Difficile d’ignorer les réseaux sociaux (RS) quand on cherche à développer sa marque employeur pour attirer les candidats et mobiliser les collaborateurs. Guère étonnant que certaines entreprises offrent à leur DRH une seconde casquette, celle de la Direction de la communication. Au-delà de leur capacité bien connue de toucher des candidats potentiels, les RS peuvent également renforcer la dimension communautaire par la mise en visibilité de certains événements vécus par les collaborateurs en place. En quoi les RS ont-ils potentiellement un effet positif sur les dynamiques internes et quelles précautions les DRH peuvent-elles prendre pour en faire un outil au service de la cohésion ?

La visibilité permet la conscientisation

La diffusion de Tweets ou de posts LinkedIn montrant des salariés participer à un projet, à un événement festif ou à une formation favorise la prise de conscience individuelle et collective des moments passés dans l'entreprise. Les “J'aime” et les commentaires des uns et des autres peuvent susciter une forme d’enthousiasme à l'égard de situations qui auraient pu tomber dans la routine, dans la trappe du rush quotidien. Car faire vivre des expériences positives aux collaborateurs est une chose, les aider à les revivre pour les conscientiser en est une autre. C’est ce second point, souvent négligé, que permet précisément un usage approprié des RS. Les enjeux au niveau des collaborateurs sont multiples : développer leur capital confiance, entretenir leur appétence à l'apprentissage, renforcer la cohésion des équipes. En plus des publications évoquant des tranches de vie de l’entreprise, certaines DRH partagent régulièrement des tribunes ou des vidéos qu’elles prennent soin de commenter pour en justifier l’intérêt. C’est une façon de transmettre des messages en interne et en externe sur les questionnements, les centres d'intérêt et la vision de la DRH, et plus largement de la Direction.

Trois précautions à prendre.

1/ Réduire les risques d’un effet boomerang

Qu’il s’agisse de la diffusion sur les RS d’événements internes ou de partages de tribunes/vidéos, la communication n'a de sens que si elle renvoie à une réalité managériale. Ce qui importe c'est d'abord l'authenticité des messages. Être dans le semblant et la théâtralisation de l’entreprise, c’est s'exposer au risque d’un effet boomerang pouvant prendre la forme de commentaires ironiques, voire belliqueux. Même si le risque de dérapage diminue dans les contextes organisationnels bienveillants, nul n’est à l’abri d'un désagrément. Dans une entreprise bretonne où il fait bon travailler, un salarié s’était autorisé à ajouter un commentaire négatif sur un post LinkedIn de la DRH simplement parce que l’embauche de sa petite amie venait de lui être refusée ! À la demande de plusieurs de ses collègues, il avait enlevé deux heures plus tard son message désobligeant. C'est dire l'efficacité de l’effet régulateur d’un collectif de travail soudé et attaché à l’entreprise.

2/ Respecter le besoin organisationnel d'intimité

La transparence est généralement vue comme une vertu. Doit-on pour autant tout partager sur les RS professionnels ? Dans notre société hypermédiatisée, nombre de personnes déballent leur vie privée à la TV, à la radio, sur le net. Comportements sociaux établis depuis longtemps aux États-Unis dont nous avons hérité. Ce primat du visible et de l'anecdote est une forme de transparence qui, paradoxalement, nous éloigne de la connaissance, de la réflexion, de la vérité. Dans son ouvrage La société de transparence (2017), le philosophe B-C Han met à mal l'idéologie de la transparence qui fabrique, selon ses termes, « un monde vide et sans perspective ».

Pour penser la nécessaire mais délicate transparence sur les RS professionnels, sans doute faut-il admettre l'idée fondamentale que l’entreprise est avant tout une communauté de personnes. Et comme dans toute communauté, ce qu'on y vit suppose un minimum d’intimité. Si tous les moments agréables, difficiles ou banals se retrouvent sur la virtuelle place publique, comment espérer susciter un quelconque sentiment d’appartenance à une entreprise spécifique ? Le risque d’une communication surabondante sur les RS est au final que les collaborateurs finissent par considérer que les actions menées en interne le sont d’abord pour être communiquées, et non parce qu’elles leur sont bénéfiques.

3/ Définir un cap de l’action et de la communication

Si les responsabilités de GRH et de communication méritent d'être assumées par une même personne (ou un même service), tant elles sont étroitement imbriquées, le cœur du métier doit rester RH : il convient d’agir en communiquant lorsque c’est opportun et non de communiquer pour faire croire qu’on a agi.

Idéalement, une politique RH pensée, claire et cohérente constitue le socle fondateur d’une politique de communication qui met en lumière les actions illustrant au mieux le projet de l'entreprise. Ce qui importe c'est d'établir une ligne conductrice qui donne du sens à l'action et à la communication. Aussi paraît-il opportun, et même indispensable, de s'emparer de la récente invitation de la Loi Pacte qui propose à chaque entreprise de réfléchir à sa raison d’être sociale, sociétale et environnementale.

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