L’annonce très médiatisée de la suppression il y a deux ans des entretiens annuels chez Général Electric avait suffi pour que le débat s’enflamme. Un peu comme si un tabou s’effondrait : celui de l’intérêt des évaluations annuelles, jugées « fastidieuses, inutiles et décourageantes ». Plutôt que de hurler avec les loups ou au contraire de s’offusquer, tentons de poser un diagnostic et d’identifier quelques clés quant aux actions à mener.

Deux critiques fortes

D’une part la pratique serait défaillante parce que bureaucratisée. Sans généraliser, reconnaissons que la pratique a perdu de son sens dans certaines entreprises. Elle y est animée de manière formelle par la DRH et vécue par les managers comme une contrainte qui vient s’ajouter à celles du quotidien, au lieu d’apporter des réponses à ces dernières. Elle est mise en œuvre de manière peu qualitative, une partie des managers cherchant en premier lieu à se débarrasser de la contrainte.

D’autre part l’entretien annuel conduirait à ne traiter de la performance qu’une fois par an. Il est vrai que le manager qui aborderait ce rendez-vous sans avoir géré au fil du temps l’activité et la performance de ses collaborateurs se préparerait inévitablement à des difficultés. De plus, ce rythme annuel ne permettrait pas d’adresser les transformations intervenant en cours d’année.

De fait, ces critiques portent tout autant sur le caractère défaillant de la mise en œuvre que sur la logique elle-même. Les managers qui n’assument pas leur responsabilité en matière de gestion de la performance seront heureux de cette remise en cause, mais c’est en partie leurs insuffisances qui la génèrent.

Manager la performance : un impératif

Faut-il pour autant renoncer à manager la performance individuelle des collaborateurs ? Le point de départ de notre approche est simple : jamais l’enjeu de performance globale n’a été aussi prégnant pour l’entreprise. Dans ce contexte, il n’est pas imaginable que celle-ci n’apporte aucune réponse construite à la question de la performance individuelle.

Deuxième élément : pour pouvoir fonctionner, l’entreprise doit traiter des enjeux de régulation et de coordination entre ceux qui la composent. En animant chacun de ses collaborateurs aussi bien sur ses missions permanentes que sur ses objectifs individuels, l’entreprise répond en partie à ce besoin.

Sachant que chacun dans l’entreprise doit disposer de ces repères. C’est une demande claire des salariés que de savoir ce qui est attendu d’eux. C’est aussi un besoin dans notre monde mouvant que de disposer d’une boussole, quitte à devoir s’adapter en situation si l’environnement évolue.

Dernière raison pour laquelle la performance individuelle doit être managée par l’entreprise : chaque collaborateur, quel que soit son niveau de responsabilité, a besoin de feedbacks et de reconnaissance qui ne peuvent être assurés de manière pertinente que si l’entreprise dispose d’une base objective.

Le management de la performance de demain

Les transformations du travail font émerger un modèle marqué par plusieurs caractéristiques : un collaborateur traité en adulte, un manager positionné en ressource pourson équipe, un fonctionnement en réseau. Ceci permet d’identifier six clés pour repenser le management de la performance :

1. Partager le sens et l’utilité de la démarche : il s’agit de faire comprendre et intégrer par tous que bien manager la performance n’est pas un sujet RH, mais un enjeu opérationnel, avec l’impact qu’une démarche bien menée a sur la performance globale.

2. Travailler la performance en continu : certes, les rendez-vous formels sont nécessaires. Mais l’enjeu réside d’abord dans la performance délivrée au quotidien. Ce qui suppose que le collaborateur sache de quel accompagnement il peut disposer (feedbacks, support, mesure, etc.)

3. Adapter les échéances : d’un côté les temporalités économiques se sont raccourcies ; de l’autre certains métiers n’ont un impact qu’à moyen terme. Quant aux rendez-vous formels, leur périodicité peut être définie de manière ad hoc si la performance est managée de façon continue.

4. Repenser la nature de la performance attendue : trop souvent ne sont retenus que des objectifs courte vue ou parcellaires. La valeur ajoutée d’un formateur d’équipes de vente est-elle dans la satisfaction des stagiaires ou dans l’impact sur le client des actions menées ? Celle d’un manager n’est-elle que dans la performance économique de son entité ou aussi dans l’engagement qu’il génère ?

5. Se centrer sur la contribution de la personne : raisonner en termes de contribution définie avec le collaborateur, voire par lui, revient à le positionner au centre du jeu. Cela lui permet aussi d’être à l’initiative pour réajuster son activité lorsque son environnement évolue.

6. Redéfinir les acteurs à mobiliser aux différentes étapes : dans une entreprise affranchie des silos, la définition des objectifs comme les feedbacks apportés à l’intéressé ne peuvent plus relever exclusivement de l’échange avec le manager. Les personnes à solliciter dépendent du métier et des enjeux auxquels il est confronté.

C’est une remise en cause large des logiques et des processus dont elle a héritée que l’entreprise peut aujourd’hui engager en la matière… sous réserve de ne pas renoncer à manager la performance !