Entretien avec Dominique Lévy, présidente du groupe de travail « Reconversion des militaires blessés » du Comité Liaison Défense du Medef.
En 2017, Geoffroy Roux de Bézieux, alors vice-président du Medef, s’intéresse à l’avenir professionnel des militaires blessés et réunit des acteurs de la Défense, des associations et des chefs d’entreprise pour aider ces personnes à retrouver une vie professionnelle, hors du monde militaire.
Dominique, quand on parle de militaires blessés, on pourrait très vite tomber dans le fantasme des accès de violence à la John Rambo. Qu’en est-il exactement ?
Il est en effet nécessaire de clarifier ce qu’on entend par « militaire blessé ». Il existe deux grandes typologies de blessures : physique et psychique.
La blessure physique, chez un militaire, peut être une blessure de guerre à la suite d’une explosion ou d’un échange de tirs sur un théâtre d’opérations. La blessure peut également être liée à la préparation opérationnelle, c’est-à-dire à l’entraînement. Elle est plus ou moins sévère et ses séquelles sont plus ou moins handicapantes.
La blessure psychique, quant à elle, résulte d’un événement hors du commun confrontant directement le sujet à la mort ou à un équivalent symbolique. Elle s’exprime à travers différents symptômes constitutifs du trouble de stress post-traumatique : cauchemars à répétition, flash-backs de l’événement traumatique, hyper vigilance, restriction des activités, évitement des stimuli rappelant l’événement traumatique… Mais grâce à une prise en charge médico-psychologique adaptée, l’apaisement de ces symptômes permet peu à peu de reprendre une vie normale.
N’est-ce pas réducteur de parler de militaire blessé ?
Vous avez raison, l’appellation est réductrice, il n’est absolument pas possible de généraliser. Derrière chaque cas, se trouve un individu avec une personnalité, des compétences, etc. qui se sont forgées bien avant la blessure. Une entreprise n’embauche pas, ou ne prend pas en stage, un « militaire blessé » ! Elle embauche, ou prend en stage, un professionnel, avec des valeurs, le sens du collectif et celui de la mission, la loyauté… et, bien sûr, des compétences acquises par la formation et mises en œuvre au quotidien, souvent éprouvées dans des conditions très difficiles. La blessure est un événement de vie qui ajoute une nouvelle dimension à l’individu.
Outre l’attrait pour ces valeurs, très développées dans le monde militaire, qu’est-ce qui fait qu’un chef d’entreprise embaucherait un militaire blessé ?
Actuellement, le monde du travail évoque de plus en plus l’impérieuse nécessité de redonner sa place à l’humain au cœur de l’entreprise. A l’instar des personnes en situation de handicap, les militaires blessés se sont confrontés à leurs faiblesses et en ont tiré des enseignements pour continuer à vivre.
Accueillir au sein de ses équipes un militaire blessé, c’est côtoyer une personne qui nous aidera à déployer pleinement notre humanité dans la sphère professionnelle. C’est également une occasion d’intégrer une personne pleinement consciente de l’importance du travail au cours du processus de réinsertion socio-professionnelle. Et c’est un formidable levier pour renforcer l’esprit collectif, l’engagement et le sens de la mission d’une équipe. Un chef d’entreprise employant plusieurs anciens militaires me disait que son problème n’était pas de les mettre au travail, mais plutôt de les mettre en vacances !
Il n’est certes pas toujours facile pour un chef d’entreprise d’embaucher un collaborateur de plus, même si c’est pour ces bonnes raisons. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe une autre manière d’aider les militaires blessés dans leurs démarches de reconversion professionnelle, c’est le stage d’immersion en entreprise qui peut aller jusqu’à une durée d’un an. C’est du gagnant-gagnant ! Un dispositif gagnant pour le militaire qui va pouvoir éprouver un métier dans un nouveau contexte. Gagnant aussi pour l’entreprise puisque, le militaire étant encore payé par l’armée, ce stage est absolument sans frais salariaux.
Y a-t-il un accompagnement prévu pour les équipes qui vont recevoir la personne ?
Quelles que soient les modalités d’accueil d’un militaire blessé dans une entreprise – stage d’immersion, période d’adaptation en entreprise, etc. -, les structures de la défense idoines – Défense Mobilité, les cellules d’aide aux blessés… - deviennent de véritables partenaires de l’entreprise. Elles assurent le rôle de relais avec l’institution militaire, notamment pour les démarches administratives. Sur le plan médico-psychologique, le militaire blessé est suivi par le Service de Santé des Armées, qui sait l’importance que revêt la réinsertion socio-professionnelle dans le rétablissement du blessé. De plus, lors des stages d’immersion, il est tout à fait possible de mettre en place un accompagnement humain dans le cadre d’un dialogue tripartite entre la cellule d’aide aux blessés, l’entreprise et le militaire blessé. Ainsi, c’est tout un réseau pluridisciplinaire qui se met en place pour renforcer les chances de succès de la reconversion de ces militaires blessés.
Dominique, vous souhaitez que ce processus soit connu pour qu’il offre encore plus d’opportunités à ces militaires blessés. Quel est le point d’entrée pour un chef d’entreprise ou un DRH qui souhaiterait vous suivre dans votre action altruiste ?
Pour découvrir l’ensemble des dispositifs permettant d’accueillir en stage ou d’embaucher un militaire blessé, il est possible de télécharger le guide édité par le Medef « Recruter dans vos équipes un militaire blessé : un engagement pour l’entreprise ».
Mais pour répondre plus directement à votre question, Défense Mobilité est le point focal pour toute entreprise cherchant à recruter des militaires. Le site internet de ce service (www.defense-mobilite.fr) permet de déposer des offres d’emploi et de consulter les CV de militaires en transition professionnelle. Il est joignable au numéro vert 0800 64 50 85 ou encore par e-mail à l’adresse : ard.defense-mobilite-employeurs.fct@intradef.gouv.fr.
Les entreprises souhaitant accueillir quelques mois un militaire blessé en stage d’immersion peuvent prendre contact avec la Cellule d’Aide aux Blessés de l’Armée de Terre (CABAT) au 01 44 42 39 58.
Les dispositifs facilitant l’accueil de militaires blessés en entreprise ont fait leurs preuves et les témoignages de chefs d’entreprise et de directeurs des ressources humaines sont éloquents. Mais je voudrais laisser le mot de la fin à des militaires parlant de leurs blessures et de leurs souhaits de retrouver une activité professionnelle. Je vous propose donc cette interview, filmée à l’occasion d’une conférence-débat du MEDEF en mars 2019.
Newsletter RH info
INSCRIVEZ-VOUS !