Dans un contexte légal toujours en évolution et empreint d’une complexité toute française, la BDES a-t-elle réussi à répondre à son objectif principal, renforcer le dialogue social ?

La mise en place de la BDES : de l’esprit de la loi au principe de réalité

Obligatoire depuis 2014 ou 2015 en fonction des entreprises, la base de données économiques et sociales (BDES) rassemble des informations chiffrées et des actions prospectives à mettre en place qui doivent être mises à disposition des IRP. Cette base de données doit permettre aux élus d’exercer utilement leurs compétences et, pour les entreprises d’au moins 300 collaborateurs, doit être obligatoirement dématérialisée.

Une enquête menée par ADP à l’automne 2019 donne quelques tendances sur la mise en pratique de cette obligation. D’après les réponses données par les 250 clients répondants, 69% d’entre eux ont mis en place la BDES : 62% des entreprises d’au moins 50 collaborateurs, 89% pour les entreprises d’au moins 300 collaborateurs. Dans cette dernière catégorie, l’obligation de dématérialisation est respectée dans 93% des cas.

Lorsque l’on interroge les entreprises n’ayant pas encore déployé la BDES sur leurs raisons, 75% d’entre elles répondent « par manque de temps », 16% répondent que « c’est trop compliqué ». Voilà qui semble démontrer que s’atteler à cette tâche est une gageure compte tenu des contraintes opérationnelles des experts de la fonction.

Si la grande majorité des entreprises respectent leurs obligations sur le sujet, l’exercice ne suscite pas un engouement particulier.

Alimenter la BDES… un véritable casse-tête

La BDES doit comporter des indicateurs RH ainsi que des indicateurs financiers ou de responsabilité sociétale par exemple sur l’environnement. Rien que pour les indicateurs RH, la variété des informations demandées ne peut être alimentée par une source unique. En pratique, seuls 5% des répondants s’appuient uniquement sur un SIRH Reporting pour produire les indicateurs RH, 38% des répondants utilisent deux à trois sources différentes (documents existants, requêtes ou SIRH reporting), 21% utilisent des requêtes ; 81% n’utilisent pas de SIRH Reporting.

La BDES doit être mise à disposition des élus et alimentée à périodicité régulière en fonction des indicateurs et de la taille de l’entreprise. Certaines données doivent être intégrées de façon annuelle, d’autres indicateurs doivent être intégrés de façon semestrielle, trimestrielle ou mensuelle. La variété de périodicités d’alimentation de la BDES sert à rythmer le dialogue social.

En pratique, 42% des répondants indiquent n’alimenter la BDES qu’une fois par an. Cela ne signifie pas forcément que les élus ne bénéficient pas des informations auxquelles ils ont droit, simplement que l’information ne transite peut-être pas par la BDES.

Le renforcement du dialogue social, enjeu majeur de la BDES, devait passer par la simplification de la transmission des informations. Si le support centralisé qu’est la BDES est censé simplifier la vie des élus, il ne simplifie pas la vie des collaborateurs chargés de l’alimenter : 28% des interrogés estiment que cela prend « beaucoup trop de temps ». Si on ajoute à cela le fait que le nombre de BDES à créer dépend de l’organisation de l’entreprise et que certains indicateurs n’ont pas évolué depuis 40 ans …

La BDES et les élus

Dès les premiers textes de 2013, la logique de la BDES repose sur la co-responsabilité et la collaboration entre les acteurs. Avec l’évolution de la législation sur les possibilités de négocier et la mise en place du CSE, quel rôle joue les élus ?

La loi sur le dialogue social de 2017 donne davantage de souplesse aux entreprises pour adapter le contenu de la BDES à ses enjeux stratégiques et besoins opérationnels. La mise en place du CSE était également une opportunité pour relancer la dynamique sur le sujet.

Il est désormais possible de négocier sur l’organisation, l’architecture et le contenu de la BDES d’une part et sur ses modalités de fonctionnement d’autre part, en respectant deux règles incompressibles : la BDES devra comporter au moins sept thèmes précis et devra permettre aux élus d’exercer utilement leurs compétences. Quel impact l’évolution de la législation a-t elle eu à ce jour sur le renforcement du dialogue social ?

En pratique, seuls 14% des répondants ont mis en place un accord d’entreprise ou envisagent de le faire. Sur les 14%, tous les répondants envisagent de négocier sur le contenu de la BDES, 67% sur l’architecture et l’organisation.

Par ailleurs, 49% des répondants estiment que leurs élus les sollicitent peu sur le sujet et 41% sont demandeurs d’informations. Pour 10% du panel interrogé les élus sont exigeants et pour 11%, ils sont partenaires : il pourrait être intéressant de s’adresser directement aux élus pour recueillir leur avis sur la BDES, outil produit et alimenté par l’employeur pour leurs élus…

L’analyse de ces quelques données chiffrées montre que sans l’implication de tous les acteurs, la BDES restera cantonnée à une belle idée, sans impact réel sur le dialogue social et déconnectée des enjeux stratégiques de l’entreprise. Il apparaît alors que l’appropriation du sujet par les élus et la modernisation des indicateurs à présenter seront les enjeux de la BDES de demain.

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