Dans quel cas une clause d’exclusivité mentionnée dans un contrat de travail peut valablement être opposée à un salarié ?

M. Y... a été engagé à compter du 28 octobre 1997 en qualité de rédacteur concepteur par la société Wolters Kluwer France exerçant une activité d'édition et de vente d'ouvrages professionnels.

Le contrat de travail comprenait une clause édictant une obligation de solliciter une autorisation pour toute activité complémentaire ainsi rédigée : « Monsieur Y... s'engage expressément à demander l'autorisation de la société pour toute activité complémentaire qu'il souhaiterait occuper » (article 9).

A compter d'octobre 2006, le salarié a bénéficié du télétravail et occupait des fonctions de responsable événements/supports com, chef de marché marketing au sein de la direction Marketing du groupe.

Ce salarié a été licencié par lettre du 2 septembre 2013 pour ne pas avoir sollicité l'autorisation de son employeur avant de créer sa société de vente en ligne de vêtements, qu'il avait fait immatriculer le 1er février 2010 et avoir effectivement exercé cette activité.

Les juges du fond ont estimé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné l’employeur à payer au salarié une somme à titre de licenciement abusif et à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour de son arrêt dans la limite de trois mois d'indemnité.

En effet, la Cour d’appel a retenu que l'article 9 du contrat du salarié, notamment en raison de sa formulation imprécise, portait atteinte aux libertés garanties par l'article L. 1121-1 du code du travail et, de ce fait, était illicite

L’employeur estimait au contraire que la clause litigieuse du contrat de travail, concernant un salarié engagé à temps complet, était parfaitement licite et ne portait pas atteinte aux libertés garanties par l'article L. 1121-1 du code du travail.

De même, il considérait qu’une telle clause était indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, était justifiée par la nature de la tâche à accomplir et était proportionnée au but recherché puisqu’elle était justifiée par la nécessité de s'assurer de l'absence d'activité concurrentielle, et qu'il ne s'agissait nullement d'interdire l'exercice d'une autre activité professionnelle, laquelle était effectivement exercée par d'autres salariés également liés par une telle clause.

Néanmoins, la cour de cassation rappelle l’inobservation des clauses d'exclusivité, rédigées en des termes généraux et imprécis, qui ne spécifient pas les contours de l'activité complémentaire qui serait envisagée par le salarié (activité bénévole ou lucrative, professionnelle ou de loisirs) et qui ne permettent pas dès lors de limiter son champ d'application ni de vérifier si la restriction à la liberté du travail était justifiée et proportionnée, ne saurait justifier une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il est donc impératif de bien rédiger les clauses d’exclusivité, faute de quoi, elles ne seront pas opposables au salarié.


Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du jeudi 16 mai 2018

N° de pourvoi : 16-25272

Non publié au bulletin

Rejet

Tags: Code du travail