Incroyable découverte : les collaborateurs sont des adultes !

Hors travail, notre société contemporaine requiert toujours plus des individus un positionnement adulte. D’une part elle autorise ou appelle des décisions importantes, avec un champ du possible qui continue à croître. D’autre part les institutions sont moins présentes et voient leur poids se réduire : elles participaient hier à la décision et définissaient un cadre d’action, elles laissent désormais la personne plus autonome face à ces responsabilités.

Au travail, pourtant, de nombreuses entreprises continuent à gérer leurs collaborateurs en décidant pour eux et en cantonnant leur responsabilité, comme s’ils étaient incapables de l’assumer. L’organisation prend en main les individus comme l’école avant elle, avec une approche très prescriptive. Ils sont dessaisis pour grande partie de décisions les concernant.

La GRH et le management d’hier

Les processus RH sont souvent construits sur la base de cette « responsabilité limitée ». La ligne managériale est aux manettes, idéalement en cohérence avec les politiques portées par la DRH, et la contribution attendue du collaborateur sur les décisions l’impactant est assez réduite. La fixation des objectifs individuels, par exemple, reste dans de nombreuses entreprises un exercice descendant. L’enjeu du « capital compétences » du collaborateur est considéré comme à la charge de l’entreprise. Il est rarement attendu du collaborateur qu’il soit à l’initiative sur son parcours. Tous les processus RH pourraient être ainsi déclinés.

La réalité est identique pour ce qui concerne la relation entre un manager et son équipe, qui reste parfois infantilisante. En tant que « sachant », le manager décide pour ses collaborateurs, leur donne des consignes et ceux-ci sont supposés exécuter. Positionnant le manager en posture haute et le collaborateur en posture basse, le modèle managérial dont nous avons hérité est basé sur un type d’autorité dépassé. Il reste calqué sur un rapport parental associant un père autoritaire et des enfants soumis, alors que ce modèle même a pour l’essentiel disparu du monde hors travail.

Ajoutons que ces réponses anciennes, maintenues par beaucoup d’entreprises en ce qui concerne le management et la gestion des hommes, sont d’autant plus inadaptées qu’elles se déploient désormais dans un monde du travail qui s’est profondément transformé, avec le développement « du travail du savoir ».

Changer la donne

Une fois ce diagnostic posé, quelle démarche mettre en œuvre ? La première brique consiste à poser que « le collaborateur est le premier acteur » de son activité et de son développement. Certaines entreprises ont franchi le pas.

Mais en rester à cette seule déclaration d’intention n’est pas suffisant. Ce serait comme jeter un enfant dans la piscine sans brassards en considérant que c’est ainsi qu’il va apprendre à nager. L’entreprise doit accompagner cette mue en intervenant sur deux terrains en parallèle : celui de la culture et des comportements d’une part, celui de l’organisation et des modes de fonctionnement d’autre part.

Un levier culturel

Sur le plan culturel et comportemental, l’enjeu est de développer des rapports équilibrés, basés sur la considération et la confiance. Il s’agira d’animer le collaborateur sur les « pourquoi » plus que sur les « comment ». Le manager se repositionne alors comme une ressource au service de collaborateurs responsabilisés. Responsabilisés sur leur activité, mais aussi sur le déploiement des politiques RH les concernant.

Cette transformation majeure, intervenant après des générations de conditionnement autour de l’ancien modèle managérial, doit être accompagnée. En premier lieu en travaillant avec les managers leurs pratiques, bien sûr. Mais également en aidant les collaborateurs à sortir d’une posture de consommateur déresponsabilisé qui peut aussi être assez confortable pour certains.

Un levier organisationnel

Sur le plan organisationnel, ce sont les modes de fonctionnement de l’entreprise, et notamment ses processus RH, qui doivent être repensés en intégrant quatre impératifs :

1. Poser ce qui est attendu de chacun, notamment du collaborateur, et le partager largement. Ce qui suppose d’avoir reconfiguré le processus, et de l’avoir fait en y associant les intéressés, par exemple dans une logique de prototypage.

2. Sélectionner, organiser et diffuser régulièrement l’information utile aux intéressés.

3. Mettre à leur disposition les outils qui les aideront dans leur démarche.

4. Accompagner leur montée en compétence sur la pratique.

C’est ainsi qu’un grand établissement public vient de redéfinir son processus de gestion des carrières. Tout d’abord en le redessinant dans le détail avec un groupe de travail de collaborateurs et managers. Puis en communiquant largement des exemples de parcours possibles dans l’organisation et en clarifiant le champ du possible. Ensuite en mettant à la disposition de chacun un questionnaire lui permettant de murir son projet professionnel ainsi qu’une approche inspirée des bilans de compétences. Enfin en formant à la pratique, avec des managers intervenant en support des collaborateurs.

Travaillant sur ces deux terrains, culture et organisation, l’entreprise permettra aux collaborateurs de prendre progressivement en main les enjeux qui les concernent en premier lieu. Bonne nouvelle, cette approche génère un tout autre engagement chez les intéressés que celle dans laquelle la DRH se positionnait en deus ex machinase plaignant du manque de relais managériaux et de la passivité des collaborateurs.

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