De nombreuses enquêtes attestent de la difficulté qu’il y a à établir un équilibre réel entre vie professionnelle et vie privée. Celle du Cabinet Robert Half, publiée en 2018 sous le nom « Work Happy », faisait apparaître que « 65 % des sondés français sont insatisfaits de leur équilibre vie pro-vie perso ». En 2019, les difficultés liées aux problématiques de la déconnexion pendant les temps légaux de repos ont été soulignés par des articles divers, dont celui très éclairant de la juriste Alexandra Marion. Rappelons que le droit à la déconnexion est prévu par le code du travail depuis le 1er janvier 2017.

En même temps, il est aisé pour chacun de nous de constater que les “frontières” entre vie privée et vie professionnelle sont devenues de plus en plus poreuses ; souvent de notre fait d’ailleurs. Et peut-être même cette notion de “frontière” est-elle devenue aujourd’hui très paradoxale et inadaptée pour traiter de la problématique de “l’équilibre” entre vie privée et vie professionnelle, ainsi que Patrick Storhaye l’avait évoqué dans un article paru sur RH info. Car enfin, l’important n’est-il pas de n’avoir qu’une vie, et de trouver ainsi notre unité de personne humaine, que ce soit au travail ou en dehors ?

L’exemple des salariés au forfait jour : un casse-tête pour les RH

Certains salariés ont un temps de travail hebdomadaire défini, et la vérification en est faite par pointage. Cela ne les empêche pas de travailler plus, mais ils peuvent alors apporter la preuve d’heures supplémentaires effectuées, à moins qu’ils ne consentent – indûment en termes de droit – à du télétravail gris…

D’autres salariés bénéficient d’un contrat au forfait jour. Selon l’article L 3121-46 du Code du travail, l’employeur est alors tenu d’organiser un entretien annuel individuel avec chaque salarié concerné, une fois par an. L’employeur doit en effet obligatoirement respecter les obligations légales en matière de repos quotidien (11 heures consécutives minimum), de repos hebdomadaire (35 heures) et de congés payés (article L 3121-43 C. trav.), ainsi que le rappelle cet article de Juritravail.com.

Le problème est que cet entretien annuel ne prend sa consistance que sur les déclarations des salariés, sans moyens de vérification et/ou de contrôle effectif. Nous entrons alors dans la difficile question de la confiance ; du rapport de l’individu à son travail, à son mode d’organisation personnelle, à la gestion d’une autonomie certes motivante… mais à laquelle la loi impose des limites dont l’entreprise et sa GRH demeurent responsables : un vrai casse-tête. Respecter la loi tout en insufflant une véritable dynamique positive d’engagement ; surtout avec le développement du télétravail.

Entre quantité et qualité du travail : quelle souplesse pour la DRH ?

Contrairement à ce qui se dit ici ou là, la plupart des salariés veulent en effet s’investir dans leur travail de manière épanouissante. Un livre blanc publié en France en décembre 2019 par ADP, « Pourquoi nous travaillons », rassemble des réflexions, issues de nombreuses enquêtes et études. Ce livre blanc situe bien la question : en contribuant à une œuvre, l’individu réalise quelque chose de lui-même, satisfaisant à la fois son besoin d’appartenance à un collectif et la valorisation de son unicité, de son pouvoir personnel, lui permettant d’être inspiré : « L'inspiration se fait jour lorsque notre propre but dans la vie se rapproche du travail que nous effectuons. Elle se manifeste par la création d'un sens et d'une estime de soi. Grâce à l'inspiration, le travail devient bien plus qu'un simple emploi. (…) Dans l'idéal, nous devrions pouvoir réunir travail et vie privée de manière à aller au-delà du simple équilibre. Une expérience de travail stimulante supprime les lignes de division et permet d'embrasser cette harmonie qui nous donne le sentiment d'être vrai, intègre, et en définitive pleinement humain. »

Pas si simple de créer de telles condition, n’est-ce pas, tant pour la DRH que pour les managers de proximité qui en relaient à la fois l’opportunité et les contraintes ! Comment mettre cela en place ? « Les employeurs les plus remarquables sont ceux qui parviennent à créer une culture d'entreprise qui fait ressortir le meilleur des personnes qui composent l'organisation et, réciproquement, leur offre une expérience qui leur permet de se réaliser sur le plan personnel également. »


Découvrir le livre blanc


Bien souvent, le travail nous éloigne de notre personnalité intrinsèque ainsi que des valeurs et émotions qui nous définissent. Nombre de salariés décrivent une certaine forme de schizophrénie entre leur vie privée et leur vie professionnelle.

Il y a donc là un véritable enjeu pour les RH : non pas seulement comment remettre l’homme au cœur de l’entreprise, mais aussi et peut-être surtout : comment remettre l’entreprise dans le cœur des hommes et des femmes qui y travaillent.

Une réflexion à poursuivre, assurément !

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