Vous pourrez trouver les deux premiers articles de cette série en pied de page, dans le profil d'Élodie Paulvé.


SSII - Le manager de proximité en apnée : que faire pour l’aider à (re)faire surface ?

Alors qu’on lui demande de plus en plus de s’investir dans la fonction RH, le manager de proximité subit l’éloignement de sa hiérarchie et des services RH qui sont contraints par les obligations de résultats et délaissent la scène du travail. Que mettre en place pour accompagner les managers de proximité ? Et que faire pour éviter d’en arriver à des situations de stress et de mal-être au travail ? C’est l’objet de ce troisième volet.

Un management assurant l’équilibre du manager de proximité

Du soutien personnel et de l’exemplarité : Les managers de proximité ont besoin de s’identifier, d’adhérer à leur hiérarchie qui doit leur donner la vision et être un moteur pour leur avancement et celui de l’organisation. Ils ont besoin qu’on les écoute et qu’on prenne les décisions avec eux et non de manière unilatérale. Ils veulent du soutien, de la franchise et de la transparence.

Du soutien organisationnel : Les managers de proximité veulent des moyens pour mener à bien la mission qu’on leur a confiée. Ils réclament notamment du temps dédié pour réaliser leur mission et une association aux décisions de rémunération, s’estimant, avec légitimité, les plus aptes à gérer les problèmes d’équité.

Certains témoignages montrent que les managers hiérarchiques devraient prendre le temps de regarder autour d’eux la société du 21e siècle et d’adapter leur façon de penser et d’organiser le travail.

De la reconnaissance : Le manque de reconnaissance est source de démotivation et de stress. Il est nécessaire que le supérieur hiérarchique soit clair par rapport à ce qu’il attend du manager de proximité et que les attentes réciproques soient explicitées. En effet, comme n’importe quels salariés, le manager de proximité a besoin que sa hiérarchie fasse des retours constructifs sur son travail, le félicite à bon escient, accepte le droit à l’erreur et se batte pour obtenir des moyens. Travailler l’assertivité est donc un choix gagnant et participe activement à la reconnaissance.

De la communication : La hiérarchie doit être vigilante sur sa communication qui lui permettra de jouer le rôle de traducteur et de coopérer plus efficacement avec les encadrants de proximité. En effet, ces derniers ont besoin de comprendre la vision de la direction et les objectifs stratégiques, afin de pouvoir à leur tour les traduire aux collaborateurs.

Les RH : un partenariat essentiel dans la conservation des ressources

Les RH doivent se désenclaver de leurs rôles administratif et juridique et apporter leur contribution à la stratégie de l’entreprise en s’imposant face à la direction pour démontrer et convaincre que les moyens doivent être multipliés pour assoir la fonction d’encadrant de proximité.

Une définition commune de la fonction : La fonction doit être prescrite et clarifiée, ainsi que les attentes de l’organisation. Les RH pourront ainsi la promouvoir et recruter en interne les collaborateurs volontaires pour la fonction tout en gardant à l’esprit que devenir manager ne s’improvise pas et qu’il faudra l’accompagner en continuité dans le temps.

Collaboration sur la mise en place des outils & process : Les RH et les managers de proximité doivent impérativement collaborer pour définir les besoins et accéder aux outils pertinents pour l’exécution de la fonction. Les services RH doivent pour cela imposer à la direction de dégager les moyens nécessaires. Ils ont une carte à jouer pour apporter une réelle plus-value au rôle de manager de proximité.

Un accès nécessaire à plus de formations : Les services RH ont également un rôle essentiel à jouer dans l’élaboration du plan de formation des managers de proximité. Il faut pour cela convaincre la direction que l’investissement sera gagnant à long terme.

Le manager de proximité, dans ses fonctions d’accompagnement au quotidien, est celui qui pourra détecter la souffrance au travail des collaborateurs qu’il encadre, notamment le stress, et la remonter à sa hiérarchie. Il doit donc être formé sur les RPS et leur gestion.

Enfin, dans notre monde globalisé il ne faut pas minimiser la formation aux aspects de management interculturel et la sensibilisation aux différences quelles qu’elles soient, comme le handicap ou les situations intergénérationnelles.

Développer le lien social, la collaboration et le dialogue

Le cloisonnement trop important dans les SSII et la solitude des managers de proximité incitent à développer la collaboration et le lien social, introduit par Karasek comme primordial dans le rétablissement de l’équilibre et du bien-être des salariés.

A cette fin, les organisations doivent faire « le choix de la confiance » (Peretti). Or la confiance ne vient pas spontanément : la coopération entre salariés et la mise en place d’actions collectives contribuent à l’instaurer.

Les organisations peuvent également initier des actions de co-développement en réunissant à fréquence régulière les managers de proximité en position d’écoute et de coopération sur des problématiques de management. Ces collectifs développent la confiance réciproque, les modes de régulations, le soutien social et participent à la construction de nouveaux contrats psychologiques (Abord de Chatillon, Desmarais, Rossano, Peretti).

Dans des entreprises où la part d’ « humain » a perdu beaucoup de place, où la souffrance au travail est prégnante, il peut être bénéfique de faire appel à un tiers afin d’ouvrir des espaces de discussion pour aider les managers de proximité à comprendre et améliorer certains de leurs comportements liés au stress, au mal-être au travail.

Cependant, la finalité de ces espaces sera d’aider le management de proximité à tenir face aux tensions générées par le travail, principal vecteur de la souffrance, mais pas de discuter du travail.

Des auteurs, notamment Mathieu Detchessahar, ont décrit l’apport bénéfique des espaces de discussion du travail qui permettent de prendre du recul sur le métier et de changer les façons de faire et d’améliorer la relation à la hiérarchie. Il faut repenser les modes de management pour refaire du travail l’objet central du management.

Ces espaces de discussion doivent être planifiés à fréquence régulière, centrés sur la fonction, animés par un intervenant – le manager – créant les conditions du dialogue et de la bienveillance, dotés d’outils de pilotage et communiqués de manière ascendante. Par ailleurs, le soutien de l’organisation et l’apport de moyens pour inscrire la discussion dans le long terme sont primordiaux.

Les managers de proximité pourraient ainsi participer à des espaces de discussion avec leurs équipes (discussions sur le travail) mais aussi avec leur manager (discussions plus stratégiques), afin de faciliter le rôle de traduction. Ces différents espaces doivent être mis en lien au travers du dialogue.

Conclusion

Les managers de proximité préconisent une présence soutenue des services RH et des managers hiérarchiques sur le devant de la scène du travail, la mise au clair de la fonction d’encadrant de proximité, la reconnaissance de l’implication et de l’engagement, l’accompagnement des managers dans leur fonction, une communication pertinente et la création de sens. Par ailleurs il apparait nécessaire de développer le collectif, le lien social et d’ouvrir le dialogue au travers d’espaces de discussion.

Tout cela sera possible grâce au soutien primordial et inconditionnel des organisations. Les actions à entreprendre nécessitent des bouleversements managériaux profonds et un retour des RH sur le devant de la scène managériale. Les organisations doivent être convaincues du bien-fondé de ces actions.


Cette série d’articles est issue d’une recherche effectuée dans le cadre d’un mémoire de Master 2