La répartition des rôles entre professionnels RH et managers est une question battue et rebattue. Celle de la posture des premiers avec les seconds est moins souvent traitée. Alors qu’elle conditionne non seulement la qualité de la relation, mais aussi et surtout la performance de la fonction RH. Or cette posture a beaucoup évolué dans le temps et reste très hétérogène selon les entreprises.

Un héritage lourd

Il est facile de rappeler que les premiers responsables du personnel étaient des militaires en retraite. Leur responsabilité relevait alors du respect de la discipline et de processus très formalisés. Le modèle organisationnel requerrait ce positionnement puisqu’il supposait que tous dans l’entreprise soient alignés dans l’exécution.

La posture qui en découlait pour la fonction RH était celle du gardien des règles. Surveillant les pratiques des opérationnels, il se devait de ramener dans le droit chemin ceux qui mettaient en œuvre des pratiques défaillantes. Il incarnait une forme d’autorité régalienne.

Il faut hélas reconnaître que cette posture de « gendarme » existe encore dans certaines organisations. La fonction RH y impose ses modes de fonctionnement aux opérationnels, décide à leur place sur un certain nombre de sujets, les déresponsabilise sur d’autres. Elle porte sur leurs pratiques un regard critique qui manque de bienveillance, les considérant comme durablement défaillantes. Cette attitude de type dominant / dominé conduit à une tension continue entre RH et managers, dans le cadre d’un rapport de force arbitré en faveur des premiers.

Une seconde posture inadaptée

Un mouvement de balancier s’est opéré dans de nombreuses organisations dès les années quatre-vingt-dix. Remettant au centre du fonctionnement de l’entreprise les activités dites « opérationnelles », directement créatrices de valeur, ces organisations ont repositionné les autres fonctions, dites « support », au service des premières. La volonté de développer une logique de service a conduit à l’apparition du Human Resources Business Partner (HRPB), avec souvent un rattachement direct au patron opérationnel.

Ce changement de pied a certes contribué à améliorer la qualité du service apporté. Mais il a généré une autre dérive : centré sur la réponse aux demandes immédiates des opérationnels, le HRBP a adopté des pratiques assujetties au court terme, sans recul sur les enjeux à traiter. Ce recentrage sur le seul service apporté a fait émerger une posture tout aussi inadaptée que celle du « gendarme » : celle du « valet ». Remarquons que dans ce second cas, nous en restons à une logique de rapport de force entre les deux acteurs. Les rôles du dominant et du dominé ont simplement été inversés.

Fort heureusement, les modes de relation se transforment dans nos sociétés modernes. Les modèles d’autorité du passé tombent progressivement en désuétude. Dans l’entreprise, l’autorité descendante et décrétée est de moins en moins acceptée. Elle s’efface au profit d’une autorité de compétence, basée sur la confiance réciproque et sur la valeur effectivement apportée.

Cette évolution s’accompagne d’un appel à l’esprit de responsabilité des acteurs de l’entreprise, dans des relations devenues adultes.

La posture qui émerge

Ces transformations ouvrent la voie à un nouveau positionnement de la fonction RH, qui doit alors articuler à leur plus haut niveau deux dimensions. La première concerne ses apports sur ce qui relève de son domaine d’expertise. La seconde dimension relève de la logique de service. La posture du gendarme revenait à sacrifier la seconde dimension au profit exclusif de la première, la posture du valet à sacrifier la première dimension au profit exclusif de la seconde. Il va s’agir désormais de porter toutes deux à leur maximum.

La fonction RH va devoir accompagner les opérationnels en veillant à la fois à ce qu’ils trouvent réponse à leurs demandes et à ce qu’ils montent en compétence sur les enjeux RH, en intégrant progressivement les logiques portées par la DRH sur la base de son expertise. Ce qui suppose de faire le pari de l’intelligence et de la capacité des personnes à se développer sur ces questions. Cette logique de responsabilisation est la seule approche possible dans les organisations modernes.

La cible en matière de répartition des rôles est simple. L’opérationnel décide. Le praticien RH l’aide à adopter les décisions pertinentes en intégrant les logiques RH. Il s’agit pour lui de fluidifier et non d’alourdir. La fonction RH est là pour l’aider à régler des problèmes, pas pour en créer. Elle doit donc emmener vers les solutions appropriées, plutôt que générer des obstacles supplémentaires.

Les pratiques à développer

Aller vers la cible est moins simple. Mais l’entreprise a les managers qu’elle mérite et le praticien RH doit accompagner ce mouvement de montée en compétences des opérationnels. Ce qui suppose qu’il adopte avec eux une posture de développeur.

Il va mettre en évidence les conséquences des approches ou décisions envisagées par le manager. Il fera preuve de pédagogie pour le faire grandir. Il utilisera le questionnement, pour aider son interlocuteur à identifier lui-même les réponses pertinentes. Il veillera en parallèle à éclairer les risques de certaines décisions.

Il veillera à expliciter auprès du manager sa propre posture et à le renvoyer à sa responsabilité. Il conclura l’échange sur la pertinence des réponses qui ont émergé, de manière à ancrer la bonne pratique. Pour la même raison, il organisera des séquences de retour sur expérience.

Après celle du gendarme et celle du valet, la posture du développeur permettra à l’organisation tout entière de progresser, avec au final des managers responsabilisés et compétents sur les enjeux RH et une fonction RH repositionnée sur les terrains où elle crée le plus de valeur.

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