L’impossibilité pour les employeurs de faire revenir leurs collaborateurs dans une organisation spatiale classique, a provoqué une augmentation de la mise en place du flex office (bureaux non attribués) en entreprise. Est-ce la bonne solution pour faire revenir les collaborateurs en sécurité ?

Durant 2 à 6 mois, la majorité des bureaux français ont été désertés par les collaborateurs suite à la crise du Covid-19 et au confinement demandé par l’Etat Français. Cette situation inédite dans le monde professionnel a provoqué des bouleversements importants pour les employeurs et les salariés.

Pour maintenir l’activité, il a en effet fallu trouver des moyens rapides de faire revenir une partie des équipes au bureau.

Des centaines d’entreprises ont donc commencé à implémenter dans leurs locaux, le flex office, un mode d’organisation dans lequel les postes de travail des collaborateurs ne sont pas attribués. Ce type d’aménagement semblait plus adapté pour gérer les venues des équipes et la distanciation sociale.

Qui dit vitesse, dit souvent précipitation. La mise en place du flex office qui se fait d’habitude sur plusieurs mois, a été faite en toute hâte et pas toujours de la bonne manière.

Est-ce la solution aux maux de l’espace de travail durant l’ère post covid ? Le flex office peut-il répondre aux craintes des collaborateurs ? Comment faire pour que ce changement drastique se passe bien ? Romain Fusaro, fondateur de Kolluri et passionné par les nouvelles manières de travailler, tente de répondre à ces questions.

Des modes de travail qui évoluaient déjà avant la crise sanitaire,

Soyons clair, les nouvelles méthodes d’organisation et modes de travail comme le flex office ne sont pas apparus subitement durant la crise sanitaire. Depuis plusieurs années, on assistait déjà à une transformation des usages des utilisateurs (les collaborateurs) mais aussi des décideurs (les entreprises).

Du côté des premiers, on cherchait de plus en plus un équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, un besoin de flexibilité (surtout pour les nouvelles générations), et la possibilité de travailler à distance.

Les seconds, eux, privilégiaient régulièrement une installation de leurs locaux en openspace, tentaient de faire émerger le flex office dans le but d’optimiser leurs coûts immobiliers et commençaient à étudier la question du télétravail, d’un point de vue réglementaire, technologique et managérial.

Le confinement a tout accéléré et certains experts affirment que l’on aurait gagné 5 ans dans la transformation des modes de travail.

L’accélération de l’adoption du Flex Office par les entreprises après le confinement

Durant le déconfinement, le flex office est apparu comme une des seules solutions pour faire revenir progressivement les collaborateurs sur le lieu de travail sans mettre en danger leur santé, ou du moins en limitant les risques. A l’origine plutôt plébiscité par les grands groupes, il s’est aussi développé dans les plus petites entreprises.

Son principe ? Revoir la totalité de l’espace de travail et son organisation, en faisant la part belle au télétravail et au poste de travail non attitré pour les collaborateurs.

Concrètement ? Dans ces bureaux flexibles, le nombre de postes de travail, leur emplacement et la fonction des zones désignées ont été modifiés. Les plus petites salles de réunion ne peuvent plus accueillir un nombre important de personnes, un espace a été construit entre chaque poste de travail (avec une cloison ou en laissant un poste de travail vide), un nombre limité de collaborateurs est autorisé dans l’openspace, etc...

Les avantages du flex office sont nombreux. On va premièrement pouvoir favoriser la distanciation sociale car on peut désigner les bureaux qui peuvent être utilisés ou non et aussi vérifier le nombre de personnes présentes sur site (notamment grâce à des applications dédiées).

Deuxièmement, les entreprises vont pouvoir optimiser leurs espaces et potentiellement faire des économies. En effet, on sait que d’habitude le taux d’occupation moyen d’un bureau avoisine les 60 à 70% avec les rendez-vous clients, les congés, les absences, les réunions, etc… Avec un système de flex office, on décide de prendre des surfaces plus petites et de les optimiser.

Enfin, le troisième grand avantage est de pouvoir rencontrer des collaborateurs que l’on ne connaît pas forcément et ainsi favoriser la sérendipité, c’est à dire le fait de faire une découverte potentiellement bénéfique à l'entreprise et à sa productivité en échangeant avec une autre personne.

Un projet de long terme que l’on a transformé en projet de court terme

On va pouvoir profiter de ces avantages de façon durable si la mise en place est travaillée en amont.

En effet, cette modification structurelle de l’organisation d’une entreprise nécessite souvent des mois de travail avant de pouvoir l’implémenter. Réunions de travail entre la direction, avec les collaborateurs, avec les instances représentatives du personnel, communication, co-création : intégrer le flex-office dans un bureau est un changement radical assez chronophage et qui prend du temps à être accepté par toutes les parties prenantes.

Le problème est que, à la fin du confinement, les entreprises ont dû parer au plus pressé et intégrer très rapidement ce mode d’organisation dans préparation préalable. Ce qui a pu avoir des conséquences néfastes à court, moyen et long terme sur l’entreprise, son activité et ses collaborateurs.

Les risques et les enjeux du flex office

Le flex office ne plaît pas à tout le monde. En effet, se retrouver d’un jour à l’autre, sans bureau attitré et avec la nécessité de devoir rendre un “clean desk” (bureau vidé de tout objet personel ou professionnel) à la fin de la journée, peut faire peur à plus d’un collaborateur.

On assiste notamment à un rejet de certaines générations qui n’appréciaient déjà pas l’open-space et qui se retrouvent maintenant sans bureau.

On peut aussi citer la baisse d’engagement possible des collaborateurs. En effet, dans une organisation en flex-office mal gérée, certains collègues ne se voient plus du tout et on peut se sentir abandonné par ses pairs ou son management, si une communication claire et des outils digitaux n’ont pas été mis en place.

On note également que le sentiment d’appartenance à la société peut baisser en allant moins sur le lieu de travail ou en travaillant moins physiquement avec une équipe.

Enfin, si des formations n’ont pas été organisées, on peut constater un inconfort de la part des managers. En effet, le management “à la française” est encore assez traditionnel. On insiste sur les hiérarchies, le contrôle des tâches et la présence au bureau. Casser tous ces codes peut être mal vécu par les managers qui peuvent avoir du mal à trouver leur nouveau rôle.

La solution : co-création avec les collaborateurs, communication et formation

On l’a vu, ce projet qui au départ est arrivé pour régler des problèmes importants peut faire plus de mal que de bien à une entreprise. Même si le temps manque, il est donc primordial de préparer ce changement avec les équipes.

Il faut impliquer au maximum ses collaborateurs pour que cette contrainte vécue devienne un levier de motivation pour toute l’organisation, en leur faisant comprendre quels sont les avantages, ce qu’ils vont tirer de cet aménagement et communiquer au maximum.

On peut notamment effectuer des réunions de co-création en visio-conférence pour que tout le monde puisse participer et être sensibilisé à ce nouveau mode de travail.

Investir aussi dans les zones de travail informel et les zones de détente avec des salles de sieste, de jeux, des bibliothèques, de sport, etc… est important pour équilibrer ce nouveau mode de travail.

Pour finir, la formation des managers et des collaborateurs est également essentiel car ce mode de travail va induire de nouveaux comportements. Sortir du contrôle du temps ou de la présence d’un collaborateur sur site et se positionner plutôt vers la mise en place d’objectifs est plus approprié dans ce genre de configuration.

C’est en ce sens aussi que les entreprises redonneront envie aux collaborateurs de se rendre au bureau, les engageront dans leur travail et les motiveront à se dépasser.

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