Il y a pour les entreprises un véritable enjeu à « réinventer la GPEC », avec une démarche faisant le lien entre leur stratégie (business model, facteurs de différenciation, axes de développement) et leur politique de ressources humaines.

Cette approche de Strategic Workforce Planning a désormais été déployée dans de nombreuses organisations. Elle constitue un levier puissant pour mobiliser sur les enjeux stratégiques et réunir les conditions humaines permettant de bien les aborder.

GPEC ou Strategic Workforce Planning ?

La GPEC traditionnelle est devenue source de défiance pour de nombreuses entreprises parce que spontanément associée à une approche bureaucratique, à une démarche longue et complexe, type « usine à gaz », bref un projet éloigné des enjeux business immédiats.

Il est vrai que la production normative intense du législateur en la matière, associée à certaines pratiques, a conduit à décrédibiliser une approche pourtant indispensable, puisque visant à identifier les compétences et les effectifs nécessaires à moyen terme.

Apparu il y a une dizaine d’années, le Strategic Workforce Planning est une démarche qui permet de dépasser les limites de la GPEC tout en répondant aux mêmes enjeux complexes : identifier les impacts des évolutions des activités de l’entreprise sur les ressources humaines, leur nombre et leurs compétences.

Les atouts de cette démarche

Le Strategic Workforce Planning constitue une approche plus ciblée et plus simple que la GPEC, utilisant des outils puissants et entièrement focalisés sur les enjeux concrets des différentes activités de l’entreprise.

Ce processus systématique permet d’identifier et de répondre aux écarts entre les ressources disponibles et les besoins, aujourd’hui et dans le futur. Ainsi, l’entreprise peut s’assurer en continu que les bonnes personnes et les bonnes compétences sont au bon endroit, au bon moment et au juste coût.

L’intérêt de la démarche réside notamment dans son articulation avec la stratégie de l’entreprise. Celle-ci est appréhendée au travers d’interviews structurées des responsables des business units de l’entreprise, afin d’aller au-delà de ce qui est indiqué dans le plan stratégique. En effet, des évolutions peuvent être intervenues depuis son élaboration.

De plus, certains objectifs sont parfois difficiles à formaliser (comme l’évolution de la culture, des postures, des comportements) et il s’agit d’identifier les conséquences très précises de ces dimensions sur les différents métiers de l’entreprise.

Les 5 piliers du Strategic Workforce Planning :

  1. Positionner le Strategic Workforce Planning comme domaine de responsabilité partagée entre la fonction RH et les managers est un facteur déterminant dans le succès de ce projet.
  2. Incontournable pour garantir la faisabilité pratique de la démarche, la mobilisation d’un outillage prédictif. Celui-ci doit permettre de faire glisser les pyramides des âges en y intégrant les différentes variables (mobilités, promotions, turnover, etc.). Peu d’outils sur le marché sont véritablement satisfaisants. L’enjeu est d’identifier une application qui puisse « se brancher » directement sur le SIRH, quel qu’il soit, pour travailler sur les données disponibles sans avoir à les retraiter.
  3. L’arbitrage doit être clair entre les trois options possibles pour combler les écarts entre les ressources existantes et celles nécessitées par les projets de l’entreprise : le développement des compétences (make), le recrutement en externe (buy) ou la mobilité interne (redeploy).
  4. La valorisation monétaire de ces différentes options va constituer une des données clés pour réaliser cet arbitrage. Par exemple, pour développer une équipe de data scientists, comment pondérer économiquement ces trois options ? La faisabilité joue, bien sûr, mais la valorisation monétaire est aussi un des déterminants centraux.
  5. Le pilotage régulier par les dirigeants, en considérant le Strategic Workforce Planning comme le volet humain du plan stratégique de l’entreprise.

Pour aller au-delà

À cette approche logique, peut être ajoutée une étape contre-intuitive : partir des compétences différenciantes disponibles dans l’entreprise pour identifier de nouvelles activités à développer. Cette approche de type resource based view a permis à certaines entreprises de générer une croissance additionnelle.

Ainsi, en matière de thés aromatisés et d’infusions, Unilever a constaté qu’il avait une maîtrise du processus industriel d’aromatisation inégalée chez ses concurrents. Ce qui l’a conduit à décider de se développer en priorité sur ce marché et pour cela, de renforcer cet avantage en recrutant des aromaticiens, en développant les compétences dans ce domaine et en investissant dans l’outil industriel sur l’aromatisation. C’est ainsi que ce groupe a gagné 5 points de parts de marché en 5 ans en Europe. Une approche de Strategic Workforce Planning bien menée peut aussi avoir ces effets-là.

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