Les citoyens sont de plus en plus convaincus de l'urgence d'agir pour sauvegarder la planète. Mais le chemin à parcourir est encore long et implique une meilleure prise en compte du développement durable. Les DRH se sont-ils vraiment emparés de la question ? Comment se positionnent-ils vis-à-vis de « l'écologie humaine » ?


Être écolo, c'est dans « l'air » du temps

L'agenda 2030, signé par les 193 états de l'ONU, annonce des objectifs qui assurent la transition écologique et solidaire, et qui sont aussi orientés vers l'humain, notamment l'égalité des sexes, l'éducation pour tous, le droit à un travail décent, la réduction des inégalités... Ces ambitions font appel à la responsabilité de chacun et de tous.

Aujourd'hui « être écolo » est plutôt bien perçu et certains éco-gestes sont presque devenus une évidence, comme le tri des déchets ou le développement progressif des transports doux. Mais si « être écolo », c'est agir pour la planète, la notion considérée de manière isolée et individuelle est réductrice : elle fait l'impasse sur une approche plus systémique du sujet. En effet, l'écologie s'insère dans le concept plus global de « développement durable », qui prend en compte à la fois nos intérêts environnementaux, économiques et sociaux. Tous les pans de la société sont concernés.

Les DRH sont-elles « responsables » ?

De nombreuses entreprises et DRH communiquent à l'externe sur les actions qu'elles déploient et les éco-gestes qu’elles promeuvent : tri sélectif, entreprises locales privilégiées et circuits courts, réduction de l'empreinte environnementale, incitation au covoiturage...

Certains, moins nombreux, ont bien compris l'impact que le développement durable avait sur les ressources futures et essayent d’investir le sujet.

D’autres enfin se sont réellement saisis de la question du développement durable puisque celui-ci légitime le fondement même de leur existence. En d'autres termes, c'est leur raison d'être et leur manière de faire (Cf. Nature et découvertes).

Si les organisations les plus investies ont mis en place une démarche de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE), avec des actions en faveur de l'environnement, celle-ci n'est pas toujours aboutie et a tendance à délaisser le volet social et RH. De plus, si certaines d'entre elles ont choisi ce créneau pour communiquer à l'externe, c'est aussi parce que cela renvoie une image positive et attractive. Elles valorisent ainsi leur marque employeur à moindre frais. La RSE apparaît alors davantage comme un moyen de séduire.

La sincérité et la pertinence écologique de telles démarches peuvent être questionnées. Est-ce que la distribution de corbeilles de fruits ou le fait d'offrir des cours de yoga à ses salariés suffit à la qualité de vie au travail ? Est-ce que cela rend l'entreprise « responsable » ? Que dire de ces entreprises qui prônent à l'externe et sur leur site web les circuits courts et dont les membres du CODIR ont un SUV comme voiture de fonction ? Qu'en est-il de celles qui impriment sur du papier recyclé mais qui chauffent autant leurs locaux le week-end ?

Ainsi, contrairement à l'image affichée, ces actions de communication, lancées pour séduire les salariés et attirer les candidats, ne sont que des coups d'épée dans l'eau. Elles sont minimalistes et éphémères, au sens où elles ne servent pas la marque employeur sur la durée et font rarement partie d'une stratégie globale. C’est adresser que la partie émergée de l’iceberg. Elle risque de fondre comme neige au soleil.

Alors, comment reconnaît-on un DRH écolo ?

Pourtant, le DRH a le pouvoir et le devoir de dire non à ce type de démarche. Pour ce faire, il faudrait qu'il passe du courage à l’audace.

C'est celui qui fait preuve d'audace

Le courage, c’est manager au mieux les chocs exogènes qu’on impose aux professionnels des RH : chocs juridiques, organisationnels, technologiques ou encore budgétaires. L’audace, c’est se saisir d’un sujet en lien avec sa mission première, cela comporte une prise de risque intrinsèque. Les DRH sont courageux mais pas assez audacieux. Ce qui, désormais, nuit à leur mission originelle.

Ce manque de prise de risque peut s'expliquer par le fait que l’activité RH a toujours été guidée majoritairement par les aspects technico-juridiques. Le R de DRH a d’ailleurs été longtemps celui du Risque social à mettre sous contrôle, de la Réglementation légale à appliquer, des Règles procédurales à respecter. Un cadre contraignant et important qui ne doit plus constituer la pierre angulaire de la fonction RH.

En effet, dans la société actuelle, le cadre d’action du DRH doit aussi être celui du business, du projet d’entreprise et de l’ambition humaine qui l’accompagne. En parallèle, le DRH doit mieux ancrer l'entreprise dans l’écosystème social et économique que forme la société. Comment ? En prenant mieux en compte les attentes des parties prenantes, leurs interactions et le cadre dans lequel elles évoluent.

C'est celui qui écoute et se nourrit des parties prenantes

Quels sont les besoins des candidats, salariés, clients, partenaires, fournisseurs, actionnaires ? Quels sont leurs désirs, leurs frustrations, leurs irritants du quotidien ? Le rôle du DRH est d’écouter sincèrement, attentivement et professionnellement, avec méthode, avec des outils, des processus, des compétences et la posture adéquate. Appelons ça du marketing RH, même si l’application du marketing au management des RH peut être considérée par certains professionnels RH comme une hérésie. Avec ce genre de réaction, ces derniers alimentent eux-mêmes ce que l’on peut reprocher à la fonction RH : un manque de curiosité et d’ouverture, une déconnexion avec le corps social, une sorte de bureau des pleurs sans lendemain ou, pire, le bras armé aveugle de la direction.

C'est celui qui suscite les interactions

La fonction RH doit se concentrer sur le lien. Les RH sont des tisseurs, des relieurs, des entremetteurs. Ils doivent se préoccuper du lien. Pas du lien de subordination et de sa licéité sous-tendue par le contrat de travail. Non, du lien social, celui qui permet de passer de la collaboration (le partage du labeur, de la difficulté, du sang des larmes et de la sueur) à la coopération (le partage du bien commun, de l’opus, de l’œuvre à réaliser ensemble). Le R de DRH doit prendre toute sa place ; c’est le R qui Relie le D de la Direction, celle qui donne le sens à l’action, et le H d’Humain.

Alors, le DRH doit-il être écolo ? Être écologiste, c’est faire écho au monde contemporain. C’est résonner et raisonner. L’écologie est une science qui étudie les êtres vivants dans leur milieu en tenant compte de leurs interactions. N’est-ce pas le propre du DRH que d’entreprendre cette démarche au sein de son organisation ?

Le DRH a donc un rôle majeur à jouer en impulsant une synergie interne autour d'un projet collectif de développement durable, afin de permettre à l'entreprise de respecter ses engagements et même d’étendre sa responsabilité sociale, sociétale et environnementale.

Ainsi, replacer l'humain au cœur de l'entreprise agit à la fois sur la responsabilité sociale individuelle et collective, et offre une image de l'entreprise durable à laquelle il est possible d'adhérer pleinement.

Le DRH du XXIe siècle doit être l’écologiste de l’entreprise pour que celle-ci puisse enfin concilier l’économique, le social et l’environnement.