Rappelons-nous de ces gros manuels RH qui décrivaient hier chapitre après chapitre ce qu’il convenait de faire pour chaque processus RH. Selon cette « approche universaliste des RH », il y avait pour chacune des thématiques RH une bonne façon de procéder, une et une seule. Il suffisait à l’entreprise de progresser vers la pratique de référence ainsi décrite.

Sur chaque processus, la fonction RH se devait de travailler son perfectionnement technique pour plaquer ensuite dans l’entreprise les meilleurs pratiques et outils. La GRH était de fait abordée comme un objet autonome, indépendant des autres réalités de l’entreprise.

Selon « l’approche contingente des RH », la politique RH à adopter par une entreprise est au contraire directement reliée à ses caractéristiques uniques et à celles de son environnement. Les meilleures pratiques RH pour une entreprise sont celles qui sont cohérentes avec d’autres dimensions de l’organisation, et notamment avec son positionnement stratégique.

Les enjeux à couvrir

Dans la définition de sa politique RH, l’identification des projets RH à mener en priorité ou tout simplement la structuration de son quotidien, le praticien RH a aujourd’hui deux enjeux majeurs à adresser. D’une part il se doit d’identifier et de mettre en place la réponse adaptée au besoin spécifique de son entreprise. Ce qui suppose de partir de ces besoins, de leur identification, de leur compréhension et de leur analyse. D’autre part il a pour impératif de transformer effectivement la réalité vécue par les collaborateurs. Ce qui suppose que la réponse produite pour répondre au besoin soit « à la main » de l’utilisateur. Voire qu’il la maîtrise dès la phase de conception puisqu’elle aura été conçue avec lui.

Si la fonction RH ne se limite pas à déployer une expertise technique désincarnée et qu’elle veut couvrir ces deux enjeux, comment peut-elle s’y prendre ?

Partir de la stratégie et des transformations

Quel que soit le sujet RH à aborder, le point de départ est le même : la stratégie de l’entreprise. « Stratégie » entendu au sens premier du terme : les facteurs de différenciation de l’entreprise par rapport à ses concurrents, son business model, ses axes prioritaires de développement ou son Plan à Moyen Terme.

Définir sa politique RH, c’est répondre à une question : de quelle politique RH avons-nous besoin pour mettre en œuvre notre stratégie ? Refondre le processus de gestion des carrières, c’est répondre à une question : de quelles pratiques avons-nous besoin en matière de gestion des carrières pour mettre en œuvre notre stratégie ? Œuvrer à la transformation des pratiques de management, c’est répondre à une question : de quelles pratiques de management avons-nous besoin pour mettre en œuvre notre stratégie ?

Des organisations aussi diverses que le Crédit Agricole, Europcar, SoLocal, Les Caisses d’Allocations Familiales, l’Agefiph, Lesaffre, Roquette, Engie, etc. ont chacune construit leur référentiel de management dans la période récente Aucun de ces référentiels ne se ressemble, puisqu’à chaque fois une démarche contingente a fait des éléments à caractère stratégique le déterminant premier des compétences retenues. Ceci, que la stratégie de l’entreprise ait été définie de manière formelle ou soit beaucoup plus informelle.

En arrière-plan, prendre en compte la culture

Aborder les thématiques RH par les enjeux business via la stratégie est la première condition pour apporter des réponses adaptées à l’entreprise. Mais en arrière-plan de cette stratégie, construite sur des temps plus longs, figure la culture de l’entreprise, rarement analysée.

Et pourtant ! Comment revisiter le dispositif de management de la performance sans prendre en compte où en sont ses managers en matière de culture du résultat ? Comment se projeter sur les compétences nécessaires demain sans intégrer une approche soft skillset donc avoir identifié ce que sont les macro-comportements caractérisant l’entreprise ? Comment développer l’engagement des salariés sans avoir analysé au préalable la hiérarchie des leviers de motivation sous-jacents dans cette même culture ?

Servir l’enjeu de mobilisation

Au-delà de la prise en compte de la stratégie et de la culture, l’entreprise dispose d’une voie qui l’aidera à produire des réponses adaptées à ses réalités et à ceux qui la composent : la co-production avec les opérationnels. Ceux-ci sont ancrés dans ces réalités. Ils sont les meilleurs garants que les réponses produites ne sont pas décalées par rapport à leur quotidien.

Certes les déterminants stratégiques et culturels évoqués en amont, ainsi que les transformations majeures attendues doivent être posées comme le cadre de cette production. Mais au sein de ce cadre, ces acteurs doivent pouvoir élaborer des dispositifs, des processus, des outils qui seront à leur main.

Cette approche, non contente de garantir que les réponses produites sont adaptées au quotidien de l’entreprise, contribuera à ce que leurs bénéficiaires se les approprient et les fassent vivre.

La technique RH instrumentalisée

Challengée sur son métier, la fonction RH a longtemps tenté de renforcer sa crédibilité en développant ses expertises. Ces expertises sont certes nécessaires. Mais elles ne sont qu’un moyen.

La valeur ajoutée du praticien RH, dans le contexte de transformations que nous vivons, réside désormais en premier lieu dans sa capacité à construire des réponses sur-mesure, adaptées aux enjeux stratégiques et culturels de l’entreprise, en instrumentalisant les techniques RH.