« L’expérience collaborateur », nouvelle approche des enjeux humains

La thématique de « l’expérience collaborateur » est très en vue actuellement. Elle renvoie à la tendance, généralement très bénéfique, de conception des produits, des politiques ou des processus en partant du point de vue de l’utilisateur (user centric). Le parallèle est d’ailleurs tentant entre l’approche sur l’expérience collaborateur et celle sur l’expérience client.

Un regard différent

L’expérience collaborateur désigne l’ensemble des interactions et expériences vécues par un collaborateur au sein de son entreprise, dans les moments clés de son parcours comme dans son quotidien professionnel, de son recrutement jusqu’à son départ.

Cette approche introduit une rupture essentielle : l’entreprise n’aborde plus ce que vit le collaborateur à travers le regard, la structure de pensée et les grilles d’analyse du RH ou du manager. Elle se centre au contraire sur ce que ce que vit le collaborateur à travers ses perceptions et son analyse à lui. Tout comme l’ethnologue qui veille à ne pas introduire de biais lié à son conditionnement culturel propre et à entrer dans les logiques des populations qu’il analyse. Conséquence directe : le RH se centrant sur l’expérience collaborateur se libérera du prisme déformant de son métier.

Une expérience globale

S’interroger sur l’expérience collaborateur, c’est aborder globalement le salarié dans son environnement de travail. Il ne s’agit pas simplement d’œuvrer au bon ordonnancement des processus RH autour de lui, mais plus largement de comprendre puis d’agir sur ce qui constitue son expérience globale au sein de son entreprise. Dès lors, cette expérience est multidimensionnelle : elle passe certes par le contrat de travail. Elle renvoie aussi aux relations fonctionnelles et hiérarchiques, à l’équipe, au management. Elle relève des processus de décision, des sensations physiques, des émotions, des conditions matérielles de travail, des outils mécaniques et digitaux, des repères, du rythme, etc.

L’intérêt de cette notion est qu’elle établit des liens, insuffisamment travaillés dans les organisations, entre environnement physique de travail (lieu, poste, locaux, température, etc.) d’une part, culture et technologie d’autre part. Avec la volonté d’établir un fil rouge pour que cette expérience soit cohérente entre promesse employeur et réalité perçue.

Aspiration ne vaut pas exigence

Travailler à améliorer la qualité de l’expérience collaborateur en partant des ressentis et attentes de celui-ci ne signifie pas pour autant que l’entreprise va accéder à toutes ses requêtes. De même qu’une entreprise qui travaillerait son expérience client n’offrirait pas pour autant à celui-ci ses produits dans une boite en or. Les perceptions et les attentes doivent être croisées avec ce que la stratégie de l’entreprise requiert (business model, facteurs de différenciation, axes stratégiques), de manière à décider en conséquence ce qui permet d’améliorer la qualité de l’expérience collaborateur en la mettant au service de ces enjeux stratégiques et économiques.

Ce juste positionnement de l’expérience collaborateur est aussi ce qui permet de garantir une proposition de valeur collaborateur cohérente, au-delà des expériences individuelles qui pourraient être différentes, voire divergentes.

Le digital au service de l’expérience collaborateur

L’expérience collaborateur intègre la relation du collaborateur aux différents outils digitaux mis en place par l’entreprise. Elle est également façonnée par les outils digitaux et les data, qui peuvent par exemple donner des indications aux intéressés sur les choix de carrière pertinents. Enfin, l’employeur dispose de plus en plus de données pour satisfaire l’expérience collaborateur : enquêtes d’opinion, données démographiques, évolutions de carrière, rémunération, évaluations, contributions, etc.

Par ailleurs, le digital facilite la segmentation. Il ne s’agit pas d’exclure, mais au contraire d’inclure des individus dans des ensembles de besoins RH proches et cohérents. L’enjeu est également de passer d’une administration des individus à un management des personnes, et à une véritable personnalisation de la GRH qui nourrit les productions intellectuelles mais qui restent balbutiante.

Mettre en œuvre une démarche sur ces bases

La dimension régalienne de la fonction RH, son rôle de conception des dispositifs appliqués aux collaborateurs ainsi que le prisme qui en découle handicapent sa capacité à être dans le même temps sur une analyse neutre de l’expérience collaborateur et sur son amélioration. Mais l’entreprise a-t-elle vraiment le choix ? Le terrain est inoccupé et la DRH se doit de défricher.

Prendre en compte les perceptions des collaborateurs sur les services RH délivrés est un exercice plus complexe qu’il n’y parait. Pour ce faire, il est indispensable d’entrer dans la mesure des émotions et des sensations, de prendre en compte une part d’irrationnel.

Lorsqu’une entreprise souhaite travailler son expérience collaborateur, quelques principes peuvent aider :

  • Réaliser le diagnostic des perceptions avec un groupe miroir de collaborateurs, si possible dans une logique de design thinking,
  • Mobiliser les datas disponibles,
  • Préciser et challenger ce diagnostic avec une équipe RH pour la positionner dans une logique de progrès,
  • Aborder globalement l’expérience, en y incluant le processus de prise de décision et la place du collaborateur dans celui-ci,
  • Impliquer l’ensemble des directions dans le plan d’action et développer la pratique « terrain » des dirigeants,
  • Positionner le rôle-cible des managers à chaque étape de l’expérience collaborateur.

Tags: Marketing RH