Diversité / discrimination / Egalité : Que dit la loi ?

Diversité, discrimination, égalité des chances, sont autant de notions présentes désormais dans le langage de l’entreprise. Les politiques de promotion de diversité et la lutte contre les discriminations semblent désormais faire partie du paysage professionnel. Mais que dit réellement la loi ? Dans un contexte politique où l’état continue de s’emparer de ces sujets et de légiférer sur ces questions, il est important de savoir où l’on en est exactement.


Discrimination : Les définitions officielles

Toute décision d’un employeur doit être prise en fonction de critères professionnels et non personnels. La discrimination comme définie dans la loi (loi du 27 mai 2008, modifiée en 2016) relève d’une distinction de traitement : il y a discrimination lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable que ne l’a été ou ne l’aurait été une autre personne dans une situation comparable. Cette même loi définit également la discrimination indirecte comme étant une “disposition, critère ou pratique neutre en apparence mais susceptible d’entrainer (...) un désavantage particulier (...)”. L’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 liste l’ensemble des critères sur lesquels une entreprise ne peut baser ses décisions, choix ou processus... Cette liste comprend des mentions comme le sexe, l’âge, le genre, les convictions religieuses... et est évolutive. Le dernier critère ajouté est la domiciliation bancaire par la loi du 28 février 2017 sur la “programmation relative à l’égalité réelle outre-mer”.

L’article L. 1132-1 du code du travail précise qu’aucun de ces motifs ne justifie d’écarter une personne d’une procédure de recrutement, de l’accès à une formation ou d’une promotion professionnelle, ni de sanctionner un•e salarié•e notamment en matière de rémunération. On comprend ainsi, que ces critères prohibés s’appliquent à l’ensemble du cycle de vie professionnelle.

Des lois entrainant des obligations pour les entreprises :

- Obligation de formation : Article L1131-2 Dans toute entreprise employant au moins trois cents salarié•es et dans toute entreprise spécialisée dans le recrutement, les employé•es chargé•es des missions de recrutement reçoivent une formation à la non-discrimination à l'embauche au moins une fois tous les cinq ans.

- Obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) : Les entreprises d’au moins 20 salarié•es sont tenues d'employer à plein temps ou à temps partiel des travailleur•euses en situation de handicap dans une proportion de 6 % de l'effectif total de l'entreprise. Les établissements ne remplissant pas cette obligation doivent s'acquitter d'une contribution à l'Agefiph. Cette proportion est toujours applicable aujourd’hui, seules les modalités de calcul changent suite à la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 “pour la liberté de choisir son avenir professionnel” qui entrera en vigueur le 1er janvier 2020.

Obligation de représentativité : La loi Copé-Zimmerman impose depuis 2017 aux entreprises de plus de 500 salarié•es et réalisant plus de 50 M€ de chiffre d’affaires de compter au moins 40 % de femmes dans leurs conseils d’administration. Cette obligation devra également être atteinte en 2020 pour les entreprises de 250 à 499 salarié•es et ayant plus de 50 M€ de chiffre d’affaires.

Et la diversité ?

Si les notions de discrimination, et de lutte contre les pratiques discriminantes, sont présentes dans les textes de loi, et constituent d’ailleurs l’objet d’une Haute Autorité (HALDE), la notion de diversité qui lui est souvent associée dans le langage courant, est quant à elle absente de la sphère législative. Aucun texte de loi ne définit la diversité en entreprise. D’ailleurs, l’introduction du vocabulaire de la diversité, aurait conduit à opérer un glissement sémantique (Bereni, 2009) tenant à distance les dimensions juridiques et militantes de la lutte contre les discriminations. Ainsi, chaque entreprise définit, pour elle, ce que signifie “promouvoir la diversité” et les types d’actions qu’elle veut mettre en place dans ce cadre, conduisant parfois à une certaine confusion et à une démarche ambigüe (Montargot, Peretti, 2014)

Egalité, de quoi parle-t-on ?

L’égalité est inscrite dans la devise de la République française. On ne peut parler de lutte contre la discrimination sans parler d’Egalité puisque c’est là la finalité de l’ensemble de ces lois. Mais de quoi parle-t-on réellement lorsque l’on parle d’Egalité en France ? L’égalité des droits est un principe républicain inscrit dans la convention de 1848, reprenant ainsi la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. “Tous les citoyens étant égaux à ses yeux (de la loi), sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autres distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents". On parle alors d’égalité de traitement : La loi est la même pour tous, les mêmes droits sont accordés aux citoyen•nes, les particularismes ne sont pas reconnus. Le risque alors, est de reproduire les écarts existants au départ dans la société et de ne pas conduire à une égalité de fait (Montargot, Peretti, 2014). L’enjeu pourtant est bien celle de “l’égalité de fait, visible dans les résultats” (Bender, 2004).

Légiférer n’est alors pas suffisant. Prenons l’exemple du sujet de l’égalité Femmes Hommes en entreprise. La première occurence de l’impératif “à travail égal, salaire égal” remonte à 1946 dans le préambule de la constitution du 27 octobre 1946 : “la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme” repris en 1948 dans la déclaration universelle des droits de l’Homme (article 23) “Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal” et inscrit dans le code du travail en 1972. Cette loi est complétée par la loi Roudy (1983) - qui demande aux entreprises de mesurer les inégalités professionnelles avec Le Rapport de Situation Comparée - cette loi Roudy est renforcée par la loi Génisson (2001) qui rend le Rapport de Situation Comparée obligatoire et instaure l’obligation de négociation avec les partenaires sociaux sur l’égalité professionnelle. Visiblement, ce n’est pas suffisant puisqu’en 2011 apparait la loi Copé-Zimmerman, sans oublier en 2014 la loi de Najat Vallaud-Belkacem pour l’égalité RÉELLE entre les femmes et les hommes. Et cette année, encore, un projet de loi est en cours, mené par Marlène Schiappa. Bref, de nombreuses lois et pourtant encore des inégalités. Il est important de légiférer pour plusieurs raisons : initier le mouvement dans les entreprises parfois par la contrainte, amener dans le débat public des sujets de sociétés permettant la prise de conscience collective... Légiférer ne semble cependant pas suffisant.

Pour les entreprises, “S’il est impératif de se conformer à la loi, il faut aller bien au-delà pour promouvoir une politique de promotion de la diversité.” (Montargot, Peretti, 2014). L’égalité de traitement, n’est alors pas suffisante pour permettre une égalité réelle de situation et de faits. Il est parfois nécessaire de recourir à des actions plus volontaristes et de promouvoir l’égalité des chances, permettant une meilleure équité entre les individus.


Pour aller plus loin :

https://lentreprise.lexpress.fr/rh-management/droit-travail/discriminati...

http://8mars.info/loi-sur-l-egalite-salariale

https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/voici-40-ans-legalite-salarial...


Sources :

• Anne-Françoise Bender (2004), Egalité professionnelle ou gestion de la diversité, quels enjeux pour l’égalité des chances ?, revue française de gestion

• Laure Bereni (2011), le discours de la diversité en entreprise : génère et appropriation, sociologies pratiques

• Nathalie Montargot & Jean-Marie Peretti (2004), Regards de responsables sur les notions d’égalité, non discrimination et diversité, management & avenir

Tags: Code du travail