Dans l’idée la plus répandue, les dirigeants ont recours aux consultants RH pour les aider à améliorer, directement ou indirectement, la performance de leur entreprise : ils s’appuient sur les connaissances, l’expérience et la compétence de ces derniers, censés leur apporter les clés de la réalisation du puzzle socioprofessionnel et politico-économique qui conditionne leur réussite.

C’est une illusion naïve, et le consultant qui aborderait le marché avec cette conviction aurait bien du mal à trouver un client, surtout si la mise en œuvre de ses réponses risquait d’être vraiment efficiente, c'est-à-dire de changer réellement quelque chose.

Un monde nouveau

Car derrière les traditionnelles déclarations d’intentions, les dirigeants attendent en fait du consultant une maximisation des gains en limitant au maximum la prise de risque. Ils adoptent ainsi presque toujours, aujourd’hui, une stratégie prudente : « En remettant en cause le moins de choses possibles, donnez nous deux ou trois méthodes pour que ça ait l’air de changer dans le sens du vent et que nous valorisions de la sorte notre action ».

Ainsi, les dirigeants croient :

  • Soit que le consultant ou l’expert a une méthode miracle pour cela.
  • Soit parfois que le consultant va assumer le risque à leur place.
  • En tous les cas, ils cherchent la caution d’une théorie, d’une autorité d’expertise, ou de la comparaison avec ce qui se fait déjà. Raison pour laquelle, d’ailleurs, ils préfèrent habituellement aujourd’hui les standards sans vagues des géants du consulting, plutôt que la solution sur-mesure et à forte valeur ajoutée – trop forte, donc trop risquée – du petit cabinet.

Donner le change

C’est qu’au lieu de vouloir effectivement créer de la valeur, la plupart ne cherchent qu’à en trouver de l’existante, et ils espèrent la trouver toute faite chez le consultant. Ils n’ont donc pas recours à lui comme véritable conseil stratégique, mais plutôt comme validation d’une solution prudente, dûment cautionnée et limitée par tout le système. Beaucoup maintiennent, comme marge de manœuvre, une ambiguïté de bon aloi entre la gestion comptable d’une relation client – interne et/ou externe – artificiellement placée au cœur de leur activité, et le développement effectif du potentiel de l’entreprise.

En définitive, les dirigeants recourent aux consultants pour se donner une illusion d’efficience, mais ils ne pratiquent en fait que la recherche de l’efficacité, confondant gains de productivité et développement de la compétitivité.

C’est sans doute que l’efficacité peut avoir un indicateur alors que l’efficience ne se mesure pas directement et n’est pas immédiatement « valorisable » pour eux. Le problème est que, paradoxalement, l’efficacité ne crée pas de valeur ; la performance durable, elle, exige l’efficience, laquelle repose d’abord sur un fond conceptuel à forte valeur ajoutée et une combinatoire opérationnelle créative. Il faut bien dire que ceci fait mauvais ménage avec les structures hiérarchiques policées auxquelles les dirigeants eux-mêmes sont les premiers attachés. C’est que l’efficience – et la créativité qui lui est connexe – fait peur à tous, à cause de ses effets non maîtrisés a-priori. L’amélioration de l’efficacité, quant à elle, ne comporte pas grand risque et satisfait ceux qui ont le pouvoir dans l’entreprise : les financiers et les actionnaires. L’efficience peut s’avérer très payante, mais la prise de risque est telle que le système la torpille avant même qu’elle ait pu voir le jour. On n’a jamais tant parlé de « gestion des connaissances »… et cette notion n’a jamais résonné aussi creux.

Le consultant est donc placé devant le paradoxe de l’innovation sans créativité. C’est pourquoi il est le roi des réformes de structures et des réorganisations. Mais qu’on ne s’y trompe pas : on ne le met souvent au service, sous des dehors valorisants, que d’un attentisme timoré et de la non-décision permanente.

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