Article co-écrit avec Gwénaëlle Grivel

Article 4 : Les initiatives en GRH. Quid de la diversité au sein de l’entreprise ?

Dans un précédent article nous présentions la diversité comme outil d’image de marque pour l’entreprise. La diversité est également un levier pour la marque employeur : de nombreuses entreprises mènent et promeuvent des politiques de diversité. Que cela signifie-t-il réellement ?

Petit retour historique : un flash-back s’impose

La lutte contre les discriminations au sein de l’entreprise n’est pas récente d’un point de vue législatif. Le principe « à travail égal, salaire égal », par exemple, est apparu en 1948 pour la première fois dans la déclaration universelle des droits de l’Homme[1]. Pour autant, le terme diversité a réellement émergé dans le vocabulaire de l’entreprise à partir des années 2000 notamment avec l’article 13 du traité d’Amsterdam (1997), la charte européenne des droits fondamentaux (2000) et la création de la HALDE (2004). Les trois initiatives proposaient alors une approche indifférenciée de la diversité en listant de manière non-exhaustive et à des fins non-hiérarchisantes (Doytcheva, 2009) les critères de discriminations contre lesquels elles œuvreraient.

Ce cadre juridique antidiscriminatoire étant renforcé, un enjeu de conformité légale apparaissait alors pour les entreprises de manière à éviter un risque juridique potentiellement coûteux. Cette dimension de conformité n’est cependant pas la première raison désormais mise en avant par les entreprises qui préfèrent citer la productivité ou l’image de marque comme origine de leurs politiques en la matière (Doytcheva, 2009).

« Révoltante sur le plan de l’éthique et de la morale, la discrimination des minorités visibles en entreprise est aberrante sur le plan économique. C’est pourquoi lutter contre la discrimination en entreprise n’est pas affaire de compassion mais plutôt d’intérêt bien compris » (Bébéar, 2004).

Ce qui est important, c’est d’agir : action & réaction

De plus en plus d’entreprises mènent ainsi des politiques de diversité et décident d’orienter leurs actions sur ce qu’elles estiment comme étant prioritaire – et ce, le plus généralement sur la base d’auto-diagnostics menés en interne par un groupe de salariés volontaires (Doytcheva, 2009). La plupart de ces politiques semblent donc s’inscrire davantage dans une logique de « petits pas » privilégiant des progrès tangibles à court terme.

« On ne va pas demander à une entreprise la première année d’avoir bossé sur tous les champs, c’est impossible… l’idée, c’est que les gens attaquent le sujet par où ils le veulent mais qu’ils l’attaquent »[2].

Toutes les entreprises n’ayant toutefois pas le même historique, les mêmes pratiques ou la même maturité, la question de la diversité ne peut évidemment pas être adressée uniformément. Chaque entreprise doit en effet conduire ce changement selon sa propre histoire. Il est en revanche important de s’en emparer pour toutes, sans exception !

Un changement qui doit se penser de manière globale

Dans cette perspective, la mise en place de politiques pro-diversité doit être envisagée comme tout autre projet de conduite du changement. Ainsi, faire un état des lieux des pratiques RH et managériales, afin de comprendre où se situe l’entreprise sur le plan de la non-discrimination, semble être la première étape, comme le préconise le cahier des charges de l’ANDRH pour l’obtention du label diversité (Lanquetin, 2009).

Cet état des lieux nécessite néanmoins une réelle volonté des dirigeant·es d’analyser les pratiques de l’entreprise avec un regard objectif et critique. L’auto-congratulation est non seulement inutile mais également contre-productive. Mettre en place une politique de diversité « implique de décortiquer, rationnaliser et, de facto, sécuriser les process RH, du recrutement jusqu’à la gestion de carrière. » (Bruna, 2011). C’est en effet l’ensemble des processus RH qu’il s’agit de repenser. Or, il n’est pas rare de voir le sujet circonscrit, à tort, au seul sujet du recrutement. S’il s’agit du processus RH le plus visible par le grand public, s’atteler au seul recrutement indépendamment des autres processus RH (intégration, gestion de carrière, rémunération, …) pose ensuite un problème pour les personnes nouvellement recrutées. Ces dernier·ères risquent en effet de se retrouver de factoen marge de la norme stéréotypique de l’entreprise. Bien qu’on puisse comprendre qu’il soit difficile de repenser la totalité de l’organisation de l’entreprise, il est néanmoins nécessaire d’adopter une vision globale du changement à opérer. Ceci exige de ne pas s’arrêter à l’étape « confortable » de la discrimination directe dans le recrutement etde repenser de manière holistique (Bruna, Peretti, Yanat, 2016) l’ensemble des pratiques RH et managériales. Cela ne peut s’opérer que dans un temps long.

Une démarche de cette ambition suppose une évolution des mentalités de l’ensemble des acteurs de l’entreprise – dirigeant·es, salarié·es, managers – vers le respect de l’Autre sans distinction de caractéristiques identitaires (âge, sexe, genre, origine, religion…). En vérité, une politique de diversité se résume à une seule exigence, aussi simple à exprimer que difficile à concrétiser : une « exigence d’acceptation de "l’Autre" dans tout ce qu’il "Est", qui est essentielle pour les entreprises et leur permettront de passer du stade de "ressources" à celui de "richesse" humaine ». (Storhaye, 2012)


[1] Et a été renforcé en 1996 par la cour de cassation « l’employeur est tenu d’assurer l’égalité de rémunération entre tous les salariés de l’un ou l’autre sexe, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique ».https://www.courdecassation.fr/publications_cour_26/bulletin_droit_trava...

[2] Selon un des responsables de la « commission diversité » de l'ANDRH


Bibliographie :

Bébéar Claude (2004), des entreprises aux couleurs de la France, Rapport remis au premier ministre

Bruna Maria Giuseppina (2011), diversité dans l’entreprise : d’impératif éthique à levier de créativité, Management & Avenir

Bruna Maria Giuseppina, Peretti Jean-Marie et Yanat Zahir (2016) « Les nouveaux défis de la diversité : totems à dépasser et paris à relever », RIMHE : Revue Interdisciplinaire Management, Homme & Entreprise,

DoytchevaMilena (2009). Réinterprétations et usages sélectifs de la diversité dans les politiques des entreprises. Raisons politiques,

Lanquetin Marie-Thérèse (2009), Egalité, diversité et… discriminations multiples, Travail, genre et sociétés

Storhaye Patrick (2012), le plaisir d’entreprendre, EMS