L’expérience du travail confiné : réflexions pour le monde qui vient

En quelques jours nos repères habituels de travail ont été complètement bouleversés. Après une phase d’adaptation chacun a pu trouver, bon gré mal gré, un nouveau modus vivendi. Arrive ensuite la sortie de confinement avec de nouveaux repères à trouver et adapter. Cette expérience particulière de travail invite à s’interroger sur le travail lui-même et redécouvrir ce qu’il signifie pour nous. Cette prise de conscience constitue un point d’appui sur lequel construire la performance durable et solidaire de demain.

Travailler, c’est bien plus que produire

Qu’est-ce à dire ? Tout d’abord, il y a la prise de conscience que le travail n’est pas seulement une activité de production. Certes quand nous pensons au travail, nous pensons en premier lieu à ce qui est produit car le travail objectif est visible et mesurable : il permet d’alimenter des tableaux de bord et piloter l’activité.

Toutefois, le travail ne peut se résumer à la simple production. Un robot ou une machine produisent, ils ne travaillent pas. Ce sont les hommes et les femmes qui travaillent, le travail est spécifiquement humain. C’est le propre de l’homme, car pour l’homme, travailler est aussi se réaliser et se transformer soi-même. Or, le bouleversement des repères habituels de travail est l’occasion pour chacun d’éprouver et prendre conscience de la dimension subjective du travail. Cette prise de conscience a pu parfois se faire dans la douleur en raison des conditions particulières de travail pendant la période de confinement.

Vous avez dit confinement ? Les mesures imposées de distanciation sociale et d’isolement nous rappellent que déjà Aristote considérait que l'homme était un animal social. Cette réalité nous rejoint dans notre expérience du travail. Nous ne travaillons jamais seuls, nous avons des collègues, et notre travail s’inscrit dans un long enchevêtrement de relations humaines. Il y a une longue chaîne qui s’étend des fournisseurs jusqu’aux clients en passant par les parties-prenantes. La dimension collective du travail surgit et se rappelle à nous alors même qu’elle subit une virtualisation généralisée. Nous la découvrons aujourd’hui sous une autre forme et nous mesurons à quel point le travail est facteur d’intégration.

Le travail en trois dimensions : subjectif, objectif et collectif

Ce temps de confinement et la période qui suit, celle d’un déconfinement progressif sur plusieurs mois, mettent à vif les trois dimensions du travail identifiées par Pierre-Yves Gomez dans son essai Le travail invisible[i] (Gomez, 2014). Dans cet ouvrage, récompensé par le prix du livre RH en 2014, ce professeur de l’EM Lyon montre comment le travail, pour être vivant et vivifiant et ainsi créer de la valeur, doit intégrer trois dimensions : la dimension objective, la dimension subjective et la dimension collective.

Un triple défi pour les entreprises

Aujourd’hui les entreprises font face à trois enjeux majeurs : renouer avec la performance afin d’assurer leur survie économique, reconsidérer la vulnérabilité inhérente à chaque être humain qui est apparue avec force à l’occasion de la pandémie, et recréer un collectif de travail qui a pu être fragilisé par la distance et l’apparition d’inégalités sociales mises en lumière pendant le confinement. Ces trois enjeux correspondent aux trois dimensions du travail.

Il est donc nécessaire de s’interroger sur la place qu’occupe réellement le travail au sein de l’organisation car c’est lui qui crée de la valeur. Il convient également d’évaluer le degré d’intégration de ses trois dimensions, c’est-à-dire la capacité à prendre en compte dans un même temps, c’est-à-dire une même action ou une même décision, chacune des dimensions en évitant de les traiter de façon séparée.

Enfin, remettre le travail au centre de l’organisation n’est qu’un premier pas, il doit désormais regarder dans une direction, et donc s’inscrire dans une vision partagée qui donne du sens. A ce sujet, rappelons-nous que le sens est exogène, il est extérieur au travail lui-même, il faut donc identifier le but commun qui sera capable de mettre l’ensemble des collaborateurs en mouvement.


Crédit photo de l’image d’en-tête : Simon Abrams sur Unsplash.com

[i] Pierre-Yves Gomez, Le travail invisible, enquête sur une disparition, François Bourin, 2013

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