Lorsqu’on consulte les dictionnaires, la notion de « modernité » renvoie grosso modo au sens de ce qui est contemporain – ou à tout le moins récent dans l’Histoire – ET qui se démarque de l’ancien par l’intégration de la « nouveauté », d’un « progrès ». Selon Wikipedia « la modernité est un concept désignant l’idée d'agir en conformité avec son temps et non plus en fonction de valeurs, considérées de facto comme "dépassées" ». Diable !

Je n’entrerai pas ici dans une approche philosophique et critique de ces acceptions, qui le mériteraient pourtant largement. Ce qui est patent, c’est que la « modernité » a l’ambition de « disrupter » (ben oui : restons moderne !) la « tradition » ; voire même, pour donner dans le dernier cri (Sic !), de séparer un « après » d’un « avant » …

Laissons-là les querelles sémantiques et les débats dont « l’actualité » est plus médiatique que réelle et soyons fou : demandons-nous si les RH peuvent – savent ? doivent ? – être modernes ?

Car a priori, la vocation de la fonction RH n’a rien de nouveau ni de disruptif : elle est de satisfaire, en quantité et en qualité, les besoins en compétence d’une organisation autour d’un projet, pour répondre de manière structurée et organisée à la totalité des missions, objectifs et tâches nécessaires, aujourd’hui et autant que faire se peut en anticipant demain. Les mêmes domaines sont concernés depuis longtemps, sous un vocabulaire ou sous un autre, allant du sourcing des candidats au départ des salariés – pour quelque motif que ce soit –, en passant par la paie, la formation, la gestion des carrières et des talents, le support du management, la conformité juridique, le dialogue social… j’en passe et des meilleures ! L’ensemble repose à la fois sur la performance d’une gestion administrative qui en constitue le socle, et sur une réflexion stratégique censée apporter une valeur ajoutée à la Direction d’une entreprise. Certes, cela recouvre des pratiques circonstanciées et variables selon les lieux, les secteurs et les tailles, mais enfin on parle de la même chose.

En quoi la modernité affecte-elle cette vocation et ces domaines d’application ? Probablement en fort peu de choses si l’on considère ses rôles fondamentaux. Probablement en beaucoup si l’on regarde dans quelles conditions et dans quels environnements nouveaux les RH doivent accomplir ces rôles. L’inflexion très significative des réalités sociales, sociétales, économiques et technologiques a effectivement profondément modifié les problématiques habituelles. Selon les « Tendances mondiales en capital humain de 2020 » délivrées par Deloitte, 90 % des répondants ont affirmé́ que la nécessité́ pour les organisations d’accroître la portée et le rythme des changements aurait de l’importance pour leur réussite au cours des 10 prochaines années.

De quels changements plus précis s’agit-il ? Impact du numérique et de l’automatisation, exploitation intelligente des données, importance cruciale de l’expérience collaborateur, perception très différente du travail et de son sens, instabilité sociale et politique… il ne s’agit pas de réalités anecdotiques ! ADP en a livré une bonne synthèse – sans prétendre à l’exhaustivité – dans un livre blanc intitulé fort à propos « Guide pratique des RH modernes ». Il est clair que la situation sanitaire et les bouleversements d’organisation et de pratiques qui en ont résulté – et il semble bien que ce ne soit pas fini – ont donné un coup d’accélérateur à cette réflexion.

Sans oser recourir au proverbe affirmant que « à quelque chose malheur est bon », disons tout de même que cette réflexion, en partie imposée avec une certaine violence par les évènements, constitue pour les RH un tremplin de renouvellement possible et souhaitable.

Allons-nous, à l’heure où la modernité se traduit par beaucoup d’incertitudes, saisir cette opportunité ? Sans quoi il ne restera que le risque…

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