L'affirmation de soi est un immense théâtre, avec six splendides salles de représentations.

Hélas, pour certains d'entre nous, une partie de ces scènes est hantée par nos fantômes : vexations, échecs, mauvaise estime de soi, relations conflictuelles, anticipations négatives ...

Et les couloirs qui s'y rendent ne sont même pas sûrs. Chausse-trapes, escaliers de guingois, adversaires en embuscades, émotions effrayantes …

C'est Fort Boyard en quelque sorte… et certains « candidats » chutent lourdement dans un parcours, alors même qu'ils réussissent bien sur un autre.

6 scènes sont jouées dans ces « salles de représentations » :

- « Je fais une demande »

- « Je refuse une sollicitation »

- « J'exprime mes sentiments »

- « Je reçois des compliments »

- « Je formule une critique ou j'exprime ma colère »

- « Je fais face à la colère et aux reproches »

Certaines scènes vous semblent faciles. D'autres sont difficiles.

Et parfois cela dépend des autres acteurs !

Vous pouvez trouver facile de dire « non » à votre mère, et complètement impossible de vous opposer à votre enfant … ou l'inverse !

Au fil des semaines, nous allons voir en détail chacune de ses 6 scènes.

Mais avant d'avancer vers l'estrade, continuons à sécuriser les couloirs, et à en baliser les virages.

Dans le 1er article de cette série, nous avons exploré deux points de repères fondamentaux pour ne pas avancer en aveugle :

  • Comprendre les comportements relationnels (Inhibé, agressif, manipulateur, affirmé)
  • Valider les droits de la personne qui se rattachent à nos actions (ex : droit de dire « non », droit de prendre le temps avant de répondre, droit à un temps pour soi, droit au respect ...)

Aujourd'hui, je vous propose un autre phare à garder en vue :

La communication est un échange équilibré :

L'affirmation de soi est la capacité à s'exprimer de manière authentique, dans la clarté et le respect réciproque.

Pour instaurer un dialogue constructif, il faut donc une personne prête à délivrer un message clair, et une autre pour le recevoir dans de bonnes conditions.

L'un parle, et l'autre écoute... enfin ... peut-être !

Cela peut faire sourire, et pourtant, qui n'a pas vécu ces situations de non-dialogue ?

Mme Irma .com ?

Quand l'un se tait, convaincu que son partenaire doit lire dans ses pensées, deviner ses besoins et ce qu'il veut ... « Il doit bien le savoir tout de même ! »

Il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

Autre cas de figure : l'un parle et l'autre n'écoute pas. Ou donne l'impression de ne pas écouter.

Rien de tel pour pousser au radotage et à l'escalade celui qui tente d'échanger.

Ou à l'inverse, au repli sur soi et aux ruminations.

Le moulin à parole :

Voilà un autre variante: l'un parle sans s'arrêter et sans laisser le moindre espace pour l'autre.

Le « récepteur », relégué à une rôle de figurant, se désintéresse et vaque à ses petites affaires.

Bouillie pour chats :

Ou bien encore, l'un croit parler, alors qu'il est en fait noyé dans ses émotions et dans ses pensées.

Le récepteur est submergé.

Il reçoit des propos décousus : demandes, reproches, récriminations, plaintes, cris, pleurs, changements de sujets, ressassement des vieux griefs ...

Le circonlocuteur :

De peur de fâcher ou de déranger, l'émetteur tourne autour du pot, dilue ses propos, prend des précautions, … Plus ambiguë, tu meurs ! .. et au final ... il n'a rien exprimé du tout

C'est l'impasse … Comment en sortir ?

Faire en sorte d'installer un véritable « émetteur » et un véritable « récepteur ». Et qu'ils échangent à tour de rôle.

Et … bonne nouvelle, ce n'est pas si difficile.

« L'art de demander » : Ecrire le script de votre scène.

Comment partir du bon pied au moment de faire des demandes ?

Comment persister calmement ?

Comment gérer les réponses : acceptation ou refus ?

Comment contrer les attitudes d'évitement ?

Ecrivons le script, étapes par étapes ...

En position de demandeur, vous devez prendre à la fois l'initiative et la responsabilité du dialogue.

1) Préparer l'entretien pour devenir un véritable émetteur « ID JEEPP ».

Un entretien, surtout quand il est à fort enjeu, a besoin d'être sérieusement réfléchi en amont.

Voici les questions à vous poser à tête reposée, pour ensuiteappliquer la méthode ID JEEP.

  • Quelle est la situation ? (Les faits, rien que les faits)
  • Quel est le problème pour vous dans cette situation ? (Soyez ultra-spécifique et précis)
  • Que ressentez-vous ?
  • Que voulez-vous demander ? (Résumez votre demande en une ou deux phrases maximum)
  • A quels droits se rattachent votre demande (Sur cette notion, relire le 1er article de cette série : « On ne peut pas ne pas communiquer »)
  • Quel pourrait être le résultat de votre demande ?
  • A quels droits cela se rattache t-il pour votre interlocuteur ?

A ce stade, vous avez parfaitement débroussaillé le terrain !

Pensez à choisir le moment de votre demande : une plage de calme, sans urgences qui risquent d'interrompre la conversation. Veillez à l'intimité de l'entretien. Eventuellement demandez un rdv informel: « Je souhaite vous parler d'un sujet important, pourrions-nous nous voir après le déjeuner ? »

C'est fait ? OK, Vous avancez dans la méthode :

I: Identifier ce que vous voulez demander.

D: Droit : définir vos propres droits et ceux de l'autre.

Ecrivez le script de votre demande sur ce modèle:

J: Commencer la 1ere phrase par « JE » : « je voudrais je souhaite, j'aimerais… »

E: Empathie : « Je comprends votre situation, mais j'aimerais ... »

E: Emotions : « Je suis gênée d'avoir à insister... » (ne pas hésiter à nommer ses émotions)

« Je comprends que vous soyez embarrassé par ma demande »(refléter les émotions et sentiments de l'interlocuteur)

P: Précis : « Je viens vous voir pour vous demander de partir à 13, s'il vous plait »

P: Persistance et Patience : répéter la 1ère phrase comme un disque rayé.

« Je comprends que cela vous pose un problème, mais j'ai vraiment besoin de ... ». Vous pouvez également indiquer les conséquences du refus.

2) Empêchez l'autre de « s'échapper » de la conversation.

Inévitablement, vous allez rencontrer des résistances. Des tentatives de blocage ou d'évitement. En voici quelques unes avec les parades à mettre en place :

- Le disque rayé est votre mantra miracle : votre interlocuteur refuse de vous accorder une demande raisonnable ? Choisissez une phrase et faites le disque rayé : « Exceptionnellement, j'ai besoin de partir tôt mardi soir ». Répétez sereinement votre mantra, sans vous laisser dévier.

- Changement de sujet : votre interlocuteur botte en touche ? Ramenez le jeu au centre : « Nous nous éloignons du sujet de notre conversation, j'ai besoin de savoir aujourd'hui si je pourrais partir à 17h mardi soir ».
Il persiste ? Soyez ferme : « j'ai l'impression que vous ne vous sentez pas à l'aise pour me répondre maintenant. Ai-je raison ?»

- Enfumage : votre interlocuteur attaque et vous fait des reproches sur un de vos comportements. Prenez date si vous êtes d'accord avec ce reproche « Oui, effectivement, je suis en retard sur le rapport Dupont. Cela ne change pas le fait que j'ai besoin de ... »

- Retardement : votre interlocuteur ne veut pas aborder le sujet maintenant : trop fatigué, trop occupé etc. Demandez à quel moment vous pouvez examiner ensemble votre demande. Soyez précis : date et heure.

- Apitoiement : Vous lui fendez-le cœur ! Il tente de vous faire passer pour un bourreau, un sadique, un égoïste. Ne cédez pas. Reconnaissez ses émotions et revenez à votre disque rayé : « Je sais que cela vous cause de l'inconfort, mais j'ai vraiment besoin de … »

3) Gérez la sortie de scène.

Les acteurs le savent : il faut soigner sa sortie tout autant que son entrée sur l'estrade !

Voilà, vous avez fait votre demande, calmement et clairement !

Quel que soit le résultat de l'entretien, vous allez remercier et terminer par une formule positive.

De bout en bout, dans une communication affirmée, vous devez garder le contrôle du processus... et de vos émotions !

Pour la conclusion de ce dialogue, nous gardons les principes de l'affirmation de soi : réciprocité, clarté et respect.

  • Si vous avez reçu une réponse favorable : « je vous remercie, cela me fait plaisir »
  • Si vous avez un refus : « je vous remercie de m'avoir écouté, ou de m'avoir accordé du temps »
  • Si vous arrivez à un compromis : « je vous remercie pour votre volonté de trouver un arrangement »

Entraînez-vous !

Aucune compétence ne peut jaillir spontanément de la lecture d'un article, ni même d'un traité de 500 pages !

Parce que personne n'a jamais appris à nager en lisant des livres.

Si vous ressentez profondément que votre manque d'affirmation de soi vous empêche de vivre une vie épanouie, vous empêche d'être authentique, alors vous avez besoin de passer à l'action maintenant.

Comme exercice, je vous propose d'écrire au moins un script dès aujourd'hui.

Prenez un exemple dans votre vécu.

Retravaillez le déroulé de votre demande sur le modèle ID JEEPP. Ecrivez la scène.

Imaginez les pires répliques que l'on pourrait vous faire, en piochant dans vos souvenirs ou en imagination.

Ecrivez vos réponses en restant dans une communication affirmée.

Qu'allez-vous dire ? Quel sera votre mantra ? Comment reviendrez-vous au centre du jeu ? Comment garderez-vous la maitrise du processus ?

Comme pour tout comportement appris, votre compétence et votre confiance grandirons avec la pratique.

Dans l'article suivant, nous préparerons la scène : « Je refuse : je dis NON ».

Nous continuerons aussi l'exploration des dessous de la communication, avec ses aspects non verbaux et para-verbaux.

« Ni paillasson, ni Hérisson », telle est désormais votre devise !