 1980-1990. D’entrée de jeu, ils sont moins nombreux, réduisant ainsi l’offre de talents. De plus, ils n’ont absolument pas la même perception du travail.
Ce que vous devez absolument savoir sur les milléniaux
Les milléniaux choisissent leur emploi selon leurs intérêts et compétences plutôt qu’en fonction du salaire ou autres avantages. Ils exigent un travail où ils s’épanouissent et, contrairement à leurs aînés, ont très peu de réticences à changer d’emploi. En fait, ces jeunes travailleurs mettent leur potentiel au service de l’entreprise qui leur offre les meilleures conditions pour concrétiser leur passion et se réaliser.
Ils veulent du concret au quotidien. Ils ont besoin d’être écoutés, de participer à l’innovation, de connaître et souscrire aux orientations de l’entreprise. Non seulement ils tiennent à savoir le pourquoi de leur travail, mais veulent être convaincus qu’il est essentiel et apprécié. Pour eux, collaboration et partage d’information sont des valeurs très importantes.
Relativement à la supervision, elle doit être simple, avec peu d’intermédiaires et la technologie y jouer un rôle de facilitateur. Leurs patrons sont accessibles, efficaces, rapides à donner des suivis et les considèrent comme des partenaires d’affaires. Ce sont des leaders, des coachs, des catalyseurs, des développeurs du potentiel humain. Ils échangent constamment avec le personnel, au fur et à mesure que les dossiers évoluent. Bien sûr, ils valorisent le travail d’équipe et l’évaluation de la performance en continu, en fonction des projets, plutôt qu’annuellement.
Vient alors la question, est-ce que mon entreprise est en mesure de composer avec ces différents éléments pour attirer, susciter l’engagement et retenir les talents dont elle a absolument besoin pour non seulement survivre, mais assurer sa croissance? Il est alors essentiel d’évaluer sa stratégie de gestion de ressources humaines et de ne pas hésiter à la réorienter.
Une Gestion des ressources humaines qui donne du sens au travail
D’un côté, il y a deux bonnes nouvelles. Premièrement, la façon de répondre précisément à toutes les attentes des milléniaux est connue. Il s’agit de s’assurer que sa stratégie de gestion des ressources humaines vise essentiellement à donner du sens au travail de chaque talent. Deuxièmement, la marche à suivre pour le faire est bien documentée et éprouvée.
Mais, de l’autre côté, il y a aussi deux moins bonnes nouvelles. Premièrement, peu d’entreprises ont implanté cette stratégie de gestion des ressources humaines. Deuxièmement, puisqu’un changement de culture est nécessaire, réussir à donner du sens au travail demande du temps, beaucoup de temps et énormément de détermination. Il faut y croire vraiment, passionnément.
Comme le dit si bien Simone Weil, ce qui montre que le travail a un sens pour nous, c’est le plaisir que l’on en retire, un plaisir dont on ne se lasse jamais. En fait, le travail est central dans la réalisation de l’être humain. C’est avant tout une activité par laquelle une personne se définit, s’insère dans la société, actualise son potentiel et crée de la valeur, ce qui lui donne en retour un sentiment d’accomplissement, voire un but à sa vie. Il participe indéniablement à la construction identitaire, surtout par la reconnaissance des autres. C’est pour ce faire que le travail doit avoir un sens. C’est d’ailleurs ce qui amène le célèbre neuropsychiatre Boris Cyrulnik à constater que « La perte de motivation n’est jamais due à la pénibilité, mais à la fatigue psychique provoquée par l’absence de sens dans ce que l’on fait »
Pas facile à définir le sens du travail
Le sens du travail est une notion complexe, subjective et, surtout, propre à chacun. En effet, c’est la signification qu’une personne donne à son travail, la valeur qu’elle lui attribue ou la représentation qu’elle en a. Par conséquent, la subjectivité et la personnalité individuelle sont omniprésentes dans la détermination du sens. C’est une réalité idiosyncrasique.
Dès lors, il faut réaliser que le sens ne se donne pas, il émerge des événements et des relations que la personne entretient avec les autres. Comme le souligne Hegel, l’être humain est d’abord relation et c’est dans la relation qu’il existe.
La quête de sens implique un désir de cohérence entre ce qu’une personne souhaite comme caractéristiques de son travail et celles qu’elle perçoit dans celui accompli. L’être humain est constamment à la recherche de sens, ce qui implique qu’il ambitionne en avoir toujours plus.
Un travail qui a du sens, c’est quoi alors?
Quoi de mieux que de demander à des talents quelles sont les caractéristiques d’un travail qui a du sens pour eux? Le tableau ci-dessous montre ce qui en ressort.
CARACTÉRISTIQUES D’UN TRAVAIL QUI A DU SENS
Voilà ce qui peut servir de grille pour évaluer votre stratégie de gestion des ressources humaines. Cette dernière vous permet-elle d’offrir des emplois qui répondent à ces caractéristiques?
En fait, votre gestion des ressources humaines doit offrir une expérience-talent
Pour offrir des emplois qui ont du sens, il est crucial de tabler sur l’expérience-talent comme cela a été fait pour la stratégie marketing avec l’expérience-client. Dans ce dernier cas, il s’agit de créer un moment d’échange unique, mémorable et symbolique entre le consommateur et le fournisseur, qui suscite des sentiments et des émotions au client avant, pendant et après l’achat. Transposer à l’expérience-talent, cela veut dire créer un milieu d’échange unique, mémorable et symbolique au sein de votre force de travail, qui suscite chez un talent des sentiments et des émotions positives l’attirant, l’incitant à s’engager et à rester à l’emploi de votre entreprise.
Pour ce faire, votre gestion des ressources humaines doit notamment présenter cinq attributs :
- Communication abondante
Nécessaire pour que chaque talent comprenne l’impact de son travail dans la réalisation de la stratégie globale de l’entreprise (vision)
- Management stimulant et valorisant, actualisant le meilleur de chacun
Un talent qui s’engage est celui qui se sent considéré comme une richesse plutôt que comme une ressource
- Présence d’espaces de dialogue
Essentiel pour développer le sentiment d’intégration chez chaque talent
- Cohérence entre la stratégie de l’entreprise (vision) et la gestion quotidienne des talents
- Culture de la reconnaissance
L’ensemble de nos rapports à autrui est traversé par des attentes de reconnaissance.
L’image positive que peut avoir un talent de lui-même dépend du regard des autres à son endroit.
L’expérience-talent repose aussi sur des dirigeants et des gestionnaires catalyseurs
Une stratégie de gestion des ressources humaines visant à donner du sens au travail requiert des dirigeants et des gestionnaires qui :
- Clarifient les attentes et donnent des orientations claires, cohérentes avec la raison d’être de l’organisation (vision).
- Ont le courage de fixer des règles de bonne conduite, entraînant tout un chacun à se respecter et à tenir ses engagements.
- Privilégient les valeurs de coopération et de communauté plutôt que de compétition et d’individualisme.
Les uns les autres sont incités à s’entraider, en donnant l’exemple.
- Permettent à chaque talent d’exercer ses compétences et son jugement, de faire preuve de créativité et d’avoir voix au chapitre quant aux décisions qui le concernent.
- Assurent de la reconnaissance à chaque talent
Chacun connaît l’évolution de sa performance et est aidé à l’améliorer.
Ce contexte explique que l’expertise du contenu ne doit plus constituer le principal critère de sélection d’un cadre, mais plutôt sa capacité à être un catalyseur, à travailler en équipe et à faire que ça fonctionne.
Pour aller plus loin :
Prise de décision : Les problèmes organisationnels : formulation et résolution
Gestion du changement : Réussir le changement : Mobiliser et supporter le personnel
[1] Personne ayant une aptitude particulière dans un domaine spécifique
[2] Au sens de la métaphore du petit-déjeuner oeufs-bacon, où la poule s’implique, alors que le cochon s’engage. L’engagement ne permet pas le retour en arrière.
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