Diriger seul une entreprise, c’est bien, mais la diriger à deux peut être bien plus efficace. Il faut pour cela bien choisir son associé, fixer et respecter les règles du jeu. Parfois ça casse, mais quand ça passe, l’entreprise peut avancer à pas de géant.


Sans aller jusqu’aux success stories de la Silicon Valley, avec leur gloire et parfois leurs psychodrames, les belles histoires d’entreprenariat s’écrivent parfois à deux. Loin du stéréotype du chef d’entreprise tout puissant qui sait tout mieux que tout le monde, de nombreux entrepreneurs ont fait le choix de partager le pouvoir au sein de leur équipe. Chacun ses compétences, chacun son pré carré, et les couples ainsi formés peuvent regarder loin devant.

Tout commence par le début

Cela ressemblerait presque à une lapalissade : tout commence par le début de l’histoire. Il faut d’abord trouver le bon associé, deux amis proches ou deux camarades d’école souhaitant s’associer pour fonder une entreprise ne formant pas toujours le meilleur attelage. Dans le cas d’un mariage, la loi a prévu les contrats pour protéger les deux époux dans les périodes difficiles. Dans le cas d’une entreprise, l’équilibre à préserver finalement plus complexe que cela.

Il faut donc pouvoir tester la compatibilité avec la personne avec laquelle on souhaite s’engager professionnellement. Une fois ce choix fait, les deux associés doivent opter pour les statuts adéquats de l’entreprise (SARL, SAS…), décider des termes du pacte d’associés, trancher l’épineuse question des revenus de chacun. Ensuite entrent en jeu des qualités purement humaines : les deux partenaires doivent tout faire pour préserver leur vivre ensemble, ils doivent apprendre à négocier et à s’exprimer quand l’un se sent flouer par l’autre. Et, dans le pire des scénarii – car il n’existe aucun cas de risque zéro –, ils doivent savoir se séparer sans trop de casse. « Dans la moitié des créations d’entreprises, la dispute entre les partenaires de départ entraîne l’échec du projet », constate Benoît Galy, co-auteur avec Sophie Baqué d’un petit guide à succès, Bien s’associer pour mieux entreprendre, chez Leduc.s Editions. « Il arrive souvent que les gens s’associent car ils ont envie de partager une aventure. C’est bien... à condition qu’ils aient envie de partager la même aventure ! souligne avec malice M. Galy, également fondateur et dirigeant d’un site web d’annonces immobilières green-acres.com. L’idéal est de s’associer avec des gens avec qui on a l’habitude de travailler, pour éviter les mauvaises surprises. On peut également rechercher un profil clairement identifié doté de compétences préalablement définies et qui, si possible, a déjà fait ses preuves. Le “bon associé” est celui qui répond à un besoin et avec lequel on peut travailler au quotidien. »

Comme en amour, il faut aussi avoir la flamme, le feu sacré, avant de lier son destin à celui d’un autre. Cette fameuse flamme, cette ambition de réussir, et cette foi dans le projet commun. Il faut avoir pleinement confiance en l’autre, se réjouir de son succès et éviter d’entrer en compétition avec lui. Il faut savoir faire primer les décisions collégiales et privilégier une totale transparence dans les comptes. Il faut donc établir les règles du jeu dès le départ, ce qui évitera bien des écueils par la suite.

La complémentarité, la clé du succès

Les exemples de succès planétaires de co-direction font toujours saliver les jeunes entrepreneurs. Au Japon par exemple, le duo à la tête de Sony est formé d’un physicien et inventeur de génie, Akio Morita, et d’un industriel, Masaru Ibuka. L’un sans l’autre n’aurait jamais pu atteindre le dixième de ce qu’ils ont accompli ensemble. Thierry Grange, dirigeant de la Fondation européenne pour le développement du management, et spécialiste des grandes écoles de commerce françaises, est catégorique sur ce point : « Pour qu’un tandem fonctionne, il faut que chacun soit bon dans des domaines différents. » Un créatif a besoin d’un spécialiste financier, idem pour un ingénieur et un commercial, et vice versa… La recette est toujours la même : réussir à deux oui, mais en conjuguant les compétences.

Toutes les entreprises, même si elles n’ont pas la même emprise internationale que Sony, obéissent aux mêmes règles. En France, c’est le cas par exemple dans le monde de la promotion immobilière avec la société Interconstruction. A la tête de l’entreprise, deux hommes : son président-directeur général Marc Villand et son directeur général Gilles Imbert. Le tandem marche main dans la main depuis que Marc Villand a repris l’entreprise située à Boulogne-Billancourt en 2003. Depuis le début de leur aventure, Marc Villand a endossé le rôle de locomotive commerciale et assume le développement ainsi que la relation avec les élus. Le directeur général, Gilles Imbert lui, a pris en charge la gestion opérationnelle pure, le management de la qualité et les relations avec les partenaires financiers et entreprises. Chacun son territoire, chacun peut avancer grâce à la qualité du travail de l’autre. Sans cela, leur société Interconstruction ne se serait jamais développée ces dix dernières années comme elle l’a fait.

Les exemples sont nombreux, et également valables quand des personnes d’une même fratrie associent leur envie et leurs compétences. A Dijon, une célèbre entreprise locale de spiritueux, la Maison Briottet, a vu sa pérennité assurée quand Claire et Vincent – frère et sœur – ont repris le flambeau ensemble au moment où leur père a passé la main. « Nous sommes très attachés à nos produits, à notre entreprise, expliquent-ils de concert. Nous avons toujours baigné dedans. » Mais la reprise d’une entreprise familiale par un tandem, même s’il s’agit de la sixième génération, ne peut pas être automatiquement couronnée de succès. L’ingrédient incontournable : la complémentarité des deux jeunes entrepreneurs âgés de 33 et 35 ans. A Claire Briottet le commercial, le marketing et l’administratif. A Vincent Briottet la production, l’approvisionnement en matière première et la qualité du produit final qui a fait la réputation de l’entreprise. Dans le cas de la Maison Briottet comme dans celui d’Interconstruction, la recette est la même : associer deux personnalités, c’est associer deux compétences, deux volontés d’aller dans le même sens, pour établir la meilleure stratégie commune.

Ce qu’il faut éviter (à tout prix)

Ce qu’il faut éviter donc, en priorité, est d’empiler des compétences identiques. C’est inutile et souvent destructeur, comme cela l’a été pour un cabinet de recrutement spécialisé, Alterna Management, après deux années d’exercice à Sceaux dans les Hauts-de-Seine. En cause : les profils similaires des deux fondatrices, toutes les deux spécialistes des ressources humaines alors qu’il aurait fallu que l’une des deux s’orientent davantage vers le développement commercial. Si un savoir-faire n’est pas vendu, il ne sert à rien.

Mais il y a pire erreur à commettre. La plus grande, que certains entrepreneurs commettent comme des jeunes mariés pour qui tout est rose, est de considérer que tout sera toujours parfait dans le meilleur des mondes. Et donc qu’il est logique que chacun possède 50% des parts de la société. Impensable donc, lors de la création de l’entreprise, que l’un des deux partenaires détienne 51%. Selon l’avocat Me Sylvain de Chaumont, « le risque tient au fait que, dans une entreprise, certaines décisions doivent être prises par les associés réunis en assemblée générale. En assemblée générale, les décisions se prennent à la majorité. Dans une société où vous avez deux associés à 50-50, toutes les décisions doivent être adoptées à l’unanimité. Les deux doivent être d’accord. En cas de désaccord, personne n’ayant plus de 50% des parts et donc des droits de vote, les décisions importantes sont bloquées. » Ces décisions importantes – comme la réduction de capital ou le changement de nom de la société – impliquent l’avenir même de l’entreprise ; les décisions ordinaires, comme l’approbation des comptes ou la distribution de dividendes, ne sont pas capitales même si, à la longue, les laisser en suspend poserait des problèmes de gestion financière et de management. Mais qu’elles soient ordinaires ou importantes, si les deux dirigeants prennent des décisions contradictoires, leur société ira droit dans le mur. Diriger une entreprise à deux, c’est donc avant tout faire des choix. Les bons de préférence.


Pour aller plus loin :

https://www.amazon.fr/Bien-sassocier-pour-mieux-entreprendre/dp/2848995866

https://businessofeminin.com/feature/10-conseils-pour-choisir-son-business-partner/

https://business.lesechos.fr/directions-generales/strategie/management-de-projet/michel-et-augustin-diriger-une-entreprise-en-tandem-56280.php

https://lentreprise.lexpress.fr/creation-entreprise/etapes-creation/creation-d-entreprise-comment-s-associer-sans-s-entretuer_1677337.html

http://www.dynamique-mag.com/article/questions-poser-associer.4343

http://www.carnetsdubusiness.com/Face-aux-parties-prenantes-entretien-avec-Gilles-Imbert-directeur-general-d-Interconstruction_a1587.html

https://start.lesechos.fr/entreprendre/temoignages-entrepreneurs/notre-recette-pour-un-duo-d-associes-qui-marche-6761.php

http://www.bienpublic.com/edition-dijon-ville/2016/09/15/la-sixieme-generation-de-briottet

http://www.economiematin.fr/news-marc-villand-nouveau-president-de-la-fpi-idf-les-defis-de-la-promotion-immobiliere-en-ile-de-france

http://www.we-love-entrepreneurs.com/5-conseils-pour-bien-sassocier/

Tags: Projet d'entreprise,Bonnes pratiques