Temps de travail et minima conventionnels : attention aux amendes administratives

Les employeurs le savent, l’inspection du travail peut venir les contrôler sur toute la législation du travail dans le cadre de contrôles inopinés.

Les pouvoirs de l’inspection du travail en termes de contrôle sont particulièrement étendus puisqu’elle peut avoir accès à tout document qu’elle jugerait utile pour s’assurer du respect de l’employeur de la législation.

Cependant, les pouvoirs de l’inspection du travail en matière de sanction (et heureusement) sont quant à eux limités et fonctions de textes très spécifiques.

L’occasion est donc toute trouvée pour alerter le public attentif de la communauté rhinfo sur les risques relatifs à l’amende administrative.

Disons-le, l’amende administrative est devenue le nouveau bras armé de l’inspection du travail, les sanctions encourues étant particulièrement incitatives d’un point de vue financier.

L’amende administrative, c’est un peu d’URSSAF qui vient se greffer à l’inspection du travail et partant une nouvelle épée de Damoclès pour les employeurs.

Qu’est-ce qu’une amende administrative ?

Il s’agit d’une sanction financière décidée par le Directeur Régional des Entreprises, de la Concurrence du Travail et de l’Emploi lorsque l’employeur ne respecte pas certaines règles, principalement en matière de temps de travail, comme par exemple le non-respect des durées maximales de travail, les temps de repos minimum, le décompte de la durée du travail etc.

Cette sanction peut être très couteuse pour l’employeur comme nous le verrons plus tard et comporte donc un fort enjeu pour les entreprises.

Pourquoi l’amende administrative ?

La question du pourquoi tel ou tel dispositif de sanction est créé est bien peu souvent abordée et pourtant, elle renseigne particulièrement bien sur les objectifs fixés par le Gouvernement, et par conséquent, sur les risques encourus pour ceux qui font face audit nouveau dispositif de sanction.

Une fois n’est pas coutume, nous vous proposons donc un aperçu macro de l’amende administrative afin que vous puissiez avoir pleinement conscience du rôle que va jouer l’amende administrative dans le futur des relations employeur/inspection du travail.

Afin de renforcer l’effectivité du droit du travail, c’est-à-dire, assurer le respect par les employeurs des règles édictées, le législateur a créé un véritable arsenal d’infractions à la législation sur le temps de travail.

Dans ce cadre, il entre tout naturellement dans les missions de l’inspection du travail de constater les infractions à la législation du travail, certains textes venant d’ailleurs le rappeler spécifiquement notamment dans le domaine du transport routier.

Cependant, il convient de distinguer l’opération de contrôle de la sanction, la personne pouvant prendre la sanction n’étant pas systématiquement l’inspection du travail.

Sauf dérogation spécifique, le principe est le suivant : l’inspection du travail constate une infraction à la législation du travail, dresse un procès-verbal qu’elle transmet au procureur de la République qui décide seul des suites à mener.

Conscient que cette pratique avait très peu d’impact sur les employeurs, le Gouvernement a, par ordonnance en date du 7 avril 2016, créé un dispositif d’amendes administratives, qui permet au Directeur Régional des Entreprises, de la Concurrence, du Travail et de l’Emploi dans des conditions particulières de prononcer des sanctions administratives, c’est-à-dire, des contraventions, à l’égard des employeurs irrespectueux de certaines dispositions limitativement visées.

L’inspection du travail peut donc être confrontée à plusieurs choix et notamment celui de ne pas sanctionner l’employeur et c’est d’ailleurs ce que rappelle la convention de l’organisation internationale du travail n°81 en précisant que : « Il est laissé à la libre décision des inspecteurs du travail de donner des avertissements ou des conseils au lieu d’intentent ou de recommander des poursuites ».

Il est important d’avoir conscience que l’objectif du Gouvernement est globalement d’inciter à la sanction, tel qu’il en résulte notamment de l’instruction de la direction générale du travail n°2016/03 du 12 juillet 2016 :

« La stratégie de sanction a vocation à être intégrée dans la conception des stratégies d’actions en direction des entreprises. En effet, l’exercice des pouvoirs renforcés de sanctions de l’inspection du travail, résultant notamment de l’ordonnance du 7 avril 2016, constitue une condition essentielle de l’effectivité du droit du travail. La montée en compétence requise de nos agents et de nos organisations sera atteinte par le déploiement de formations, la mise en œuvre effective, individuelle et collectivement réfléchie, des nouveaux outils de sanctions, et la mise en place de retour d’expérience ».

Que sanctionne l’amende administrative ?

Le scope de l’amende administrative est strictement et limitativement visé par les dispositions du code du travail (pour les amateurs de droit : article L.8115-1 du Code du travail).

Il porte sur toute infraction pour :

  • violation de l'interdiction d'employer un jeune moins de 18 ans à des travaux interdits ou réglementés ;
  • non-respect des durées maximales de travail quotidiennes et hebdomadaires ;
  • non-respect du repos minimum quotidien et hebdomadaire ;
  • absence de décompte de la durée de travail ;
  • non-respect du Smic et des minima conventionnels ;
  • manquements concernant les installations sanitaires, la restauration et l'hébergement ainsi que, dans le secteur des travaux de bâtiment et génie civil, les manquements aux mesures de protection concernant l'hygiène et l'hébergement.

Quelle est le coût de l’amende administrative ?

Le montant maximal de l'amende est de 4 000 € et peut être appliqué autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés par le manquement.

Le plafond de l'amende est porté au double (donc 8 000 €) en cas de nouveau manquement constaté dans un délai de deux ans à compter du jour de la notification de l'amende concernant un précédent manquement de même nature.

Il est majoré de 50 % en cas de nouveau manquement constaté dans un délai d'un an à compter du jour de la notification d'un avertissement concernant un précédent manquement de même nature.

Prenons un exemple :

Une entreprise ne respecte pas les dispositions relatives au repos hebdomadaire et en particulier le droit à 35 heures consécutives.

Sur une semaine considérée, l’inspection du travail lors de son contrôle constate 1 manquement donnant lieu à 1 amende.

Ce manquement concerne 3 salariés qui n’ont pas bénéficié du repos hebdomadaire, il convient alors de multiplier le montant maximal de l’amende encouru par le nombre de salariés concernés par l’infraction.

Ainsi, si 3 salariés sont concernés par le manquement, la sanction encourue est de 3 x 4000 € soit 12 000 €.

Quelle est la procédure que doit suivre l’inspection du travail ?

L’inspecteur du travail doit à l’issue de son contrôle :

  • dresser un procès-verbal de constat qui doit être transmis au Procureur de la République
  • ainsi qu’un rapport qu’il transmet au Directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation et du travail (que l’on appellera pour la suite le Directeur de l’inspection du travail pour plus de simplicité)

En effet, seul le Directeur de l’inspection du travail peut prononcer une sanction de sorte qu’il est impératif qu’il ait connaissance des fondements tant juridiques que factuels qui amènent un de ses agents à proposer une sanction administrative.

Puis, le Directeur de l’inspection du travail précise à l’employeur le montant de l’amende envisagée et l’invite par ailleurs à présenter ses observations dans un délai de 15 jours.

Sachez-le, en pratique, le Directeur adresse un courrier ou un mail à l’employeur contenant le rapport de l’inspecteur du travail et lui propose un rendez-vous pour échanger sur le dossier.

Ce n’est qu’à l’issue de cette période contradictoire que le Directeur de l’inspection du travail prend sa décision qu’il peut notifier par tout moyen permettant d’assurer date certaine, donc par exemple par mail.

Sa décision doit non seulement être motivée mais par ailleurs préciser les voix et délais de recours.

Quels sont les critères d’appréciation pris en considération par le Directeur de l’inspection du travail afin de prendre sa décision ?

Le Directeur de l’inspection du travail doit prendre en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges.

Ainsi par exemple, sont des critères qui ont pu être pris en considération :

  • la formation des directeurs d’établissements sur le temps de travail
  • la mise en place d’un contrôle renforcé de la durée du travail
  • le fait d’avoir pris la décision suite au contrôle d’être accompagné par un cabinet d’avocat expert en droit du travail
  • etc.

Le Directeur pourra ainsi soit réduire sensiblement la sanction, soit prononcer un avertissement qui constitue une sorte d’observation pour l’avenir de l’URSSAF.

Sachez le, en pratique, un véritable dialogue s’instaure avec le Directeur

En d’autres termes, la sanction n’est pas automatique même quand l’infraction est constituée, ce qui nécessite de bien creuser le dossier ainsi que la manière dont il sera répondu aux différents interlocuteurs pendant la procédure (inspecteur du travail + directeur de l’inspection du travail).

Qu’en conclure ?

Le temps de travail constitue un des aspects les plus fondamentaux en matière de droit du travail et les risques d’une mauvaise gestion de son temps de travail, au-delà bien évidemment de la question de la productivité, sont très nombreux.

Être proactif en termes de temps de travail est donc essentiel non seulement d’un point de vue positif, c’est-à-dire, construire une entreprise tournée vers la productivité, mais également un peu moins positif, c’est-à-dire limiter les risques tant prud’hommaux, qu’administratifs (URSSAF, Inspection du travail etc.).

Penser une organisation du temps de travail, c’est réfléchir non seulement à l’organisation elle-même et à son adaptation aux besoins de l’entreprise (forfait jours, annualisation du temps de travail etc) mais également (et surtout) aux outils de contrôle du temps de travail. Bien évidemment, cette démarche n’est pas réservée aux grandes entreprises, les TPE ayant bien des moyens de s’organiser notamment depuis la facilitation de la négociation collective par les ordonnances MACRON.

Tags: Code du travail