En cas de relaxe par le juge pénal, un employeur peut-il être condamné pour des faits de harcèlement moral devant la juridiction prud’homale ?


Mme V... a été engagée par M. R... le 2 juillet 2012 par contrat de professionnalisation en qualité d'assistante dentaire. Elle a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement le 7 octobre 2013, et licenciée pour faute grave le 25 octobre 2013.

Soutenant avoir été victime de harcèlement sexuel, la salariée a saisi la juridiction prud'homale le 12 octobre 2015 en contestant son licenciement.

Par jugement définitif du 28 juillet 2016, le tribunal correctionnel d'Angers a relaxé l'employeur des fins de la poursuite pour harcèlement sexuel.

Pour autant, la juridiction prud’homale a quand même reconnu que la salariée avait été victime de harcèlement sexuel et que son licenciement était nul, et lui a octroyé des dommages-intérêts.

Pour l’employeur, le juge civil ne peut méconnaître ce qui a été jugé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action publique et de l'action civile.

Dès lors que le juge répressif avait relaxé M. R... des fins de poursuites de harcèlement sexuel au préjudice de Mme V..., la cour d'appel ne pouvait retenir de tels faits à son égard.

A l’occasion de ce litige, la Cour de cassation rappelle qu’il résulte des articles 1351 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 480 du code de procédure civile que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé.

Néanmoins, en l’espèce, la cour d'appel a relevé que la relaxe du tribunal correctionnel était fondée sur le seul défaut d'élément intentionnel.

Or, la caractérisation de faits de harcèlement sexuel en droit du travail ne suppose pas l'existence d'un élément intentionnel.

Par conséquent, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que la décision du juge pénal, qui s'est borné à constater l'absence d'élément intentionnel, ne privait pas le juge civil de la possibilité de caractériser des faits de harcèlement sexuel de la part de l'employeur.
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Cour de cassation
Chambre sociale
Audience publique du mercredi 25 mars 2020
N° de pourvoi: 18-23682
Non publié au bulletin

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