Pendant le mois d'août, nous publions à nouveau quelques-uns des textes les plus lus de l'année.


Entre ses rôles de Human Partner et de Business Partner, le DRH est tiraillé entre des injonctions contradictoires. Et si la finance venait au secours des DRH ?

Depuis plusieurs années les directions des ressources humaines tentent, le plus souvent vainement, de traduire leurs actions en chiffres pour mieux affirmer leur rôle stratégique. Or, en se cantonnant aux indicateurs purement quantitatifs, le DRH risque de perdre de vue l’essentiel : la dimension Human Partner de son métier.

Et si la réconciliation des deux aspects du métier venait d’une finance innovante ?

La finance s’approprie les ressources humaines

De nombreux acteurs de la finance, notamment incités par de nouvelles législations, se sont appropriés les enjeux de RSE. Ils ont ainsi créé des modèles d’analyse intégrant des données sociales et environnementales en plus des données financières pour orienter leurs choix d’investissement. On parle alors d’ISR (Investissement Socialement Responsable) ou de critères ESG (Environnement, Social et Gouvernance).

Cette dimension ESG a pris son essor depuis 15 ans environ. Les investisseurs se sont d’abord intéressés aux questions environnementales. La dimension sociale est plus récente et moins intuitive pour les investisseurs, peut-être justement parce qu’en dehors de la masse salariale, elle est moins quantifiable.

Ainsi, des approches financières axées sur les RH ont émergé. Dans le secteur très concurrentiel des fonds d’investissement, plusieurs acteurs (Axa, Lyxor ou RobecoSAM) ont lancé des fonds privilégiant des investissements dans les entreprises valorisant l’égalité femmes-hommes (« gender equality »).

De son côté, Sycomore a choisi, pour se distinguer, de lancer en 2015 une méthodologie propre qui s’illustre tout particulièrement dans un fonds dénommé « Happy@Work ». Elle s’appuie sur 5 dimensions suivantes (fournisseurs et société, collaborateurs, investisseurs, clients, environnement) pour noter chacune des entreprises qu’elle analyse.

Des indicateurs RH analysés au peigne fin...

Dans le cas du fonds « Happy@Work », la dimension « collaborateurs » peut compter entre 15% et 20% de la note globale en fonction du secteur d’activité. Pour arriver à cette note, les analystes ne se contentent pas de regarder les documents publics transmis par les entreprises étudiées (RSE, bilan social ou financier) ; ils effectuent des visites de sites pour rencontrer les différents acteurs, de la Direction Générale au collaborateur en passant par le DRH, et parfois les élus.

Ces visites tournent autour de 3 axes :

- La dimension organisation du capital humain sera analysée en étudiant l’organisation de la fonction RH ou la place de la Direction des ressources humaines dans l’entreprise. L’important est de savoir si les enjeux RH sont pris en compte par la direction.

- Les collaborateurs sont également consultés : certains sont directement interrogés sur leur lieu de travail ; les résultats des enquêtes de perception sont également analysés : un indice de satisfaction collaborateur inférieur au benchmark ne sera pas un critère rédhibitoire si la direction met en place des plans d’action pour améliorer la perception des collaborateurs et assure un suivi de ces plans d’action sur le long terme.

- L’axe environnement de travail est passé au crible de 5 critères qui sont : l’équité, l’autonomie, le sens donné au travail, le développement personnel et l’atmosphère au travail. Les indicateurs RH sont analysés en fonction de données quantitatives (le turn-over, le taux d’absentéisme, le taux d’accès à la formation...) et des informations recueillies par les analystes.

L’approche « gender equality » proposée par d’autres acteurs financiers s’appuiera sur des indicateurs relatifs à l’équilibre de vie professionnelle et vie privée, aux politiques de développement de carrière ou à la place des femmes dans les différentes strates de management.

... pour décider des investissements

On est ici bien loin de l’idée reçue où l’actionnaire ne considère les ressources humaines que comme une ligne de charge. Le nom du fonds n’est pas anodin, le choix des indicateurs d’analyse non plus. C’est bien la dimension « qualité de vie au travail » qui est au cœur du processus et considéré comme un facteur de performance financière.

Si la méthodologie ne permet pas de faire émerger une typologie de bonnes pratiques RH, ces exemples montrent bien que l’on peut prendre des décisions en matière d’investissement sur la base de critères RH. Un fonds pourra refuser d’investir dans une entreprise affichant de mauvais indicateurs « Qualité de vie au travail ». Bertille Knuckey, gérante de portefeuille chez Sycomore AM exprime d’ailleurs la conviction similaire : « une entreprise ne créera de la valeur que si elle en crée aussi pour toutes les parties prenantes. ».

Le DRH n’est pas condamné à être schizophrène. Il peut devenir un vrai « Human Business Partner », pour le plus grand bonheur des investisseurs... et des collaborateurs.

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