Article co-écrit avec Xavier Clément-Lacroix (1)

« Les entreprises sans stratégie ou solution en matière d’épargne retraite ne réussiront pas à capter et fidéliser les talents »

La réforme systémique des régimes de retraite en cours déclenche oppositions et débats au niveau national. Elle permet d’illustrer la problématique de notre système actuel lié aux évolutions du ratio actifs / retraité.

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Source : projections du Conseil d’orientation des retraites (retraité de droit direct)

Le pessimisme des jeunes sur l’avenir du système des retraites est démontré. Dans un sondage « Les Français et la retraite », réalisé par Gfk / Groupama en 2018, les 25-35 ans sont 81 % à penser qu'ils ne percevront pas une pension à la hauteur de leurs attentes.

Parmi les sujets traités par la réforme annoncée, les français sont visiblement plus soucieux du niveau de leur future pension de retraite que d’un allongement de la durée de cotisation ou d’un recul de l’âge de départ (enquête DREES juin 2019) : l’épargne supplémentaire individuelle et collective prend alors tout son sens.

Exemples de niveau de pension de retraite actuelle en fonction du salaire de fin de carrière :

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Hypothèses : Homme ; cadre ; né en 1977 ; salaire actuel : 61000€ ; âge de début de carrière : 22 ans ; âge de départ en retraite : 65 ans ; croissance du salaire : 1,5% / an

Le sort des retraites obligatoires conduit les entreprises à endosser un rôle de plus en plus important en matière d’abondement aux régimes de retraite d’entreprise.

Un taux d’équipement en retraite supplémentaire encore très faible

La DREES souligne dans son enquête « Les retraités et les retraites » menée en juin 2019, qu’un tiers des entreprises au-delà de 1 000 salariés ont souscrit un dispositif de retraite supplémentaire, alors que la proportion tombe à 21% entre 100 et 250 salariés, et 11% en-dessous de 50 salariés. Nous avons nous-même réalisé chez Verlingue un sondage auprès de 500 entreprises clientes qui corrobore ces statistiques avec un équipement encore faible avec des hétérogénéités de couverture :

  • Seulement 30 % d’entre elles proposaient un dispositif d’épargne retraite collective.
  • Parmi les entreprises équipées, la moitié avait mis un dispositif uniquement pour leurs cadres.
  • Un quart des entreprises répondantes à notre enquête expriment un intérêt à court terme pour la retraite supplémentaire.

Loi Pacte : des nouveautés pour booster l’épargne retraite supplémentaire

La loi Pacte, publiée en amont de la réforme des retraites visant à créer un système universel, entend booster les dispositifs d’épargne retraite supplémentaire en encourageant et en incitant les français à investir davantage dans ces plans d’épargne. Elle améliore sensiblement l’attractivité des dispositifs mis à disposition des entreprises, et modifie les rapports employeur/salariés.

Les objectifs de la loi PACTE en matière de retraite supplémentaire peuvent se résumer en quelques mots : simplification et harmonisation des règles entre les dispositifs, attractivité, flexibilité, transférabilité. Cela se traduit par la création d’un Plan d’Epargne Retraite (PER) unique pour accompagner l’épargnant tout au long de son parcours professionnel.

Les cadres dirigeants en première ligne

Les cadres supérieurs sont particulièrement concernés par la nécessité de se constituer des revenus complémentaires à la retraite car leur taux de remplacement dépassera rarement les 40% de leurs derniers revenus nets d’activité...à 67 ans selon les règles en vigueur.

Si le projet de réforme des retraites présenté entre en vigueur, les cotisations génératrices des droits à retraite seront plafonnées à trois fois le plafond de la sécurité sociale (PASS) au lieu de huit. Certes cela représenterait un gain immédiat en salaire net pour la population des cadres dirigeants…. Mais également une chute du montant de leur pension de retraite complémentaire.

Les entreprises qui ont identifié les conséquences de la limitation de l’acquisition des droits à trois PASS attendent avec impatience la refonte de l’article 39 instaurée par la loi Pacte pour se mettre en conformité avec la réglementation européenne. En effet c’est une solution complémentaire aux PER qui permet d’acquérir des droits à rente jusqu’à 3 % de la rémunération annuelle du bénéficiaire dans la limite de 30 points sur la totalité de sa carrière.

Les dispositifs de la Loi PACTE sont autant d’opportunités de se constituer dans un cadre fiscal et social favorable une épargne retraite éventuellement transformable au terme en complément de revenus viagers.

La question du taux de remplacement concerne avant tout les dirigeants mais par effet ricochet va concerner tous les collaborateurs. Les entreprises vont être obligées de se saisir de ce sujet. Un employeur qui ne prévoit rien en matière de retraite supplémentaire ne pourra pas demain recruter les talents dont il a besoin. Il risque également de voir les compétences partir à la concurrence.

Rassurer les épargnants sur ces dispositifs

La prise de conscience par les salariés de la baisse des taux de remplacement des régimes obligatoires fera qu’ils s’impliqueront naturellement dans la retraite supplémentaire. Il est donc important de communiquer, apporter de la pédagogie et valoriser ces nouveaux dispositifs.

Avec les PER, les salariés auront désormais la possibilité de réaliser des versements volontaires complémentaires à ceux de leur employeur pour augmenter leur épargne en vue de préparer leur retraite. Chaque épargnant bénéficie d’une déductibilité de ses versements sur son assiette d’impôt sur le revenu. Au moment de son départ en retraite, ses versements pourront être libérés sous forme de rente ou de capital.

La loi Pacte entend également mettre en place des produits rentables, flexibles et liquides avec des dispositifs d’investissement rassurants. Les grilles de gestion financière pilotée retenues par défaut répondent à cet enjeu et permettent d’orienter les épargnants vers des placements qui offrent des perspectives de rendement performants dans la durée. La période glorieuse du fonds euro semble bien finie. Dans un contexte économique de taux bas durable, il est désormais nécessaire de s’orienter vers des placements plus dynamiques avec une sécurisation de l’épargne lorsque l’horizon de la retraite se rapproche.

Ainsi sur une grille de gestion dite « Equilibre », un salarié qui investit trimestriellement 250 € pendant 25 ans sur l’ensemble de sa carrière, par lui-même ou par l’intermédiaire de son entreprise, pourrait récupérer à terme un capital de 48 000€ soit presque 2 fois les sommes investies.

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Hypothèse : rendement trimestriel lissé (4,5% annuel) sur la durée de l’épargne sur la base d’un capital à terme constaté sur un backtesting de performance d’une grille de gestion par horizon « équilibre »

Des employeurs attendus

Le sujet « Retraite » devient majeur et préoccupe à juste titre tous les acteurs de l’entreprise. L’épargne retraite collective va constituer un élément important du package de rémunération et une brique essentielle de la compétitivité sociale des entreprises.

La portabilité* des dispositifs va modifier les standards de recrutement des entreprises, qui devront anticiper la demande de dispositif d’accueil des futurs candidats (attractivité). La transférabilité* entre les dispositifs demandera aux services RH une nouvelle expertise car les salariés interrogeront dorénavant l’entreprise sur cette thématique et saisiront les représentants du personnel en amont des négociations annuelles obligatoires (NAO) notamment.

Avec la loi PACTE et le débat en cours sur la réforme des retraites, nous constatons que salariés et employeurs se rejoignent sur les interrogations liées aux dispositifs d’épargne retraite et sur la nécessité de mieux appréhender le sujet dans l’entreprise. Sur ce troisième pilier de la protection sociale en France, l’accompagnement mérite d’être renforcé tant auprès des employeurs dans la détermination des besoins et les budgets à y allouer qu’auprès des salariés dans la compréhension et la valorisation de ces dispositifs.


(1) Xavier Clément-Lacroix, Manager Epargne-Retraite : Diplômé de l’École d’administration et de direction des affaires, Xavier Clément-Lacroix a débuté sa carrière en 2000 et occupé différents postes de management commercial. Il rejoint le cabinet JP Colonna en 2011 comme responsable grands comptes. Xavier Clément-Lacroix était depuis 2017, directeur commercial assurance de personnes chez Axelliance.

* possibilité de transférer l’encours (les versements et cotisations, majorés des intérêts et des plus-values latentes) du PER d’une entreprise à une autre.