Présentant de nombreux avantages, pour les salariés comme pour les entreprises, l’actionnariat salarié se développe en France. Encouragé par la loi Pacte, ce dispositif est déjà privilégié depuis longtemps par des grandes entreprises comme Essilor, Vinci ou la Société Générale.


L’actionnariat salarié a de plus en plus la cote dans les grandes entreprises françaises. Selon la dernière enquête d’Altedia et de la FAS (Fédération française des associations d’actionnaires salariés), 43% d’entre elles (CAC 40, SBF 120 et grandes entreprises non cotées) ont réalisé un plan d’actionnariat salarié en 2017 et 50 % en 2018 (contre 36 % en 2014).Le pourcentage du capital détenu par les salariés dans les grands groupes français du CAC 40 atteint 3,17 % en 2018, 35 % des entreprises de l’indice dépassant le seuil des 3 %.

Initiée par le Général de Gaulle, l’épargne salariale a connu en France plusieurs décennies de développement qui font aujourd’hui de notre pays l’un des leaders mondiaux dans ce domaine. La loi Pacte, qui vient d’être votée par le Parlement, intègre d’ailleurs de nouvelles dispositions visant à favoriser l’actionnariat salarié, y compris dans les PME et les ETI. Il sera en particulier désormais possible pour l’employeur d’effectuer un abondement unilatéral sous forme d’actions, sans que les salariés soient obligés de participer... Et l’abondement destiné à un investissement en titres d’entreprise ne sera plus soumis au forfait social de 20%.

De nombreux avantages

Bénéficiant en France d’une fiscalité avantageuse, l’actionnariat salarié a pour premier objectif de permettre aux collaborateurs de réaliser un bon placement et de constituer une épargne. Les dispositifs utilisés permettent en effet d’acquérir des actions à des conditions préférentielles grâce au rabais sur les prix (décote), au complément versé par l’entreprise (abondement) et aux avantages fiscaux associés à ces dispositifs.

Ces systèmes présentent également l’avantage pour l’entreprise d’augmenter l’implication et la fidélisation des salariés. Selon une étude menée par la société spécialisée Eres, les entreprises ayant une très forte culture d’actionnariat salarié enregistrent ainsi un taux moyen de départs volontaires inférieur à celui des entreprises ayant une faible culture dans ce domaine (7,1 % contre 11,1 %). Ce type de dispositifs permet aussi d’aligner les intérêts des salariés et ceux des managers sur les objectifs de développement de l’entreprise. C’est un bon moyen de renforcer la cohésion et de sensibiliser les salariés aux objectifs économiques et financiers.

L’actionnariat salarié se traduit également par des droits de vote et une participation à la gouvernance de l’entreprise. Dans les sociétés cotées où les salariés détiennent plus de 3 % du capital, un ou plusieurs administrateur(s)sont élus au conseil d’administration ou au conseil de surveillance. L’actionnariat salarié permet ainsi à l’entreprise de bénéficier d’un actionnariat stable et impliqué, favorable au développement de l’entreprise sur le long terme. Il peut aussi constituer un mécanisme de protection contre d’éventuelles tentatives de prise de contrôle (OPA) inamicale de la part d’une entreprise concurrente ou d’un investisseur financier.

Parmi les meilleurs élèves du CAC 40 dans ce domaine, à côté de Bouygues (dont les salariés détiennent un peu plus de 17 % du capital), on trouve des groupes comme Vinci, Essilor, Safran, Société Générale, Axa, Total ou BNP Paribas.

Pour Essilor, un principe fondateur

Essilor, par exemple, a fait de l’actionnariat salarié « un principe fondateur du groupe, un levier de sa réussite et une des clés de sa pérennité ». Dès sa naissance, en 1972, une société regroupant les cadres actionnaires de la nouvelle entreprise s’est en effet constituée. Baptisée Valoptec, elle détient alors 50 % du capital du nouveau groupe. Cette forte implication des collaborateurs va perdurer tout au long du développement international de l’entreprise. Depuis trente ans, Essilor a ainsi lancé un plan d’actionnariat salarié chaque année.

Aujourd’hui, plus de 45 000 salariés de 58 pays (soit 65 % des collaborateurs) détiennent une participation dans le nouveau groupe Essilor-Luxottica. Les salariés sont même le premier actionnaire du groupe, détenant ensemble 8,4 % de son capital. Le déploiement mondial de cet actionnariat traduit la volonté du groupe de « sceller durablement les intérêts des salariés à ceux de l’entreprise autour d’une ambition commune. »

Les collaborateurs étant le premier actionnaire du groupe, ils sont également associés aux grandes décisions d’Essilor. Devenue une association, Valoptec, qui compte 10 000 actionnaires salariés membres, participe activement à la gouvernance du groupe. Elle est représentée par un Conseil d’administration international constitué de seize membres, dont trois font partie du Conseil d’administration d’Essilor et siègent au Comité stratégique, au comité d’audit, au comité RSE et au comité des nominations.

L’engagement à long terme d’Essilor pour promouvoir l’actionnariat salarié comme élément central de sa gouvernance a d’ailleurs été récompensé par le Grand Prix FAS 2018. « Depuis la création d’Essilor, l’actionnariat salarié a toujours constitué un pilier fondamental de la culture du groupe, au cœur de son modèle de gouvernance unique», a rappelé à cette occasion Hubert Sagnières, le président du groupe.

Vinci : les salariés détiennent 10 % du groupe

L’actionnariat salarié est également au cœur de la stratégie RH de Vinci : 120 000 collaborateurs détiennent collectivement 5 milliards d’euros de capital, soit un peu plus de 10 %du groupe. En place depuis 1995,le système d’actionnariat salarié de Vinci est aujourd’hui mature et continue à élargir son périmètre de salariés éligibles, notamment à l’international.« Vinci est une entreprise très décentralisée avec plus de 3 000 entités évoluant dans des secteurs d’activité très différents », explique Stéphane Perrin, le directeur rémunération et avantages sociaux du groupe au mensuel Challenges. « Cette politique est un outil managérial favorisant la cohésion et un sentiment d’appartenance fort au groupe tout en permettant le partage des fruits de la performance ».

Alors que la plupart des entreprises réalisent une opération d’envergure tous les trois ou quatre ans, Vinci s’efforce de proposer une offre par an dans la totalité des pays où il est présent et où la législation le permet… Et même trois offres par an en France ! « C’est dans cette récurrence et cette régularité que se trouve le caractère innovant de notre plan d’épargne », précise Stéphane Perrin. Vinci mise également sur des offres financières attractives pour ses salariés. Il offre un abondement de 50 à 200 %, en fonction des pays et propose diverses facilités de paiement. Cette volonté de développer l’actionnariat salarié est également soutenue par une stratégie de communication interne bien huilée qui mise en particulier sur la sensibilisation des managers et des partenaires sociaux, premiers ambassadeurs de l’actionnariat salarié auprès de tous les collaborateurs. Résultat : le groupe atteint un taux de souscription moyen de 40 %, « parmi les plus élevés du marché ».

Société Générale : retour à la normale

L’actionnariat salarié est aussi une longue tradition à la Société Générale. Durant 27 ans, le groupe a procédé chaque année à une augmentation de capital réservée à ses salariés. A partir de 2014, le groupe a opté pour une périodicité triennale. Mais l’augmentation de capital réservée aux salariés prévue fin 2017 a finalement été ajournée, dans l’attente du règlement de litiges aux Etats-Unis.

Cette page tournée en juin 2018, la banque peut maintenant relancer ce dispositif phare et projette de lancer un plan mondial d’actionnariat salarié en 2019, sans doute en mai ou en juin. Un plan validé par le conseil d’administration du groupe selon L’Agefi, qui rapporte des propos de la directrice des ressources humaines et de la communication du groupe, Caroline Guillaumin, lors d’une réunion plénière du comité social économique et central de la banque. « Tous les salariés ont reçu un email en ce sens, mais les modalités du plan n’ont pas encore été précisées », précise le journal.

Le sujet de l’actionnariat salarié est un sujet culturellement fort à la Société Générale : en 1999, face à l’offre publique d’achat lancée par la BNP, la mobilisation du personnel avait largement contribué à préserver l’indépendance de la banque. Les salariés sont restés depuis le premier actionnaire du groupe, avec 6,17% du capital et 10,91% des droits de vote fin 2018 devant le fonds d’investissement américain BlackRock. Ce dernier exemple illustre bien non seulement l’utilité sociale de l’actionnariat salarié mais également son intérêt et son efficacité pour la préservation des intérêts de l’entreprise.

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