Du business model de l’entreprise à ses pratiques de management
Agile, bienveillant, à l’écoute, leader, intuitif, coach, etc. Les évidences, et plus largement les clichés et stéréotypes sur ce que doit être un manager abondent. Chacun dans l’entreprise a un avis sur le sujet. Les ouvrages pullulent en la matière. Sur cette base, il est assez facile d’être critique sur les pratiques effectives de managers qui, par définition, ne peuvent répondre à l’ensemble de ces injonctions.
Tout simplement parce que les pratiques de management dont l’entreprise a besoin sont contingentes : elles dépendent de son business model. Rappelons que le business model d’une entreprise est l’équation économique qui traduit la façon dont elle génère ses profits en créant de manière spécifique de la valeur pour ses clients à partir d’un avantage concurrentiel.
Un impératif d’alignement
Illustrons ce lien entre business model et pratiques de management. Orangina Suntory considère qu’avec ses clients de la grande distribution, la vitesse est son principal atout face à des concurrents dont la taille est sans commune mesure. L’entreprise encourage donc ses managers à renforcer l’autonomie et les initiatives de leurs collaborateurs, ainsi que leur capacité à décider vite. Autre exemple, Décathlon met face à ses clients des profils jeunes et peu expérimentés, pour maîtriser des frais de personnel qui représentent, dans ce secteur, une part très importante des coûts. D’où un enjeu de montée rapide en compétence de ces profils, qui requiert un management rapproché, centré sur le développement de ces collaborateurs. Deux business models différents, appelant deux profils de managers à l’opposé.
Cette nécessité d’alignement des pratiques de management sur le business model a une conséquence : lorsqu’une organisation change de business model, ses pratiques de management doivent se transformer. Prenons l’exemple d’un Groupe qui a réussi il y a quelques années une véritable rupture dans son business model. En passant de la vente en magasin au multicanal, Sonepar, un des leaders de la distribution de matériel électrique, se devait de gagner en réactivité. C’est en ayant repositionné au niveau des managers de terrain de nombreuses responsabilités autrefois centralisées que cette mue est devenue possible.
Une contribution stratégique majeure
Allons plus loin. Au-delà de cet alignement a posteriori des pratiques de management sur le nouveau business model, il est possible d’inverser la démarche et de transformer le business model en modifiant les pratiques de management.
Le cas des banques de détail mutualistes, telles que le Crédit Agricole, le Crédit Mutuel ou BPCE, est ainsi très parlant. Résister aux nouveaux entrants du secteur tout en conservant cet ancrage sur le territoire qui constitue leur ADN leur impose de réinventer leur modèle, par exemple en montant radicalement en gamme dans les savoir-faire mis à la disposition du client et dans la qualité relationnelle. Ce qui suppose un effort sans précédent d’acquisition de compétences, qui ne peut être couvert via les voies habituelles de la formation. Le développement de chaque collaborateur par son manager à travers les activités du quotidien est de fait le point de départ de ce repositionnement.
Plus largement, toute entreprise doit travailler cet alignement entre pratiques de management et business model. Les managers ne peuvent être laissés sans aide face à cet enjeu.
Quelle démarche ?
La première étape consiste à analyser le business model de l‘entreprise. Celui-ci est souvent implicite et l’exercice n’est pas simple. Pour autant, il est incontournable si le business model doit devenir le déterminant des pratiques de management ciblées.
Il s’agira ensuite de répondre à une question : quelles sont les responsabilités que les managers doivent assumer et les comportements à développer pour contribuer à la mise en œuvre de ce business model ? L’entreprise disposera ainsi d’une cible managériale alignée sur son business model, l’articulation entre les deux étant explicite et permettant à tous de comprendre la valeur ajoutée de cette transformation des pratiques.
L’entreprise pourra ensuite construire et mettre en place les actions d’accompagnement et de développement des managers qui aideront ceux-ci à progresser vers les pratiques requises.
Une approche systémique
En parallèle de ce vaste chantier, une autre question se pose : celle des modes de fonctionnement de l’entreprise, qui doivent être cohérents avec les transformations de pratiques attendues.
Comment attendre d’un manager, par exemple, qu’il adopte des comportements entrepreneuriaux si les processus de l’entreprise sont lourds et bloquants ? Comment imaginer que les managers s’investissent dans le développement de leurs collaborateurs si les activités de reportingsont omniprésentes ?
Oui, vouloir aligner les pratiques de management sur le business model de l’entreprise revient à ouvrir la boite de Pandore. Plutôt intéressant, puisque cette boite est celle de la création de valeur par les RH.
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