Incongru pour ceux qui ne sont que sur de la chasse aux coûts : la fonction RH peut créer de la valeur. Une telle affirmation est antinomique avec la logique communément admise. Selon un ouvrage de référence en matière de stratégie : « On peut vérifier que le coût de chacun des maillons est cohérent avec sa contribution à l’avantage concurrentiel : certains maillons coûtent-ils plus qu’ils ne créent de valeur ?... Bien entendu, cette analyse concerne en priorité les activités primaires, les activités de support n’étant pas censées générer directement de la valeur. »
La fonction RH est souvent appréhendée comme un centre de coûts. Elle intervient en back-office, contrairement aux activités de front-office qui, elles, sont considérées comme centres de profit. Elle est composée d’indirects venant alourdir l’activité des opérationnels, à l’opposé des effectifs directs dont le nombre impacte proportionnellement le chiffre d’affaires.
Cette représentation est basée sur deux erreurs. La première consiste à considérer que seul l’achat par le client de ce que fournit l’entreprise est créateur de valeur pour celle-ci. Bien sûr, si le client n’achète pas, il n’y a pas création de valeur. Mais l’acte d’achat n’est que la matérialisation d’un processus de création, tout au long de ce qui est communément appelé la chaine de valeur de l’entreprise. L’autre erreur est de considérer que les activités qui sont un maillon obligé de la chaîne de valeur (marketing, R&D, production, commercialisation) créent de la valeur, mais que ce n’est pas le cas des activités intervenant en transversal, aux côtés de l’ensemble de ces maillons.
Certes il existe dans certaines organisations des dérives réelles, avec une bureaucratisation des activités les plus éloignées du client ou les plus en périphérie de la chaine de valeur. Et il n’est pas systématique que la fonction RH crée de la valeur. Mais il lui est possible d’en créer. Dans quelles activités et à partir de quelle démarche ?
La réponse n’est pas dans les activités administratives de la fonction RH. Même si mal les assurer détruira de la valeur. Les activités de paie et d’administration du personnel doivent répondre à un impératif de qualité et de fiabilité. À défaut, tout peut s’arrêter dans l’entreprise. Un grand groupe de distribution d’électroménager en a fait l’amère expérience il y a quelques années : le déploiement de son nouveau système de gestion d’entreprise l’a empêché pendant 18 mois de verser leur variable aux vendeurs. Une fois cette caractéristique remplie, ce n’est pas en surinvestissant dans ces activités que de la valeur sera créée pour autant.
La fonction RH ne créera pas non plus de valeur sur ses autres activités régaliennes, mises en œuvre parce que répondant à des obligations. Exemple volontairement provocateur, celui des relations sociales. Des relations avec les partenaires sociaux qui ne seraient pas travaillées de manière à assurer la paix sociale pourraient entraîner une destruction de valeur importante. Il y a donc à ce niveau-là une démarche de gestion des risques qui doit conduire à assumer ces obligations. Mais là non plus, il ne s’agit pas de surinvestir, mais de développer des logiques d’efficience.
A contrario, la fonction RH peut créer de la valeur si elle sait repositionner ses activités et ses projets par rapport à une finalité business. Il ne s’agit pas seulement de satisfaire ses clients internes, mais en premier lieu d’apporter une contribution à ce qui se joue avec le client final. S’interroger pour chacun des projets menés sur sa contribution à partir de son impact, même indirect, au développement de l’entreprise et à la mise en œuvre de ses priorités stratégiques amène à exercer différemment ce métier des RH.
Prenons une illustration avec la question de la gestion des seniors. L’entreprise qui abordait il y a quelques années ce sujet avec une approche basique travaillait à minimiser la contrainte légale en négociant un accord ou en établissant un plan d’action a minima. Il s’agissait de s’affranchir de l’obligation de l’époque à moindre coût. Soyons honnêtes : cette voie a été adoptée par de très nombreuses entreprises.
Le DRH qui traite cette obligation à partir des processus RH identifie les actions à mener en matière de recrutement des seniors, sur lesquelles il devra batailler avec les opérationnels. Il met en place des mesures pour anticiper les évolutions de carrière, notamment autour de la valorisation de l’expérience. Il travaille sur les conditions de travail et notamment sur la pénibilité.
Se saisir de la question des seniors à partir d’une approche de création de valeur revient à répondre aux questions suivantes : que mettre en place pour que ces populations, qui ont désormais vocation à rester plus durablement dans l’entreprise que par le passé, soit engagée et efficace ? Comment les spécificités de ces collaborateurs (en termes d’expérience ou de modes de fonctionnement) peuvent-elles être utilisées comme des atouts pour l’entreprise ? Comment peuvent-elles accroître sa capacité stratégique ? Construites ainsi, les réponses seront de plus porteuses de sens. Et reconnaissons que pour les populations concernées, il est plus valorisant que l’entreprise apporte une réponse à la question : « Comment capitaliser sur vos atouts ? » plutôt qu’à : « Qu’allons-nous bien pouvoir faire de vous ? » Les réponses seront plus durables, puisque utiles au business et non plaquées de façon artificielle.
La différence entre ces approches montre qu’en matière de GRH, il est possible de traiter un même sujet soit avec une démarche de minimisation des coûts, soit avec une approche de création de valeur. Aborder la fonction RH exclusivement comme un centre de coûts conduit à écarter la contribution qu’elle peut apporter au processus de création de valeur mis en œuvre par l’entreprise. Alors que certaines allocations de moyens, du fait du retour qu’ils assureront, renvoient plus à une logique d’investissement que de simple coût.
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