Les enseignements de l'enquête RH info

Les signaux ne sont plus faibles : nous observons des tendances fortes. Tout porte à croire que nous vivons un changement de paradigme. Évolutions sociétales, révolution digitale, affranchissement de l'espace et du temps, automatisation, évolution des métiers et restructuration de l’emploi, organisation systémique, qualité de vie… c’est un nouveau contrat social qui est en train d’émerger, en même temps que de nouveaux modes de travail. Le monde, la société, l’entreprise et surtout le management en sont ou en seront affectés.

Et de fait, nombreux sont ceux qui s'accordent à dire que le management doit se transformer. En la matière, les pratiques sont variées et les perspectives passionnantes... ou périlleuses ! Vraiment, "transformer le management" : vous y croyez, vous ?

C’est pour contribuer à répondre à cette question que RH info a mené sur le premier trimestre 2018 une enquête en 7 questions clés, à laquelle 888 personnes ont répondu, représentatives du lectorat de RH info. Nous vous livrons ici une interprétation des résultats de cette enquête, dont vous trouverez une infographie en fin de page.

1) A la question de savoir si le management doit effectivement être transformé en profondeur, 58,9 % des répondants affirment que « certains fondamentaux restent incontournables », contre 38, 6 % qui veulent « une réforme totale ». Il est clair que le gouvernement d’êtres humains – car c’est bien de cela dont il s’agit – s’appuie sur des bases inchangées depuis... qu’il y a des êtres humains ! En revanche, des modes et des styles différents de management ont vu le jour au fil du temps. Le besoin d’une équipe en termes de coordination, d’organisation et de délégations, de relation et de collaboration, est constitutif de tout management ; ils ne sont que 1,7 % à réclamer « sa suppression ». Mais il est certain que les moyens pour mettre en place ces fondamentaux peuvent aller du meilleur… au pire ! Et le management dit « traditionnel » n’est « le moins pire » que pour 0,8 % des répondants ! Sic !

2) Mais quel est-il, ce management « traditionnel » en 2018 ? Pour 47,7 %, c’est le « command and control » et pour 28,8 % « l’absence d’autonomie et de reconnaissance », ce qui, in fine, correspond à peu près au même diagnostic pour plus de 75 % des répondants : trop de directivité et d’arbitraire. Le paternalisme semble en recul avec 9 % de réponses et la rigidité organisationnelle n’est qu’à 14,4 %. C’est donc bien le comportement des managers qui semble remis en cause, qu’il soit lié ou non à la forme parfois imposée par l’entreprise.

3) Un point très intéressant, dans cette même logique, est que la transformation du management n’est pas d’abord due, pour les répondants, à l’entreprise et à sa direction : seuls 25,6 % la pense due à « de nouveaux besoins inhérents à l’évolution du business lui-même ». Elle est perçue comme inévitable – contrairement aux diverses transformations antérieures – en raison « de la transformation digitale et des nouveaux modes de collaboration » (40,8 %) et « des nouvelles générations qui ne veulent plus perdre leur vie à la gagner » (26,2 %).

4) Comment s’étonner, dans ce contexte, du succès de la perspective d’une entreprise « libérée » ? Ils sont 59,6 % à la plébisciter comme étant « la voie d’avenir et de renouvellement du rapport entre l’entreprise et le salarié » ! Mais outre le fait que 22,5 % voient dans cette entreprise libérée « de mauvaises réponses à de bonnes questions », il convient tout de même de rappeler que 58,9 % affirment que « certains fondamentaux du management restent incontournables » ! Le paradoxe est savoureux. C’est probablement qu’il y a une ambiguïté très forte dans cette notion de « libération », et surtout dans son objet : de quoi veut-on se libérer au juste ? Il y a sans doute loin, ici, de la théorie à la pratique !

5) Preuve en est que lorsqu’on demande aux répondants ce qu’ils souhaiteraient voir modifier dans le management, c’est la dominante hiérarchique et le pouvoir arbitraire « au profit d’un accompagnement/coaching » pour 38,7 % d’entre eux ; plus de « professionnalisme » pour 24,8 % ; « une approche client des collaborateurs » pour 20,8 % et davantage de « qualité relationnelle » pour 15,7 %. Autrement dit, ce n’est pas l’existence et le bien fondé d’un management qui est remis en cause, c’est sa nature et sa qualité.

6) Quelles solutions sont donc mises en avant par les participants à notre enquête ? La notion d’engagement semble désuète face à la montée en puissance de l’empowerment : 54,8 % d’entre eux défendent que ce qui est à libérer, c’est « le pouvoir d’initiative, de créativité et d’innovation de chacun ». « Prendre soin de ses employés pour qu’ils prennent soin de l’entreprise » représente l’attente de 34,5 % des répondants. Et là encore, ses deux résultats se cumulent in fine : près de 9 répondants sur 10 souhaitent que leur travail porte des fruits bénéfiques pour leur employeur ! Cela est tout de même très encourageant, à l’heure où plusieurs enquêtes, au cours de ces dernières années, semblaient révéler une défaillance assez lourde de “l’engagement” des collaborateurs !

7) Pour preuve encore, pour finir, le fait que 65,7 % des répondants déclarent reconnaître qu’un nouveau mode de management est effectif lorsqu’ils se sentent « en confiance, autonomes et responsables » ! Et pour 18 % à ce que « leur développement personnel soit devenu une priorité ».

Conclusion

S’il y a chez les 888 répondants à notre enquête un indéniable désir de transformation du management, ce n’est pas dans le sens d’un effacement ou d’une diminution, mais dans le sens d’un « mieux manager ». Dans notre vieux pays féodal, le directif, le command and control et l’arbitraire – le fait du prince – ont encore la vie dure ! Sauf que ce n’est plus dans l’ère du temps, diverses révolutions et évolutions étant passées par là, échappant au pouvoir des entreprises et de leurs directions. Le fameux « engagement » des collaborateurs, au sens d’un investissement maximal de chacun comme exécutant sans états d’âme les ordres de la hiérarchie dans un sacerdoce dédié à leur unique entreprise… est mort. L’engagement, en fait, a changé de sens : il correspond davantage aujourd’hui à l’épanouissement des potentiels de l’individu et des équipes ; il correspond à cette notion d’empowerment, en plein développement dans nombre d’entreprises, dès lors que le management en a compris les bienfaits pour l’entreprise elle-même.

Nous proposons une définition : l’empowerment consiste en ce que tous les acteurs de l’entreprise – au premier rang desquels les managers – sachent et puissent œuvrer pour que la collaboration, la force du collectif, confère à chacun un pouvoir d’initiative, une capacité d’action et de développement de ses potentiels.Ce pouvoir « individuel » est fondé sur le triptyque confiance - autonomie - responsabilité. Ce pouvoir, dans sa nature, se déploie donc au service du collectif ; du développement d’une communauté autour d’un bien commun.

Alors oui, il est permis de croire – et d’espérer – à une véritable transformation du management.

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