Voilà une question qui apparaitra sans doute à de nombreux lecteurs comme une provocation. Et pourtant ! Une étude récente de Cadre-Emploi, menée par l’IFOP, sur le rapport au travail des cadres nous révèle que « 58 % ne se sentent plus en adéquation avec les valeurs de l’entreprise » et que 57 % déclarent « ne plus rien apprendre » ; et s’ils ne démissionnent pas, c’est à 65 % pour des raisons personnelles… Voilà un tableau plutôt inquiétant concernant tout de même ceux qui sont censés insuffler de la cohérence et de l’engagement auprès des collaborateurs de l’entreprise !

Qualité de vie et qualité du travail : inséparables !

Dans un article paru sur RH info, je plaidais pour « une qualité du travail dans la vie » comme fondement d’une Qualité de Vie au Travail (QVT) qui demeure souvent une arlésienne : dans notre dernière enquête, menée essentiellement auprès de la population RH, 22,6 % estiment que leur entreprise « ne s’intéresse pas du tout » au bien-être au travail, ou alors, pour 55,6 %, « de manière superficielle ». Sic !

On ne peut qu’être étonné de voir tant de cadres bien payés, tant de commerciaux très bien récompensés… qui se plaignent d’un manque de reconnaissance, rejoignant dans leur malaise beaucoup de salariés quant à eux moins bien lotis ! Au risque de me répéter, je pense que cela nait d’une confusion dommageable : nous sommes “récompensés” pour ce que nous avons fait, mais nous sommes “reconnus” pour ce que nous sommes. Cela n’a presque rien à voir. La récompense se base sur un constat factuel à un moment donné du temps – de l’année, par exemple. La reconnaissance demande de prendre en compte la vie tout au long l’année, dans son déroulé objectif comme dans son épaisseur subjective et émotionnelle. La reconnaissance vient marquer une qualité qui est reconnue à la personne elle-même, dans son implication et dans son développement !

Dans un livre blanc remarquable sorti récemment, « Pourquoi nous travaillons » – que je ne me lasse pas de recommander –, les auteurs affirment que « nous ressentons le besoin de savoir que notre contribution professionnelle est valorisée. Être vu, entendu et valorisé de façon unique nous permet de révéler notre potentiel et de définir notre « éthique de travail » tant sur le plan professionnel que personnel. (…) Lorsque nous voyons nos propres valeurs se refléter dans l'ADN de l'organisation qui nous emploie, un sentiment d'appartenance se fait jour. Le sens, la raison d'être et la direction que nous cherchons dans notre propre vie s'en trouvent alors validés. » Quand on parle de « l’expérience collaborateur », n’est-ce pas cela qui est visé ?

Éthique du travail et conscience professionnelle

Dans les questions de plus en plus délicates de l’attrait et de la fidélisation des talents, devenues un vrai casse-tête pour nombre de DRH, il ne s’agit pas d’autre chose : comment surmonter la schizophrénie de plus en plus marquante et persistante entre le salarié et l’individu ? Entre le collaborateur et le citoyen ? Entre le professionnel et la personne ? Car enfin, nous n’avons qu’une vie, et ceux qui ont du potentiel – c’est à dire chacun et tous, si l’on y prête attention – ne veulent plus la perdre à seulement tenter de la gagner. Voilà aujourd’hui une vraie question : pourquoi travaillons-nous ? Je cite encore le même livre blanc : « Être considéré comme un individu unique au sein d'un collectif humanise notre expérience et valide notre parcours personnel sur lequel nous cheminons tous. (…) Lorsque nous ressentons cette approbation en notre for intérieur, nous comprenons que notre éthique de travail revêt un plus grand sens. Elle est devenue notre « conscience professionnelle », et nous nous rappelons alors qu'en tant qu'individus, nous sommes uniques, précieux et méritants. »


Télécharger le livre blanc « Pourquoi nous travaillons » sur RH info


« Il n’y a qu’un luxe véritable : les relations humaines ». Saint Exupéry

Dire que la confiance est nécessaire aux relations humaines est un fait psychologique et sociologique incontestable : tout projet partagé ou œuvre commune repose sur elle ; et sans elle il reste difficile de travailler avec les autres. « La satisfaction au travail est intimement liée aux relations que l'on noue. Les collaborateurs affichant une grande satisfaction sont aussi ceux qui font part du plus haut degré de relations avec leurs collègues. »

La difficulté est de parvenir à discerner les différents éléments qui constituent cette confiance et de trouver leur unité.« Les recherches indiquent qu'une expérience professionnelle motivante, dans laquelle on s’accomplit, se constitue de quatre dimensions essentielles :

1. la contribution effective à un projet qui a du sens pour nous ;

2. le sentiment d'appartenance à un collectif où l’on trouve pleinement sa place ;

3. le fait de s’impliquer dans une démarche ambitieuse qui nous inspire ;

4. la certitude d’être reconnu pour ce que l’on est vraiment.

Idéalement, ces dimensions ne se succèdent pas dans un tracé linéaire, mais interviennent de façon cyclique lorsque, par l'intermédiaire d'évolutions, les collaborateurs poursuivent leur parcours en développant leur engagement. »

Nous retrouvons ici la définition que j’avais proposé de « l’empowerment » : il consiste en ce que tous les acteurs de l’entreprise sachent et puissent œuvrer pour que la collaboration, la force du collectif, confère à chacun un pouvoir d’initiative, une capacité d’action et de développement de ses potentiels. Ce pouvoir « individuel » est fondé sur le triptyque confiance – autonomie – responsabilité. Ce pouvoir, dans sa nature, se déploie donc au service du collectif ; du développement d’une communauté autour d’un bien commun.

La qualité du travail ne pourra, à l’avenir, faire l’impasse sur cette réalité humaine. L’enjeu en est autant pour l’individu que pour le collectif… et donc pour l’entreprise.

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