Le déploiement de la révolution digitale s’opère depuis quelques années à un rythme soutenu, mais irrégulier. Tout le monde s’accorde aujourd’hui sur un point : avec l’Intelligence Artificielle, un mouvement d’accélération s’opère. Dans certains secteurs, il produit déjà des effets directs. Dans d’autres, les technologies sont encore peu opérationnelles et leur utilisation effective commence seulement à être explorée par les entreprises les plus en pointe dans leur appropriation.

Posons les bases. La CNIL donne les définitions suivantes : « Un algorithme se définit comme une suite finie et non ambigüe d’instructions permettant d’aboutir à un résultat à partir de données fournies en entrée. L’intelligence artificielle désigne une nouvelle classe d’algorithmes, paramétrés à partir de techniques dites d’apprentissage : les instructions à exécuter ne sont plus programmées explicitement par un développeur humain, elles sont en fait générées par la machine elle-même, qui « apprend » à partir des données qui lui sont fournies. »

Plusieurs études récentes ont conduit à focaliser le débat sur un sujet : quel sera le solde net des créations et suppressions d’emplois générées par l’IA ? Outre le fait qu’il est impossible de répondre à cette question, remarquons qu’une fois de plus, la réflexion se centre en premier lieu sur la quantité de travail plus que sur son contenu. Les vingt ans de polémiques sur les 35 heures au détriment de la réflexion sur la transformation de la nature du travail n’auront donc pas servi de leçon. Certes, ce débat sur le solde net est essentiel pour les politiques publiques. Mais pour l’entreprise, il ne le deviendra que si elle n’a pas anticipé ces enjeux et pris en amont les mesures de transformation qui s’imposent à elle.

Le propre de l’homme

À cinq ans, nous savons ce qui pourra être assuré par l’Intelligence Artificielle et ce qui ne pourra pas l’être. Elle constitue un facteur considérable de simplification productive. Elle permet une démultiplication des capacités d’action de l’être humain. Elle ne remplace pas seulement la force humaine, mais des éléments que l’on pensait faire partie du propre de l’homme : la connaissance, l’analyse et même le raisonnement.

Mais « l’intelligence » ne se résume pas à cette capacité d’analyse. Quelle sera la valeur ajoutée de l’être humain par rapport à l’Intelligence Artificielle ? Il existe d’autres formes d’expression, de relation, de création, justement plus essentielles que celles qui auront pu être automatisées. La proximité, l’intelligence des situations et l’initiative ou la gestion des émotions émergent aujourd’hui comme des constituants majeurs des nouveaux modèles organisationnels et managériaux.

Quelle structure d’emplois et de compétences ?

Pour une entreprise, l’enjeu est celui de la structure d’emplois et de compétences qu’elle doit construire. Puisque ce qui est en jeu pour elle, c’est d’abord de définir là où, en se combinant avec l’Intelligence Artificielle, le travail servira son business model et lui permettra de se différencier de ses concurrents sur ses marchés.

La réponse sur la structure d’emplois et de compétences à cibler ne sera pas la même selon que l’entreprise adopte un modèle différenciant sur le prix, sur la qualité, sur l’excellence relationnelle, sur l’innovation produits ou services. Tout en faisant assurer par l’Intelligence Artificielle tout ce qui peut l’être, elle se devra de développer les emplois et les compétences qui lui permettront de préempter et de renforcer ce positionnement marché.

Le préalable consiste donc pour l’entreprise à clarifier ces choix stratégiques. C’est ensuite qu’il est possible d’en déduire la structure d’emplois et de détailler les macro-compétences qui serviront ce positionnement.

Une démarche de Strategic Workforce Planning telle que celles menées par Oney ou par le Crédit Agricole permet de réaliser cet exercice. En rapprochant ensuite ces résultats d’une projection à l’échéance de la structure d’emplois et de compétences existante, l’entreprise pourra ensuite prendre les décisions en matière de recrutement, de développement des compétences et de réorientations entre les métiers qui lui permettront de matérialiser la cible.

Développer la structure de compétences requise

Une fois traité ce premier enjeu de la structure d’emplois à cibler, reste un second enjeu pour l’entreprise. Les métiers et les compétences requis à trois ou cinq ans sont souvent radicalement différents de ceux maîtrisés aujourd’hui. Comment développer dans des délais aussi courts des compétences aussi nouvelles chez les collaborateurs ? Ce ne sont pas quelques jours de formation supplémentaires qui répondront au besoin, puisque dans de nombreux secteurs, c’est une opération de requalification massive qu’il faudra réaliser.

La seule voie possible face à un tel enjeu vient de la réponse à une question : quelles sont les modalités à développer pour qu’un pourcentage croissant du travail au quotidien devienne apprenant ? Certes toute heure de travail vise à produire. Mais selon la façon dont ce travail est organisé, un second objectif, celui de l’apprentissage dans l’action, peut être atteint.

C’est en premier lieu dans leur vécu de chaque jour, dans leur poste, que les collaborateurs devront se développer et acquérir progressivement la maîtrise des nouvelles compétences requises. Cette approche vise à revisiter le quotidien de chacun, son activité et ses interfaces, pour que ceux-ci lui permettent de se développer via de nouvelles « boucles d’apprentissage ».

Un tel chantier peut être mené par l’entreprise en analysant dans un premier temps les modalités d’apprentissage qui sont déjà en place, qu’elles soient structurées ou qu’elles existent de fait dans l’activité de tous les jours. Puis il sera possible de travailler sur du prototypage avec la formalisation de boucles d’apprentissage innovantes. Celles-ci feront ensuite l’objet d’une expérimentation, puis d’une généralisation en cas de succès.